Algérie

Taisez-vous M. Ksentini



Par Leïla Aslaoui-Hemmadi
Je m'étais promise de ne plus commenter les déclarations publiques de Maître Farouk Ksentini, avocat de son état, président de la Commission consultative des droits de l'Homme… (l'intitulé est plus long précisément parce que ladite structure présidentielle ne brasse que du vent) à ses heures perdues. Je n'entendais donc plus réagir car plus fracassantes et médiatisées qu'elles sont, les déclarations ksentiniennes sont le plus souvent insignifiantes et insipides.
Si je le fais aujourd'hui, c'est essentiellement pour interdire à M. Ksentini de piétiner la mémoire du Docteur Mohamed- Réda Aslaoui, mon regretté époux assassiné par les islamistes terroristes. Le 17 octobre 2011 rappellera à sa famille ce drame toujours aussi douloureux. Ma pensée s'adresse évidemment à toutes les autres victimes connues et anonymes. Mais je ne me permettrai pas de parler en leur nom n'ayant pas qualité et mandat pour le faire. Il existe suffisamment d'associations habilitées à agir. Revenons aux faits : en sa qualité de président de la Commission consultative des droits de l'Homme, M. Ksentini a annoncé, triomphant et fou de joie comme à son habitude lorsqu'il s'érige en défenseur des terroristes islamistes et de leurs familles, qu'une «amnistie générale interviendrait bientôt» (voir presse du jeudi 29 septembre 2011). Ainsi, M. Ksentini nous «explique» (sans rien expliquer et expliciter au demeurant), donc, qu'après la honteuse charte de l'impunité dont ont bénéficié les assassins de l'Algérie démocratique, des mesures seront décrétées pour leur accorder «bientôt» (Ksentini) l'effacement total et définitif de leurs crimes. En d'autres termes, les terroristes islamistes n'ont jamais égorgé, éventré, violé, détruit, fait exploser des bombes. Les victimes du terrorisme sont le fruit d'une imagination débordante — la nôtre — elles sont «mortes» à la suite de maladies diverses, d'accidents de la route, ou tout bonnement en chutant dans les escaliers de leur immeuble. Ainsi, après avoir obtenu par volonté présidentielle la garantie qu'ils ne seront pas poursuivis et jugés pour leurs odieux crimes, les barbus aux couteaux aiguisés peuvent fêter en grande pompe un autre événement : M. Ksentini leur offre une conscience javellisée et récurée. Tout est effacé, tout est oublié. Nous sommes frères et l'horrible comédie continue… S'il s'était agi d'une opinion personnelle de M. Ksentini, je n'y aurais certainement pas prêté attention. Cependant, choisi et nommé par le président de la République, l'on ne peut s'empêcher de penser que le même Ksentini a été mandaté par son chef pour annoncer des «mesures d'amnistie pour bientôt» en faveur des terroristes islamistes. Une décision présidentielle s'il en était, qui vient raviver des plaies ouvertes et nous renvoie à cette déclaration plantée tel un poignard dans le dos : «Que les familles des victimes pardonnent ou ne pardonnent pas, nous, nous pardonnerons» (Abdelaziz Bouteflika, discours télévisé). L'amnistie ne sera donc qu'une autre poignée de sel versée sur nos blessures sanguinolentes. Fort heureusement, M. Ahmed Ouyahia, Premier ministre, a entendu apporter la contradiction sur les ondes radiophoniques à M. Ksentini : «Il n'y aura pas d'amnistie». Donc, logiquement, M. Bouteflika n'a pas dit à M. Ksentini de dire. Celui-ci a déclaré d'ailleurs qu'on avait déformé ses propos. Tellement commode de prendre les journalistes comme boucs émissaires, n'estce pas ' Ou encore M. Bouteflika a dit à Ksentini de dire puis lui a dit de ne plus dire. S'y trouvera qui peut dans ce cafouillis auquel nous sommes habitués en matière de communication présidentielle. Rumeur ' Information ' Ballon d'essai ' Une chose est sûre : M. Ksentini, si vous souhaitez sabler le champagne avec tous ceux qui ressemblent à celui qui a déclaré un jour qu'il était fier d'avoir égorgé un jeune militaire et d'avoir gardé sa kalachnikov, faites-le donc ! Ainsi, assumerez-vous pleinement et jusqu'au bout vos missions de défenseur des terroristes islamistes et de leurs familles. Faites-le donc ! Cessez seulement d'assassiner une seconde fois nos morts ! Que voulez-vous de plus ' Que les terroristes islamistes aillent déterrer nos victimes pour voir s'il n'y aurait pas encore une partie qu'ils n'ont pas trouée d'une balle ou arrachée au couteau ' Que voulez- vous de plus ' Que nos enfants expriment leur colère dans la rue grâce à vos dérapages verbaux et vos propos irresponsables et qu'ils se fassent tuer à leur tour ' Que voulez-vous de plus M. Ksentini pour les terroristes islamistes ' Ne nous-a- t-on pas suffisamment humiliés avec la charte de l'impunité ' Laissez-nous donc notre dignité et nos douleurs. Que voulez-vous M. Ksentini ' L'amnistie n'a-t-elle pas été prise «de facto» lorsque le président de la République a décrété que les terroristes islamistes devenaient, à dater de 2005 (charte de l'impunité), des «citoyens» réhabilités dans tous leurs droits choyés et respectés ' L'amnistie n'a-t-elle pas été décrétée «de facto» lorsqu'on a prétendu que 98% des Algériens avaient voté en faveur de la charte de l'impunité ' Je peux vous affirmer que pour avoir entendu de nombreux compatriotes exprimer leur grande colère à propos de votre annonce d'amnistie lors d'une vente-dédicace au Salon du livre le 30 septembre 2011, 98% des Algériens sont partisans pour que justice soit faite et que les assassins de l'Algérie soient poursuivis, jugés et condamnés. Enfin, parce que des Algériens qui sont des fils, des pères, des époux meurent encore aujourd'hui assassinés par les islamistes terroristes, il serait grand temps que M. Ksentini se taise. Se taise. Au nom de la décence qu'il se taise. L'amnistie des mémoires et des cœurs meurtris n'aura jamais lieu, ne vous en déplaise M. Ksentini.


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