Algérie

«Tahya ya Didou»



Difficile d'imaginer le passage à la nouvelle année sans ces souhaits, bien sincères, de bonheur, de santé (surtout) pour nous, nos proches et tous ceux que l'on aime et apprécie que l'on échangeait à la veille des fêtes de fin d'année.Notre défunt ami, frère et collègue Mohamed Larbi, surnommé affectueusement «Didou» par ses confrères, est décédé le 10 mars 2018 à l'âge de 64 ans suite à un malaise cardiaque.
Il n'était pas du genre à s'astreindre, comme le veut l'usage à la veille de chaque nouvelle année, à formuler des résolutions, à se lancer des défis et à échafauder des projets de ses rêves. Parce que tout simplement il avait cette qualité et cette lucidité de rêver? les yeux ouverts.
La vie, aimait-il à répéter, l'avait pleinement comblé, elle lui a tout donné : une famille en or qui porte fièrement en héritage, comme il le souhaitait, des valeurs qui lui étaient chères : de travail, de solidarité d'amitié, de tolérance. Il a eu également une riche et longue carrière professionnelle de journaliste qu'il n'aurait troqué contre rien au monde. Au fil des ans on s'était rendu compte que c'est le métier qui l'avait choisi et pas le contraire.
Sa passion pour le journalisme ? un métier éprouvant mais pour lequel il vouait jusqu'à son départ prématuré, après une carrière bien remplie, le même amour qu'à ses débuts ­? il l'a vécue durant de longues années intensément, avec conviction et un engagement militant sans faille en faveur des causes justes dans le monde.
Pour la libération de la Palestine, pour l'autodétermination du peuple sahraoui et aux côtés de tous les peuples en lutte pour leur liberté et leur dignité. Il était toujours disponible, proposant ses services pour un édito, un éclairage sur ses deux dossiers de prédilection même lorsque l'actualité ne le justifiait pas.
C'était sa façon à lui de servir et d'apporter, par la plume, son obole à ces deux causes justes et de ne pas les laisser mourir, médiatiquement parlant, comme il se plaisait à le répéter. A la rubrique internationale où il a toujours officié depuis ses premiers pas au quotidien El Moudjahid avant de mettre son expérience et sa parfaite maîtrise des dossiers internationaux au service d'El Watan, il se sentait comme un bébé baignant sereinement dans son placenta.
Il ne s'imaginait pas un seul instant s'éloigner des dossiers internationaux pour aller croquer l'actualité nationale dans ses différents segments comme le font tous les professionnels qui, dans leur carrière, sont appelés à servir dans toutes les rubriques pour se construire professionnellement.
Non pas qu'il n'y éprouvait pas de l'intêret, mais il se sentait tellement à l'aise dans son monde, utile pour lui, le journal et les lecteurs et totalement comblé de tricoter et de détricoter l'actualité internationale. Pour autant, rien de ce qui fait la vie quotidienne de la rédaction ne lui était étranger.
Il s'informait et suivait les événements politiques, économiques, culturels, sportifs et autres avec la même boulimie et la même soif de savoir et de connaissance. Ses éclairages et analyses sur l'actualité nationale étaient tout aussi pertinents et appréciés par la rédaction du journal.
Lors des réunions quotidiennes du menu du journal, il n'hésitait pas à gratifier la rédaction d'informations, alimentant le débat de dates, de précisions, de faits, de rappels historiques pour recentrer une discussion, l'analyse d'un événement avec parfois sa fougue et son coup de gueule auxquels la rédaction a fini par s'habituer. Sa disparition brutale a laissé un vide qui ne se comblera jamais.
Il est toujours au c?ur des discussions et dans le c?ur du collectif d'El Watan, surtout ses anciens collègues avec lesquels il a partagé les joies et les vicissitudes de la profession depuis El Moudjahid.
Certains d'entre ceux qui partageaient avec lui le même bureau se surprennent, en franchissant le seuil, à saluer avec déférence et respect son portrait qui trône au dessus de son bureau toujours inoccupé et à solliciter son avis sur un sujet de discussion entre collègues, comme s'il était toujours présent parmi nous.
«Que pense «Didou» de ceci ou de cela», lui lance-t-on malicieusement avec l'espoir de lui arracher cet avis tranché que l'on voulait entendre sur un sujet de discorde, lui qui était connu pour ne pas faire dans la dentelle quand il s'agissait de dire sa vérité.
Travailleur infatigable, perfectionniste jusqu'au bout des ongles dans son travail, ses coups de colère face au ratage d'une information que rien ne pouvait justifier à ses yeux, un article qu'il considérait avoir été fait avec légèreté, mal présenté, une titraille qui manquait d'inspiration? cette adrénaline qu'il communiquait à ses collègues qui cohabitaient avec lui dans le même bureau leur manquent cruellement.
Il était une espèce de vigie toujours là, à veiller sur la qualité du journal, à traquer le conformisme et la routine qu'il considérait comme des maladies invalidantes, mortelles pour le métier de la presse qui est fait de challenge, d'adrénaline.
De là où il est, il n'a sans doute pas changé sa perception et son regard sans concession sur le métier qu'il chérissait tant et qui a perdu ses lettres de noblesse, sur les valeurs auxquelles il croyait et qui partent à veau l'eau, sur l'Algérie qui n'a plus rien à offrir à ses enfants que des barques de fortune de la mort. n


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