Algérie

Tahkout, ses frères et son fils sous mandat de dépôt



L'affaire Tahkout a entraîné plus de 180 personnes, dont une soixantaine de prévenus a déjà été auditionnée dimanche dernier au tribunal de Sidi M'hamed. Avec l'extension de délits, plusieurs hauts cadres de l'Etat risquent d'être éclaboussés.Le patron du groupe Tahkout, Mahieddine Tahkout, son fils Bilal, ses deux frères Rachid et Hamid ont été placés, hier matin, sous mandat de dépôt à la maison d'arrêt d'El-Harrach par le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed (Alger) pour plusieurs chefs d'inculpation. Après plus de 15 heures d'instruction, le procureur de la République a retenu plusieurs chefs d'inculpation à l'encontre du principal accusé et de trois membres de sa famille, dont les indus avantages dont a bénéficié le groupe, dans le cadre de l'importation des kits SKD/CKD destinés au montage automobile à l'usine de Tahkout Manufacturing Company (TMC) de Tiaret, les irrégularités constatées dans les marchés octroyés au niveau de l'Office national des ?uvres universitaires (Onou), de l'Entreprise du transport urbain et suburbain d'Alger (Etusa) et des wilayas d'Alger, de Tizi Ouzou et de Bouira où ledit groupe avait bénéficié de largesses dans l'obtention des assiettes foncières et des marchés publics liés au transport universitaire.
Dans ce lourd dossier qui a éclaboussé plusieurs personnalités politiques, dont des ex-Premiers ministres, des ministres, des walis, des banquiers et des dizaines de hauts cadres à plusieurs niveaux de l'Etat, le procureur de la République a également relevé des abus de fonction avérés à plusieurs niveaux, notamment au ministère de l'Industrie et des Mines, au Conseil national d'investissement (CNI), à l'Agence nationale de développement de l'investissement (Andi) et aux Directions de wilayas en charge de l'investissement, des impôts et des domaines où Mahieddine Tahkout avait également bénéficié d'indus privilèges. Hier matin, le juge d'instruction près le tribunal de Sidi M'hamed a également placé sous mandat de dépôt l'ex-directeur général de l'Etusa, Abdelkader Benmiloud, pour abus de fonction et octroi du marché de transport urbain et suburbain au groupe Tahkout.
Toujours au volet du transport, un responsable influent à la Direction des transports de la wilaya d'Alger a été placé sous mandat de dépôt pour les autorisations qu'il avait délivrées au groupe Tahkout pour l'exploitation de plusieurs lignes de transport universitaire. Hier soir, l'ex-DG de l'Onou, Abdelhak Boudraâ, et des responsables de cette institution, mais aussi l'ex-DG d'Algérie Télécom, Saâd Dama, et deux hauts cadres commerciaux ont été placés sous mandat de dépôt pour passation abusif des marchés et extension illégal de contrats. Aussi, des cadres et des directeurs de wilaya en charge de l'investissement, des domaines et des impôts risquent de lourdes peines au vu des dégâts collatéraux qu'ils ont causés au Trésor public et au foncier. Ce dossier pourra également déboucher sur des extensions de délits sur la base des requêtes introductives envoyées par le parquet général et les services de sécurité.
Ouyahia, Sellal, 5 ex-ministres et 4 walis seront inculpés
Par ailleurs, le parquet général près la cour d'Alger transmettra bientôt au procureur général près la Cour suprême le dossier d'enquête préliminaire pour prononcer l'inculpation à l'encontre de 11 anciens responsables du gouvernement, dont les deux ex-Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, qui bénéficient de la règle du privilège de juridiction. Cette mesure concerne aussi deux ex-ministres de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, en fuite en France, et Youcef Yousfi, ainsi que trois ex-ministres des Transports et des Travaux publics, en l'occurrence Boudjemaâ Talaï, Abdelkader Zaâlane et Amar Ghoul. Ces sept hauts responsables de l'Etat seront inculpés notamment pour les dérogations établies à la filiale Tahkout Manufacturing Company (TMC) pour l'installation et la mise en exploitation d'une usine de montage automobile dans la wilaya de Tiaret et l'importation des kits SKD/CKD destinés à l'assemblage des véhicules de tourisme de la marque sud-coréenne Hyundai.
Pis encore, la même mesure va toucher, dans le cadre de l'extension des délits, quatre ex-walis qui seront inculpés par la Cour suprême. Il s'agit de l'ex-wali de Tizi Ouzou, Mohamed Bouderbali, de deux ex-walis de Bouira, Ali Bougara (2008-2012) et Nacer Maskri (2012-2015), et de l'ex-wali d'Alger, Abdelkader Zoukh. De même, pas moins d'une dizaine de cadres de l'Onou et des résidences universitaires d'Alger et de Tizi Ouzou ont été inculpés par le tribunal de Sidi M'hamed qui a retenu de graves griefs à leur encontre dans le dossier explosif lié aux ?uvres sociales des campus universitaires. À ce propos, nos sources ont indiqué que d'importantes décisions seront prises d'un moment à l'autre par la justice à l'encontre des mis en cause.
Dans le même sillage, une dizaine de hauts cadres du ministère de l'Industrie et des Mines, notamment ceux qui exerçaient et qui exercent encore à la Direction de l'industrie et de la promotion de l'investissement, ont été inculpés, et ce, au même titre que le directeur général de l'Andi, Abdelkrim Mansouri, pour les avantages octroyés. Ces derniers sont placés sous contrôle judiciaire et pourraient être rappelés à tout moment pour un complément d'enquête. Cela étant dit, le juge d'instruction a prononcé la mise sous contrôle judiciaire pour 22 hauts cadres. Ces derniers, tous frappés d'interdiction de sortie du territoire national (ISTN), ont fait l'objet de retrait de leur passeport. Selon nos sources, l'affaire Tahkout a entraîné plus de 180 personnes, dont une soixantaine de hauts cadres a déjà été auditionnée dimanche dernier au tribunal de Sidi M'hamed.
Parmi ces personnes qui seront convoquées aux auditions figurent de hauts cadres des ministères de l'Industrie et des Mines, des Finances, du Commerce, des Transports et des Travaux publics, de l'Enseignement supérieur, mais aussi de certaines banques publiques qui avaient octroyé des crédits au groupe Tahkout. À ce propos, les investigations menées par la Section de recherche de la Gendarmerie nationale (SRGN) de Bab Jdid ont fait toute la lumière sur les multiples ramifications qui ont conduit le groupe Tahkout à bénéficier d'indus privilèges dans plusieurs wilayas du pays et dans les différents circuits des ministères et des institutions de l'Etat. À l'heure où nous mettons sous presse, les auditions se poursuivent et plusieurs autres inculpés pourraient être placés sous mandat de dépôt au vu de l'étendue de cette affaire qui a éclaboussé de hautes personnalités de l'Etat.

FARID BELGACEM


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