Tagoust un village à l’état primitif

Loin de… la civilisation
Batna est une des wilayas qui dispose d'énormes atouts, mais qui demeure inexploitée et surtout non valorisée. De ses 61 communes, on parlera de Bouzina et plus particulièrement de Tagoust, un bourg dont la signification, du chaoui à la langue de Molière, veut dire : ceinture. C'est la ceinture que porte les jeunes filles, “tiqyarins”.
A Tagoust, la vie est presque à l'état primitif, car coupée du reste du monde, voire du reste de la wilaya surtout en hiver. Tagoust est une entité relevant de la commune de Bouzina. Cette dernière dépendait avant 1990 de la commune de Thniet El Abed, plus connue sous l'appellation chaouie “Thizi n'Alaabed”, actuellement promue daïra, Bouzina aussi. En sus de Bouzina, chef-lieu, Markha ou Alouyaha, Hijdath, Thizougaghines, Larbaâ et d'autres, mais aussi Tagoust font partie de la commune de Bouzina. Tagoust, c'est aussi Ighzar, “Haghlihth hamlalte” et “Haghlihth Hazghouaghth”: Dechra El Beïda et Dechra El Hamra.
Topographie de la population
“Ahnassar” sont les habitants qui peuplent Tagoust, mais aussi il y a Ahsiyassaath. Selon l'histoire locale, ces derniers sont une tribu de marabouts qui sont venus élire domicile à Tagoust à la recherche de cieux plus cléments. D'ailleurs, il existe toujours un temple de Sidi Ali Outaouti que tous visitent pour suivre la lignée des bienfaiteurs et autres hommes religieux. Ahsiyassaath occupent la vallée d'Ighzar. Quant à Ahnassar, eux, vivent dans les deux dechras que sont El Beïda et El Hamra. Ils ont investi les espaces en se regroupant souvent en grandes familles “Harfikthe”. Les plus connues sont Aksaouali, Ahcherif, Ahlouabdellah, Ahkacem, Ahbass et bien d'autres… Feu Si Mohand ou Messamah était en quelque sorte le sage du village à qui on demandait conseil à tous points de vue. Les propriétaires terriens sont représentés par les Iaaganes (Aggoune), Ahdjebailis, Ahbaziaa, Ahbakhouche et d'autres… Des terrains vagues, propriétés, pour la plupart, de particuliers sur lesquels sont bâties des demeures mariant une architecture moderne à celle héritée des ancêtres : pierres travaillées à coup de massue couvrant des piliers en bois (thiguithas) et le tout bien tenu par “etoub”. Modernité oblige, il y a aussi des maisons construites avec les nouveaux matériaux (ciment, carrelage, briques, fer, etc.). Surpeuplée et à majorité de jeunes qui pour la plupart n'ont aucun débouché d'où l'exode vers d'autres cieux plus cléments. Le Sud, Hassi la civilisation Messouad notamment, a absorbé une grande masse de cette potentialité juvénile. Batna, Biskra, Constantine, Annaba, Oran et Alger sont autant pourvus. A Tagoust, l'agriculture est le seul secteur à même de contenir cet important capital, humain, bien entendu… Sauf que l'agriculture s'appuie sur des méthodes ancestrales et sur un foncier de particuliers, donc limité. Ajouter à tout cela, l'insuffisance de l'eau, élément fondamental pour la récolte. Bien que en plus des céréales, l'abricot, le raisin, la pomme, la poire et même la pêche font vivre plus d'un. Toutefois, ces récoltes ne sont pas constantes, car dépendantes des conditions climatiques, des ressources hydriques et autres infrastructures hydrauliques. Aucune installation économique n'a été prévue, laissant jeunes et moins jeunes dans un triste quotidien que des ensembles culturels et sociaux auraient pu embellir. Et pourtant, les espaces sont disponibles, car l'étendue de Tagoust va d'un côté jusqu'à Bouzina et de l'autre jusqu'à Menaâ.
Les sites
Tagoust recèle de magnifiques sites historiques non encore valorisés : “Hiboutha” est un ensemble de cavernes qui ont abrité moult civilisations qui sont passées par là. Athrar Ouathaf constitue également un endroit privilégié. Il est la destination des habitants qui le visitent pour implorer la baraka dans les moments les plus angoissants. Mis à part l'électrification des maisons et le forage pour alimenter la population en eau potable, le gaz reste un vœu pieu. Les routes et autres chemins deviennent inaccessibles et la “bouteille” de gaz également… Son prix arbore des sommes imaginaires et souvent pas du tout à la mesure de la bourse de tous ! Cette triste réalité fait dire à ses habitants que “l'indépendance n'ait pas passée par là”. En effet, c'est une région qui a connu les perquisitions musclées de l'armée française et les séquelles demeurent en l'état. Tagoust est rappelée à la mémoire des gouvernants et autres administrateurs lorsqu'il s'agit d'élections et autres échéances politiques. Dans la vie de tous les jours, aucun responsable n'a daigné sortir de son vaste et confortable bureau pour aller s'enquérir de la situation de ces oubliés… le wali y compris. Mais lors de très précédentes consultations électorales, des ministres dépêchés d'Alger ont sillonné toutes ces contrées éloignées pour… la bonne cause.
Perspectives
Désormais, il est temps que l'on daigne apporter un regard différent de celui porté jusque-là. Le plan de relance économique projeté pour la période allant de 2005-2009 a-t-il prévu un petit quelque chose en direction de Tagoust ? D'abord, il est attendu que l'agriculture soit modernisée. L'élargissement du foncier agricole serait à envisager et ce, pour accroître la production et aussi pour augmenter les possibilités d'investissement. La disponibilité de l'eau pour l'irrigation des champs passe par des forages et autres barrages. Doter Tagoust d'un tissu industriel dans le domaine, notamment de l'agroalimentaire diminuerait de l'exode criant et grandissant et offrira à la localité des débouchés plus sécurisantes. Prévoir la construction d'établissements éducatifs, sportifs et culturels sortirait ces jeunes de l'isolement auquel ils font face et surtout à l'oisiveté qui les dévore… C'est la concrétisation de ce minimum qui traduira l'intérêt, tout l'intérêt que portent les décideurs à leurs administrés. Sur tous les plans, Tagoust, actuellement, est, à l'ère des oubliés de… l'Histoire. A quand, alors, se lèvera le jour ?