Algérie

Taghzout après le terrorisme, la misère et l’oubli



Taghzout après le terrorisme, la misère et l’oubli


Actualités : TLEMCEN
Taghzout, après le terrorisme, la misère et l’oubli

En revisitant ce hameau perdu sur les hauteurs de djebel El-Kaddous, nous constatons que rien n’a changé depuis notre dernière visite qui remonte à 1996. Taghzout, c’est le nom berbère de cette contrée qui se trouve à peine à deux kilomètres de la route nationale qui mène vers Sidi Bel- Abbès, dépendante administrativement de la daïra de Aïn Talout. Mais Taghzout semble si loin de la civilisation.
A l’entrée du village, des jeunes sont adossés au mur d’une vieille bâtisse abandonnée. Comme de coutume, ces villageois sont les premiers à vous adresser le salut, malgré la pauvreté, la misère ces jeunes de Taghzout restent dignes. Il faut rappeler que ce village coincé dans cette vallée verdoyante a été constamment la cible des terroristes, beaucoup de gens sont partis, mais ceux qui sont restés se sont battus vaillamment contre la horde sauvage qui sévissait dans cette région sous le commandement d’un certain Kada Ben Chiha. En 1996, quand nous nous sommes rendus pour la première fois à Taghzout, nous avons été choqués par les conditions de vie de ces paysans. Dans un cadre de solidarité, le club de la presse avait l’intention d’offrir un ordinateur pour équiper la bibliothèque de l’école. Cette action n’a pas pu se concrétiser à l’époque et pour cause le réseau téléphonique n’existait pas. On pensait que ce problème était réglé depuis, mais à ce jour, Taghzout reste isolé faute de moyens de communications. Les écoliers de ce village ne savent toujours pas ce qu’est un ordinateur. Mais là encore, on peut se passer de ce «luxe». Au début des années 2000, c’étaient les derniers soubresauts de la bête immonde. Le terrorisme était pratiquement vaincu. Les populations de Béni Snous, de Oued Chouly, de Tadjemout de Béni Ghezly commencent à prendre goût à la vie. Pour encourager les exilés à repeupler les villages, et autres contrées isolées, les pouvoirs publics ont proposé une aide conséquente pour améliorer les conditions de vie et la reconstruction des maisons détruites. Ce fut notamment le cas pour Béni Ghezly et Tadjemout mais curieusement Taghzout n’ a reçu aucune aide ou du moins bénéficié d’un véritable programme de réhabilitation à l’exception d’une dizaine de personnes qui ont été attributaires de l’habitat rural. En 2012, rien n’ a été entrepris pour faire sortir ce village de son isolement et de la misère. Dans une pétition qui nous a été remise, le collectif du village interpelle les responsables à tous les niveaux en rappelant le sacrifice de ses enfants pendant la Révolution et les victimes du terrorisme. Nos interlocuteurs parlent avec une certaine émotion, mais avec beaucoup de frustration. «Nous sommes des paysans et nous ne savons quoi faire devant tant d’injustice. A qui s’adresser ? Au niveau de la daïra et de la commune, c’est toujours la même réponse et quand il nous arrivent d’insister auprès d’un responsable, nous sommes tout simplement menacés. Le désespoir a poussé des familles entières à quitter le village pour se réfugier dans des garages loués au chef-lieu de daïra dans l’espoir d’être relogés un jour. Cependant, les natifs de Taghzout ne veulent pas partir, ils attendent un geste des pouvoirs publics pour redonner vie à ce village martyr. Autre chose qui ne s’explique pas, des familles sont en possession du fameux certificat de possession pour bénéficier de l’aide à la reconstruction de leur maison. Mais là encore, l’administration leur exige l’impossible, à savoir un acte de propriété alors que dans d’autres communes, ce document n’est pas exigé pour une telle opération. En visitant la demeure d’une femme dont le mari a été assassiné par les terroristes, nous sommes restés figés par tant de misère. Cette pauvre femme vit dans un véritable taudis avec son fils unique, sans ressources et apparemment elle n’a plus toute sa mémoire, un voisin nous dit que c est la misère qui l’a rendue ainsi. En évoquant les législatives du 10 mai devant ces pauvres gens, nous avons quelque peu remué un triste souvenir. Un habitant de Taghzout nous dit que la dernière fois où nous avons vu un élu c’était au cours de la campagne électorale de 2007. En quittant ce village, on avait l’impression d’être revenu du bout du monde, avec ce sentiment d’injustice. Pendant une année, des milliards ont été dépensés pour l’événement «Tlemcen, capitale de la culture islamique» au moment où des paysans de cette même wilaya vivaient dans une misère d’un autre siècle.
M. Zenasni




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