Taghit, comme Timimoun il y a quelques
années, est devenue une grande destination de séjour de fin d'année.
L'hébergement reste à inventer. Le seul hôtel - public - a fermé pour travaux.
La population locale aménage des gîtes dans le vieux Ksar et dans la nouvelle
ville. Et les agences multiplient les bivouacs dans l'erg. Tout pour absorber
un pic
de saison de plus en plus haut. De plus
en plus problématique. Dans un quasi huis clos national.
C'est le dernier coucher de soleil de
l'année. Et cela se voit à la couleur de la grande dune. Elle est noire de
monde. Peut-être 500 personnes sur la longue crête ondulée qui cache derrière
elle l'océanique grand erg occidental. Flashs, youyous.
Emotions. A l'ouest,
derrière la hamada qui borde l'oued Zousfana, le grand astre laisse une traînée
éruptive sur son chevalet cosmique. La nuit tombe en lamelles rougeâtres. Il
faut redescendre. Car le froid interstellaire se diffuse plus vite que la
pénombre. Et avec lui le grand stress de Taghit : où héberger tous ces
visiteurs ? D'année en année, «l'oasis enchanteresse de la Saoura»- 95
kilomètres au sud de Béchar- émerge comme la destination phare du réveillon du
nouvel an au Sahara. Plus proche que Timimoun des villes «émettrices» du nord -
Oran, Tlemcen, Alger, Tizi ouzou, en tête – Taghit est restée aussi plus
homogène autour de son vieux Ksar, le plus vivant du sud ouest, et aussi le
plus pittoresque.
Concert évènement et Marathon des dunes
La semaine a été animée. Le marathon des
dunes, itinérant sur les villes du Sud, s'est posé entre Igli (60 km) et là.
L'occasion de voir quelques touristes européens braver les «warning»
sécuritaires et venir se mêler à la centaine de coureurs locaux. S'ils devaient
être plus nombreux, les touristes étrangers feraient désordre. Une consigne
bureaucratique étend la mesure d'escorte obligatoire pour les étrangers à cette
paisible région du nord Saoura. «Cela nous gêne vraiment dans notre travail,
d'avoir autour de nous des gendarmes armés et pressés de finir leur mission» se
plaint le correspond local d'un voyagiste. L'autre évènement qui fait monter la
tension à Taghit ce soir, est le concert de clôture de l'opération «Caravane
Tour sur la route des Ksour», avec Amazigh Kateb en guest-star. Ce n'est pas un
canular, le chanteur et ses musiciens ont bien été aperçus la veille, à
Berrabi. C'est là, à 4 km du siège de la mairie de Taghit, que l'organisateur a
trouvé un logement - pas chauffé - pour le séjour de ses illustres invités. La
nouvelle se répand jusqu'à Béchar. Le réveillon à Taghit devient vendeur. La
place en bus à partir de Béchar qui faisait 80 dinars passe à 300 dinars le
vendredi après-midi. Les gendarmes auront du travail. Mais pas pour le tourisme
saharien des étrangers.
L'hôtel ferme, les gîtes explosent
L'affluence est à son paroxysme ce
vendredi 31 décembre. Bus des voyages organisés et voitures de particuliers
témoignent de la grande diversité des provenances. Il faudra loger quelque 1500
touristes dans une Oasis qui compte à peine plus que le triple en habitants
durant l'année. Management public à l'ancienne, l'hôtel de la ville est fermé
depuis le 1er jour du ramadan dernier. Pour des travaux de 18 mois, qui n'ont
toujours pas commencé à fin décembre. Pic de saison gratuitement perdu pour 120
lits en occupation double. C'est l'hôtel El Djazair qui, après une rénovation à
succès avec le Kedada à Bou Sâada, tente d'étendre son label avec le bel hôtel
de Taghit inauguré en 1972. Mal engagé. Cela fait le bonheur des familles entre
Zaouïa Fougania et Zaouïa Tahtania, le bout de vallée de 15 km ou s'étend
Taghit et ses villages satellites. Dans le Ksar, les vieilles maisons
familiales abandonnées sont transformées en gîtes. «Il y avait deux maisons
d'hôtes il y'a dix ans dans le Ksar. Il en existe 17 maintenant, si je ne
compte pas la mienne que j'ai arrêtée ces jours-ci car je veux me concentrer
sur mon travail d'animateur culturel ; et puis je ne veux pas être associé à
tout ce qui se fait un peu n'importe comment dans l'hébergement. Héberger les
touristes est un vrai métier qui nécessite du temps et des moyens» explique
Tayeb, guide éco-touristique connu sur la place.
1000 dinars par tête par nuit
Le réveillon à Taghit est une grande
bourse d'hébergement chez l'habitant. 1000 dinars par personne la nuit dans une
chambre qu'il faut combler. Comme un taxi à places de grande ligne. Il n'est
pas rare de croiser à l'entrée du Ksar des familles au bord de la crise de
nerfs. L'accueil sur site en mode «entassé» est un traumatisme, après le stress
de la RN 6, le long ruban de goudron qui amène du nord vers Bechar. La carte
postale de Taghit se brouille dans les sanitaires collectifs : «les habitants
font ce qu'ils peuvent pour rendre leur gîte confortable. Mais dans le Ksar, la
plupart des maisons n'ont pas de branchement sur le réseau d'assainissements»
explique un propriétaire de maison traditionnelle. La parade dans ce cas est de
multiplier les bivouacs dans l'erg. Un produit magique par temps clément. La
voute céleste enveloppe le campement, et le silence des lieux est messianique.
Mais le froid peut tout aussi transformer l'expérience spirituelle en supplice
religieux. La température nocturne a frôlé plusieurs fois le zéro durant la
semaine. Des nombreux organisateurs ont été pris au dépourvu et leur relation
avec leur client s'en sont ressentis. La coupe sauvage de bois de feu dans les
palmeraies a proliféré. Les aides publiques à la rénovation du Ksar arrivent au
compte-gouttes. Les séjours de visiteurs sont encore trop irréguliers. « Je ne
peux pas m'avancer dans de grandes dépenses en pour une maison d'hôtes aux
normes si je ne suis pas associé avec un tour opérateur qui me garantit des
groupes de voyages sur toute la saison touristique» explique le propriétaire de
maison dans le Ksar. La solution populaire de l'hébergement de fortune à Taghit
a encore quelques années devant elle.
Le séjour résidentiel, une autre piste
En dehors de son pic de fin d'année
Taghit propose le maoussem du Mawlid Ennabaoui, célébré avec faste dans la
Saoura et dans le Gourara, et aussi un bout de saison estival pour la thérapie
de l'arthrose par l'enfouissement dans le sable chaud. En fait, d'octobre à
avril, le séjour y est à tout temps réparateur pour les anxieux de la grande
ville. En attendant l'arrivée des investissements en hôtellerie promis par le
ministre du Tourisme, l'option d'un investissement en résidentiel se précise
sous la grande dune prêtresse des lieux. A Bordj Taghit, au sommet du Ksar, une
association d'Algériens répartis entre diaspora et Alger a pris en concession
l'ancien hôtel Transat devenu, avec son fameux salon panoramique sur l'erg,
mess des officiers français durant la guerre de libération. La chambre double y
est à 5000 dinars la nuit, un peu plus cher que l'hôtel Taghit quand il était
ouvert, mais le standing est comparable à ce qui se fait dans les oasis
voisines du Tafilelt et dans l'Anti Atlas Marocain.
Le bordj propose des formules à l'année
tout intégré : visites culturelles, bivouacs nocturnes, méharées, virée en
quads, buggys ou motos, soirées musicales. Les clients - socialement plutôt
aisés - reviennent souvent… et pensent alors à acheter une maison
traditionnelle dans le Ksar. Un couple d'algériens installés à Toulouse a
franchit le pas il y'a deux ans et a confié la réfection des lieux à Madjid
l'artisan le plus couru du Ksar. Le résultat est entraînant. D'autres ont
entamé les démarches pour devenir acquéreur - souvent selon l'ancien système
sans actes dit du «ourfi» - d'une maison dans le Ksar. Taghit a un avenir dans
le résidentiel. Il lui reste à trouver une solution pour accueillir encore plus
de visiteurs en décembre 2011. Car à la fin, malgré les 18 heures de bus
d'Alger, le feu de camp qui s'éteint trop tôt dans la nuit glaciale, et
l'appareil photo qui «disparaît» dans le fatras de l'hébergement collectif,
tout le monde promet de revenir avec un groupe plus grand.
Posté Le : 04/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Kadi Ihsane
Source : www.lequotidien-oran.com