Mme Farhi Houria, chargée
du développement du magazine «Prescrire» n'est pas venue faire du marketing
auprès de ses hôtes, des médecins et des universitaires, réunis au GRAS, dans
la matinée de jeudi dernier, dans le cadre d'une table ronde. Certes, elle
s'est exprimée sur cette publication, très cotée en France et qui constitue, avec
une soixantaine d'autres à travers le monde, un réseau de «pharmacovigilance»
concernant le marché du médicament.
Le message de Mme Farhi est des plus simples : les
médecins et les pharmaciens, soucieux de la santé de leurs patients, doivent
impérativement s'informer sur les opérations de retrait de médicaments, très
courantes, pour limiter les dégâts aux malades. Très informée sur le cynisme
des firmes internationales produisant le médicament, elle expliquera que le
gain est l'ultime préoccupation des grands laboratoires mondiaux.
Dans son intervention, elle précisera que la liste des «arrêts de
commercialisation» de médicaments est très fournie ces trente dernières années.
Rien qu'en 1999, trois cents arrêts de commercialisation ont été enregistrés, soulignera-t-elle,
à titre d'illustration. Cependant, elle précisera que 70% de ces retraits du
commerce sont décidés par les firmes pharmaceutiques elles-mêmes et pour
diverses raisons. Souvent, un médicament est retiré du circuit commercial quand
«il est à bout de souffle», c'est-à-dire qu'il n'est plus prescrit par les
médecins, avance-t-elle. Mais, il y a aussi les cas des médicaments qui sont
interdits du commerce après découverte de leurs effets indésirables. Dans
certains médicaments, ces effets indésirables se sont traduits par de graves
incidents paralysant les patients, voire leur mort pure et simple.
Mme Farhi expose le cas concret du Vioxx, médicament censé calmer des douleurs de l'arthrose. En
mai 1999, il obtient l'AMM (autorisation de mise sur le marché) aux USA et en
novembre 1999 il est autorisé à être commercialisé en Europe. Cependant, les
essais cliniques ultérieurs vont démontrer qu'il n'a pas plus d'efficacité que
d'autres médicaments. En novembre 1999, un rapport évoquera des décès des
patients consommant ce médicament.
Le même rapport soulignera la fréquence des accidents vasculaires chez
d'autres patients, prenant le Vioxx. En 2000, le
laboratoire Merck, produisant ce médicament initie
une étude nommée commission Vigor. Sur les 16 experts
ayant participé à cette étude, 2 sont des salariés du laboratoire en question
et 11 autres avaient un lien quelconque avec la firme. N'empêche que le rapport
établira que ce médicament cause quatre fois plus d'accidents chez les patients
que d'autres. Ce n'est qu'en septembre 2004 que ce produit a été retiré du
circuit de commercialisation, alors que ses effets indésirables sont apparus
dès le premier mois de sa mise sur le marché, dira Mme Farhi.
Elle insistera que «le conflit d'intérêt» est le
maître mot dans la jungle de l'industrie pharmaceutique. «La transparence dans
le domaine du médicament n'existe pas». Dans le magazine «Prescrire», les
firmes pharmaceutiques sont affublées de la dénomination «fabricants de
maladies» dira-t-elle.
L'hôte du GRAS s'interdira de parler du cas de l'Algérie estimé plus
sombre qu'ailleurs. Surtout, elle s'interdira de verser dans la condamnation
facile des pouvoirs publics, qui, reconnaît-elle, portent une grande
responsabilité dans la gabegie caractérisant le monde du médicament chez nous. Pour
preuve, elle se contentera d'évoquer le cas de l'Agence du Médicament dont en
parle depuis douze ans et qui n'a pas encore vu le jour malgré la promulgation
des textes juridiques formalisant sa naissance. Devant l'absence d'une volonté
politique pour conférer de la transparence dans ce domaine, elle estimera que
les médecins et les pharmaciens doivent assumer leur responsabilité, en tant
que praticiens de la santé et en tant qu'acteurs, en première ligne, face à la
maladie. Ils doivent en premier lieu, estimera-t-elle, se soustraire aux
diktats des Laboratoires pharmaceutiques qui, le plus souvent, les soudoient
par des cadeaux insignifiants comparativement à leur responsabilité humaine et
professionnelle.
Mme Farhi sera de retour le mois prochain au
GRAS pour un autre sujet d'importance capitale dans le monde médical : celui du
statut de l'ordonnance. D'ores et déjà, elle est attendue par ses pairs et les
sociologues du GRAS.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 21/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com