Algérie

Tabbou dit avoir "toujours milité pour l'unité nationale"



"Je suis blessé d'entendre ces accusations ? "atteinte au moral des troupes" et "atteinte à l'unité nationale" ? moi qui ai appris la politique auprès d'hommes comme Hocine Aït Ahmed", s'est défendu M. Tabbou.En ouverture, hier à Koléa, de son deuxième procès, Karim Tabbou a transformé le banc des accusés en tribune politique. Accusé d'"atteinte au moral des troupes" et d'"atteinte à l'unité nationale", Karim Tabbou, condamné dans un autre tribunal pour les mêmes faits, a battu en brèche toutes les accusations. Il a accusé le pouvoir politique de faire une "lecture sécuritaire" des déclarations politiques.
"Je n'accuse pas la justice. Mais je dois dire que des parties, dans le pouvoir, ont tenté de salir l'homme politique que je suis en m'accusant d'atteinte à l'unité nationale. Cela est inacceptable. J'ai 47 ans, dont 27 de pratique politique, et j'ai toujours milité pour l'unité nationale", a expliqué Karim Tabbou, calme, mais visiblement affecté par les multiples reports de ce procès.
"Je suis blessé d'entendre ces accusations contre moi qui ai appris la politique auprès d'hommes comme Hocine Aït Ahmed", a-t-il expliqué avant de revenir, longuement, sur les conditions qui ont entouré ces deux procès, un fait inédit largement dénoncé par la trentaine d'avocats venus défendre le militant politique. "Je suis triste et blessé parce qu'en plus d'être kidnappé dans la rue et transféré dans les locaux des services de sécurité, j'ai été kidnappé une seconde fois dans la prison pour me conduire, de force, à la cour d'Alger, pour être jugé sans le respect de ma dignité étant malade à ce moment-là et en l'absence de mes avocats", a-t-il fulminé. Dans le fond, Karim Tabbou a également répondu à toutes les questions de la juge.
Il confirme avoir critiqué le chef de l'armée de l'époque, "mais jamais" l'institution militaire "qui est notre bien à tous !". Mais "lorsque quelqu'un se donne le droit de faire de la politique, de descendre dans l'arène politique, il est de mon droit de le critiquer", a-t-il poursuivi tout en rappelant le contexte de ses déclarations prononcées en mai 2019 à Kherrata. Il accuse le défunt Ahmed Gaïd-Salah d'avoir qualifié les manifestants de "vendus" et a rappelé son droit "en tant que militant politique" de "défendre la liberté".
Interrogé sur le qualificatif de "bande" qu'il a utilisé, Karim Tabbou a rappelé que "même des généraux se trouvent aujourd'hui en prison", mais "je ne m'attaque jamais aux personnes". S'il dit ne pas se souvenir d'avoir accusé le défunt chef d'état-major de l'ANP de "membre de la bande", il a rappelé que ce dernier s'était mêlé de la politique, et qu'à ce titre, "il ne faut pas qu'il y ait de tabou". Il a reproché à certains, sans les citer, de "se considérer comme étant eux-mêmes l'Algérie !". Autre déclaration litigieuse tenue à Kherrata : la juge interroge Karim Tabbou sur ses propos par lesquels il avait qualifié l'Algérie de "puissance régionale" gérée par "des vieux". Le porte-parole de l'Union démocratique et sociale (UDS, parti non encore agréé) a insisté sur le fait que dans un pays comme l'Algérie, "il faut être capable de faire dans la prospective". Pour cela, notre pays "doit être doté de centres de recherche et valoriser ses compétences au lieu de les pousser à partir à l'étranger", a-t-il plaidé.
Le procureur de la République qui semblait avoir donné des signes positifs lorsqu'il a demandé à la juge d'appliquer la loi en réponse à une demande de la défense qui réclamait la cessation des poursuites dans ce dossier du fait que Karim Tabbou était déjà condamné par une autre juridiction pour les mêmes faits a changé de ton lors de son réquisitoire en qualifiant l'homme politique de "narcissique". Il l'accuse de ne "pas être prudent" dans ses déclarations de Kherrata, alors que "nous sommes dans un pays où ce genre de déclarations sont sensibles". Il requiert alors contre lui une peine de 3 ans de prison ferme assortie d'une amende de 100 000 DA.
"Un responsable comme vous ne peut pas dire des choses pareilles", a-t-il reproché au prévenu. Un réquisitoire contre lequel, la défense, présente en force, a objecté. Une trentaine d'avocats venus des différents barreaux du pays s'en sont pris à la justice et au pouvoir politique. Zoubida Assoul a notamment remis en cause la procédure, puisque Karim Tabbou a été déjà condamné dans cette affaire par le tribunal de Sidi M'hamed. Mostefa Bouchachi, lui, a axé son intervention sur les conditions de détention de Karim Tabbou qu'il juge "indignes" de la justice. "Mme la présidente, j'ai plaidé dans de petites salles durant l'ère du parti unique. Mais la justice y était mieux rendue que dans des salles somptueuses comme celle où vous travaillez", s'est-il emporté en rappelant que son mandant a été "victime d'une disparition" qui rappelle celles des années 1990.
Hakim Saheb, pour sa part, a administré une leçon d'histoire juridique à la cour à travers des rappels de condamnations "arbitraires" d'hommes politiques. Il appellera, tout comme Amar Zaïdi ou encore Salem Khatri du barreau de Béjaïa, la juge à ne pas "rater l'histoire" et "ne répondre qu'à sa conscience" lorsque viendra le moment de prononcer le verdict. Au moment où nous mettons sous presse, les plaidoiries se poursuivaient.
Ali Boukhlef


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