Algérie

T'as jeûné, toi '


Il y aurait 5 millions de musulmans en France, 70% d'entre eux observeraient le jeûne. Ces chiffres ne sont pas fiables, par contre, l'ambiance du Ramadhan est bien visible à Paris, surtout dans les quartiers Est. Belleville, Barbès et Maraîchers somnolent le jour pour se réveiller après le ftour. Trop fatigué pour parler. Affalé devant son thé à la menthe, Ahmed a trop la flemme pour discuter avec un journaliste. « Plus tard peut-être ». Sa voisine est plus pimpante. Nadia a le sourire facile. « C'est une folie de faire le carême dans ces conditions, plus de 15h par jour ! Heureusement que la folie est collective, ça rassure. Mais Dieu que le premier jour est dur ! J'ai beau faire la grasse matinée et me lever à midi, chose qui ne m'arrive jamais, la journée a été trop longue. Impossible de me concentrer sur quoi que ce soit. Même Loft Story devient une émission intellectuelle, difficile à suivre. Je regardais la télé pour passer le temps mais je réalisais que les images défilaient sans que je ne les voie et de là à comprendre les mots'. Un brouhaha sans queue ni tête. Je ne sais pas comment je ferai à partir de lundi. » La jeune cadre redoute de reprendre le travail. « Je ne peux pas me permettre de baisser mon régime de travail. Mon CDD se termine en octobre et je dois assurer », confie l'informaticienne. Le Ramadhan a commencé samedi en France. Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) avait pris soin la semaine dernière de communiquer sur les dates. Le conseil de « la nuit du doute » avait réuni pendant une heure et demie autour d'une même table théologiens, imams et représentants d'associations musulmanes et leur décision a été unanime, a précisé Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris. Les autorités religieuses ont voulu éviter le cafouillage des années précédentes. « Il est essentiel pour nous que la communauté musulmane de France commence à jeûner le même jour indépendamment de ce qui peut se passer hors de France. C'est l'unité des musulmans de France qui prévaut sur toute autre considération. Pour ceux qui voudraient faire autrement, qu'ils n'en fassent pas un objet de dissension », a averti Mohammed Moussaoui, président du CFCM, en référence à des croyants qui préféreraient se caler sur le début du jeûne de leur pays d'origine.Les Beurs, leur image et leur argentSur le chiffre généralement admis de 5 millions de musulmans vivant en France, 70% affirment observer le jeûne du Ramadhan, un chiffre stable par rapport à 2001 mais en forte hausse depuis 1989 (60%), selon un sondage Ifop sur l'Islam en France en 2009 rendu public jeudi. Hakima fait partie de ces personnes qui affirment jeûner depuis leur adolescence. A 41 ans, mère de deux enfants, dont l'aîné est à son deuxième Ramadhan, elle se réjouit de voir que les grandes surfaces jouent le jeu. « On n'est plus obligés de nous rabattre sur les magasins halal, des épiceries souvent très chères. Carrefour, Auchan, tout le monde s'y met. Je fais mes courses pour la semaine le samedi. Sauf pour la viande, rien ne peut remplacer nos boucheries. Je n'ai pas confiance pour celle vendue à Auchan, elle n'a pas la même couleur, elle est moins rouge. La France nous accepte mieux. Le Ramadhan sort de la cave. On assume enfin notre religion publiquement, sans culpabilité ». Cette année, les hypermarchés marchent draguent franchement la clientèle musulmane. « Les grandes surfaces rêvent de conquérir la clientèle musulmane mais elles ne sont pas toutes prêtes à assumer leur choix. La plupart des enseignes préfèrent encore évoquer dans leurs prospectus les ''saveurs de l'Orient'' ou ''les routes des épices'' plutôt que de mentionner explicitement le Ramadhan », regrette Fateh Kimouche, fondateur du site Al-Kanz.org, destiné aux consommateurs musulmans. Jean-Christophe Despres, directeur de Sopi Communication, spécialisée dans la communication multiculturelle fait le même constat. « Dans un contexte de faible connaissance de l'Islam et des musulmans, le halal peut faire peur et la grande distribution peut garder les mêmes réflexes irrationnels qu'une partie de l'opinion. On veut l'argent des Beurs mais pas leur image », confie-t-il à l'Afp. Il reconnaît tout de même que les enseignes ont fait de gros efforts. Farid refuse d'être répertorié, comptabilisé, recensé comme musulman. Est-ce héréditaire ' Non, il n'observe pas le jeûne, non, il n'arrive pas à comprendre comment on peut s'abstenir de boire et de manger de 5h15 à 21h12 et faire son travail efficacement, oui, il veut garder son libre arbitre. « Etre musulman ne veut rien dire, à ma connaissance, ce n'est pas génétique. Tous ces sondages sont faux, sans valeur. Les réponses des sondés sont fantaisistes, propres à alimenter de faux débats et entretenir toutes les confusions. Je ne suis ni pratiquant ni croyant. Suis-je musulman ' Je rentre dans quelle catégorie dans les sondages ' » Son ami Ahmed sort de sa somnolence. Il apostrophe Farid. « Tu es musulman, que tu le veuilles ou non. Tu portes ton identité sur ton visage. D'ailleurs, que fais-tu ici à siroter un thé à la menthe avec nous. Etre musulman n'a rien à voir avec la pratique, c'est plutôt une appartenance à une communauté. » Ahmed se tait de nouveau. Il tire de longues bouffées sur sa chicha dans le soir dans la nuit chaude parisienne.En chiffres Sur le chiffre 5 millions de musulmans vivant en France, 70% affirment observer le jeûne du Ramadan. Les quelque 2000 mosquées et salles de prière en France accueilleront de nombreux prédicateurs à l'occasion du Ramadhan. Quelque 150 imams sont attendus du Maroc, 70 de Turquie et plus de 90 d'Algérie, les trois pays dont sont issus la grande majorité des musulmans de France. De nombreux croyants choisissent l'occasion du Ramadhan pour effectuer le « petit pèlerinage » à La Mecque (Omra) tout à fait distinct du « grand pèlerinage », celui qui permet d'accéder au titre de « hadj » et qui se fait, lui, à l'occasion de la grande fête de l'Islam, l'Aïd El Kébir. Plus d'un millier de musulmans de France devraient faire cette année ce petit pèlerinage.
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