Après avoir
hérité du pouvoir, Bachar Al Assad
se voit léguer la répression sanguinaire qui a caractérisé le règne de son père
avec comme pic le massacre de Hama en 1982. La transmission du patrimoine
génétique est totale.
Seule succession
dynastique dans une république arabe, la Syrie est dirigée par la famille Al-Assad depuis le 16 novembre 1970. Auteur du coup d'Etat,
ce jour là, Hafez Al Assad renverse Noureddine Al Atassi jeté en
prison jusqu'en 1992 d'où il ne sort que pour mourir à peine deux années plus
tard. Après la guerre d'octobre 1973, Hafez Al Assad
instaure une nouvelle constitution qui fait du parti Ba'ath
le dirigeant de l'Etat et de la société. En prenant la tête du parti et le
commandement suprême des forces armées, Al Assad est
sans conteste l'homme fort, d'autant plus que l'état d'urgence instauré le 8
mars 1963 est resté en vigueur. De ce fait les services de sécurité ont le
plein pouvoir puisqu'ils contrôlent directement les trois tribunaux d'exception
: la Cour
itinérante, la Cour
de sureté de l'Etat et le tribunal militaire, réputés
pour leurs verdicts expéditifs et sans appel. Hafez Al Assad
écarte toute personne susceptible de prétendre tôt ou tard à sa succession même
au sein des Alaouites. A commencer par son frère Rifaat.
Principal auteur du massacre de Hama en 1982 où en réaction à un soulèvement
des frères musulmans, au bilan particulièrement lourd, 30.000 morts et 100.000
arrestations, Rifaat à la tête de plus de 30.000
hommes à éradiqué l'islamisme, avant de prétendre au remplacement de son frère
victime d'une embolie cérébrale en 1982. Hafez Al Assad,
une fois rétablit, reprend les affaires en main et renvoie Rifaat
en exile dès 1984. Le pouvoir politique reste sous la poigne de fer des
Alaouites, faction minoritaire du Chiisme et qui représente moins de 15% de la
population. La propagation du printemps arabe jusqu'à la Syrie remet en cause la
mainmise de ce clan sur le pays. Depuis son accession à la tête de l'Etat en
juillet 2000, Bachar Al Assad,
n'a pas eu les mains libres autant que son père. Déjà mal préparé à cette
succession dynastique puisque ce poste était longtemps réservé à son frère ainé Bassel décédé dans un
accident de voiture en janvier 1994. Bachar, second
fils, devient candidat naturel. Reste à modifier la constitution pour abaisser
l'âge de l'éligibilité à la présidence à 34 ans, confirmer une nomination au
sein du parti Ba'ath et trouver un grade militaire
convenable, celui de colonel, pour le retour de cet enfant que l'on veut
prodigue. Le directeur de ce stage présidentiel intensif n'est autre que le
Général alaouite Ali Aslan, remplaçant dès 1998,
l'inamovible chef d'Etat major Hikmat Echihabi (sunnite). L'essentiel est fait pour lui assurer
en juillet 2000 une élection à 97% avec le même slogan que du vivant de son
père : Al Assad pour l'éternité (Al Assad Ila el abed).
Bien que triomphalement élu, Bachar voit dès le départ son pouvoir bridé par la vieille
garde ba'athiste qui ne veut entendre parler de
transparence économique d'une part et par l'appareil sécuritaro-militaire
qui dispose d'une grande liberté de manÅ“uvre depuis un Hafez Al Assad moribond. Bachar reprend le
discours nationaliste et ombrageux de son père afin de maintenir un consensus à
minima autour de lui, renonce bien sûr à lutter contre la corruption car ses
proches sont des orfèvres en la matière, modernise assez marginalement son
économie en l'ouvrant surtout à un pan de la bourgeoisie sunnite d'où son
épouse Asma est originaire. Il n'est pas seul à
décider, contrairement à son père. L'assassinat de l'ancien Premier ministre
libanais, Rafik Hariri, le 14 février 2005, en est
l'illustration. Le département de la sécurité et de la reconnaissance,
appendice des services syriens au Liban est devenu au fil du temps un pouvoir
puissant de plus en plus autonome du siège central. Dirigé pendant plus de 20
ans (de 1982 à 2002) par le général Ghazi Kanan,
ensuite par le général Rustum Ghazalmè,
ce département est en réalité en charge de la politique libanaise avec les
prérogatives classiques : torture, répression, contrôle du trafic de drogue…Au
point où Kanan est surnommé le vice-roi. Il quitte ce
poste pour devenir ministre de l'intérieur. L'enquête sur la mort de Hariri entraine curieusement le suicide de ce général dans son
ministère en décembre 2005. Avec le retrait des forces syriennes du Liban, Bachar Al Assad est libéré de ce
pouvoir occulte et trop indépendant basé au Liban. Se termine une situation de
bicéphalisme assez désavantageuse pour le jeune président. La mise à la
retraite de nombreux généraux, compagnons d'armes de son père, ne lui permet
pas de reprendre totalement les rennes du pays puisqu'un transfert du pouvoir
s'opère graduellement au bénéfice d'officiers de sa génération et de son clan à
l'instar de son jeune frère Maher, général de la
garde présidentiel et son beau-frère Assef Chawket patron de la sécurité militaire. L'armée syrienne
plus que jamais axée sur le groupe des alaouites.
Avec l'insurrection de Deraa
d'abord et de toutes les villes syriennes du pays, la solidarité alaouite
s'organise autour du tout répressif sur le terrain, de concessions et de
promesses dans le discours. La levée de l'état d'urgence, décision hautement
symbolique mais qui ne modifie pas grand-chose puisque des lois dites
anti-terroristes sont attendues. Par ailleurs les forces de sécurité ne sont
pas comptables devant la justice pour les actions menées dans le cadre de leur
fonction. Le droit de manifester pacifiquement est accordé mais les
protestations publiques restent interdites. Nuances que la population ne
comprend pas.
Deux dictateurs déchus et plus de quatre cents
morts plus tard, se pose la question de l'avenir d'Al Assad
et plus généralement du régime alaouite. L'évocation par le pouvoir d'un
complot étranger est une explication partielle, tout comme la menace d'un
retour en force des frères musulmans qui n'est pas encore à l'ordre du jour. Il
suffit de rappeler que le premier appel à manifester lancé sur Facebook, a fixé la date du 3 février dernier. Ce fût un
échec car ce rendez-vous coïncidait avec la commémoration des événements de
Hama de 1982. Il ne faut cependant pas rejeter trop hâtivement les possibles
infiltrations étrangères ou islamistes. Peut être les deux. Les assassinats
récents d'officiers syriens, y compris un général alaouite, n'est pas sans
rappeler les méthodes des frères musulmans des années 80 qui ont exécuté des
responsables alaouites. Le parallèle n'est pas forcement anachronique. L'appel
à manifester de nouveau le Vendredi saint est une volonté de dé-islamiser la contestation en lui donnant une assise
pluriconfessionnelle car la liberté n'a pas de religion selon les mots d'ordre
lancés sur Facebook. Mais les Chrétiens de Syrie,
seconde minorité après les Alaouites, ont toujours été courtisés par le
pouvoir. Ils constituent avec les Druzes (700.000 environ en Syrie) les
principaux soutiens du régime auxquels il faudrait ajouter la bourgeoisie
sunnite qui jusqu'à présent préfère cette présidence qu'au chaos qui
caractérise la Tunisie
et l'Egypte après la chute de leur régime respectif. Cette bourgeoisie
essentiellement issue des bazars de Damas et Alep est aussi hantée par
l'antécédent irakien puisque les deux pays ont les mêmes facteurs de
fragmentation confessionnelle. De ce fait, le régime d'Al Assad
dispose d'un filet de sécurité. Le bilan répressif des autorités syriennes tend
à voisiner celui d'un Hosni Moubarak finissant et qui n'avait que les « Baltaguia » (hommes de main enrôlés par le parti
présidentiel) comme tout soutien, puisque l'armée régulière s'est déployée pour
protéger les manifestants de tels agissements, notamment ceux de place Al Tahrir. Les forces terrestres ont fait face au Rais. Il en
est autrement en Syrie où les forces de l'ordre dirigées par les Alaouites font
front commun avec leur président. Le pilonnage intensif de la ville de Deraa le jour de pâques et le déploiement de milliers de
soldats soutenus par des blindés montrent que les
jeunes généraux alaouites renouent facilement avec les pratiques sanguinaires
de leurs ainés, les «syrian
killers ». Officiellement l'armée est intervenue à la
demande de la population pour neutraliser les terroristes qui sévissent dans
les rues de Deraa. Pour preuve, Damas ferme sa
frontière avec la Jordanie
puisque les turbulences viennent de l'extérieur. Complot étranger, refus de
dialogue et de réformes, les éléments d'un scénario sanglant sont en place
d'autant plus qu'il y va de la survie du régime alaouite. Deraa,
ville natale d'Ibn Taymia qui a considéré en son
temps (1263-1328) que les Alaouites étaient plus dangereux que les croisés. Deraa encerclée, eau et électricité
coupés, prend des airs de petit Benghazi quand celle-ci était à portée
de fusil des forces de Kadhafi. Le pouvoir syrien veut une punition exemplaire
pour cette première ville insurgée. Alors que Deraa à
l'instar de la majorité des villes syriennes est restée à l'écart des
investissements et des projets de développement limités à Damas, Homs et Alep,
bastions de la bourgeoisie sunnite.
Les dénonciations des massacres et les menaces
de sanctions de la communauté occidentale sont un premier pas mais insuffisant.
Une nouvelle résolution de l'ONU pour une intervention internationale est
nécessaire et improbable à la fois car l'exemple libyen risque de pousser la Chine ou la Russie à faire usage de
leur droit de véto. Même le sénateur républicain John
McCain, qui n'a pas hésité à faire un bref séjour à
Benghazi, se dresse contre une intervention militaire en Syrie. L'engagement de
l'OTAN en Libye est un « crash test » dont il faut tirer les conséquences. Une
autre différence de taille entre Tripoli et Damas, le départ de Kadhafi qui ne
représente que lui même, sous une forme ou une autre est une avancée vers la
solution alors qu'en Syrie le dénouement passera par l'éviction des Alaouites
des postes stratégiques. Le nombre de morts est trop important pour envisager
quelque formule d'union nationale. Les démissions de plus en plus nombreuses du
parti ba'ath aggravent la crise politique alors que
le pouvoir s'enfonce dans une solution militaire.
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Posté Le : 05/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Naoufel Brahimi El Mili
Source : www.lequotidien-oran.com