En Syrie, c'est désormais l'escalade. Les promesses de réformes
politiques faites par le pouvoir pour satisfaire les exigences de la rue
syrienne se sont transformées en sanglante répression des manifestations. La
situation a de nouveau dégénéré samedi dans la ville syrienne de Deraa, où près
de 30 personnes ont été tuées vendredi par des tirs à balles réelles de la
police.
Après les funérailles des morts de vendredi, les policiers ont de nouveau
tiré à balles réelles sur des milliers de manifestants qui revenaient du
cimetière. Cette ville, épicentre de la contestation contre le régime syrien, a
connu un vendredi particulièrement meurtrier, alors que des dizaines de
milliers de personnes ont défilé dans d'autres villes du pays.
Les versions et les bilans diffèrent entre les militants des droits de
l'Homme et les autorités. Ammar Qourabi, président de l'Organisation nationale
des droits de l'Homme, a fait état de 30 morts par balles ou asphyxiées avec
les grenades lacrymogènes tirées par les forces de sécurité dans cette ville, à
100 km au sud de Damas, près de la frontière jordanienne. «Des milliers de
manifestants sont sortis de trois mosquées pour se rassembler sur la place
devant le palais de justice. Les forces de sécurité en civil ont tiré d'abord
des grenades lacrymogènes puis des balles réelles et caoutchoutées pour les
disperser, alors que les manifestants leur lançaient des pierres», a affirmé un
militant local des droits de l'Homme.
Selon Qourabi, au moins 37 personnes ont été tuées dans les
manifestations qui ont rassemblé vendredi des dizaines de milliers de personnes
à travers le pays : 30 à Deraa, 3 à Homs, 3 à Harasta et un à Douma, deux
villes proches de Damas.
«Je crains la réaction des autorités au cas où, durant les funérailles,
les habitants de Deraa expriment très vivement leurs sentiments et que cela
tourne à un massacre», a-t-il dit. Cela s'est confirmé : les forces de sécurité
syriennes ont ouvert le feu sur la foule venue participer aux obsèques de
manifestants dans la ville de Deraa, ont rapporté des témoins samedi. Les
forces de sécurité ont tiré à balles réelles et ont fait usage de gaz
lacrymogène pour disperser des milliers de Syriens qui scandaient des slogans
en faveur de la liberté, ont-ils dit. La foule s'était rassemblée près de la mosquée,
dans le vieux quartier de cette ville.
Les chiffres des autorités
Mais le ministère syrien de l'Intérieur donne un autre bilan des
événements de vendredi : 19 policiers et membres des forces de l'ordre sont
morts et 75 ont été blessés par des tirs à balles réelles de «groupes armés»
lors des manifestations de vendredi. Dans la nuit de vendredi à samedi, il a
affirmé sa détermination à «faire face» aux groupes armés qui «tirent sans
discrimination» à la fois sur les manifestants et les forces de l'ordre, dans
un communiqué qui évoque des «comploteurs (...) poussés par des parties
étrangères connues qui rejettent les réformes».
A Homs (160 km au nord de Damas), les versions diffèrent aussi. M.
Qourabi fait état de deux manifestants tués par les forces de sécurité et de
trois morts à Harasta, à 12 km au nord de Damas. En revanche, l'agence Sana
parle de «centaines de blessés» à Homs, dont six membres des services de
sécurité admis à l'hôpital militaire de la ville. «Des hommes cagoulés sur des
motos ont tiré de manière indiscriminée sur des citoyens et des groupes armés
ont brûlé des voitures de police et tiré sur des policiers et des agents de
sécurité», assure Sana. Selon Amnesty International, six personnes ont été
tuées dans les manifestations à Deraa, deux à Homs.
Dans le nord, près de 7.000 personnes ont manifesté dans des localités à
majorité kurde, réclamant l'abolition de la loi d'urgence et la libération de
détenus, selon Radif Moustapha, président du Comité kurde pour les droits de
l'Homme, au lendemain d'un décret du chef de l'Etat Bachar Al-Assad
naturalisant des dizaines de milliers de Kurdes.
Plusieurs milliers de personnes ont également manifesté à Banias (ouest)
et un millier à Tal (20 km au nord de Damas), selon Abdel Karim Rihaoui, qui
dirige la Ligue syrienne de défense des droits de l'Homme.
Les tribus entrent dans le bal
Par ailleurs, Nawaf Al-Bachir, un opposant et chef de la plus grande
tribu du pays, a lancé une virulente attaque samedi contre le régime de Bachar
Al-Assad et l'a appelé à engager un dialogue national sans tarder, au lieu «de
s'obstiner à faire couler le sang du peuple syrien». Nawaf Al-Bachir, chef de
la tribu d'Al-Bakkara et l'une des figures du mouvement d'opposition connu sous
le nom de la «Déclaration de Damas», a affirmé qu'en dépit de la répression
sanglante des manifestations qui secouent la Syrie, «il existe encore une
dernière chance pour éviter que le régime s'obstine à faire couler le sang du
peuple libyen». «Le régime doit lancer un dialogue national avec le peuple, notamment
la jeunesse de la révolution, avec un ordre du jour et un calendrier définis»,
a ajouté M. Al-Bachir depuis la ville de Deir El-Zor dans l'est de la Syrie.
«Nous croyons en un changement politique pacifique», a poursuivi le dignitaire,
estimant que le dialogue qu'il préconise devrait notamment aboutir à «des lois
libéralisant la création des partis politiques et la presse ainsi que
l'abrogation de l'article II de la Constitution» qui consacre le monopole du
pouvoir par le parti Baath.
Depuis le début des manifestations réclamant une ouverture politique dans
le pays et l'instauration de la démocratie, plus de 100 personnes sont mortes,
souvent par balles.
Dans les monde, les condamnations pleuvent : le président américain
Barack Obama a «condamné fermement les violences atroces commises aujourd'hui
et ces dernières semaines par le gouvernement syrien contre des manifestants
pacifiques. Je condamne aussi tout usage de la violence par les manifestants»,
a déclaré M. Obama depuis Washington. Londres et Bruxelles ont «condamné le
meurtre de manifestants par les forces de sécurité syriennes» et appelé à des
réformes politiques «sans délai».
Par ailleurs, le journaliste algérien Zine Cherfaoui, envoyé par le
quotidien El Watan en Syrie pour rendre compte des manifestations contre le
régime de Bachar Al-Assad, serait bloqué depuis jeudi à l'aéroport de Damas,
selon l'AFP qui cite sa rédaction à Alger. Zine Cherfaoui serait retenu dans un
hôtel en zone internationale de l'aéroport de Damas, a-t-on précisé. Les autorités
syriennes lui auraient enjoint de quitter le pays par le prochain vol vers
Alger prévu aujourd'hui dimanche. Le journaliste n'a pas subi de brutalités,
selon ses collègues interrogés par l'AFP.
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Posté Le : 10/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Alilat
Source : www.lequotidien-oran.com