Ces laissés-pour-compte n'ont rien à espérer des talismans apposés officiellement sur le front du seuil de pauvreté, ni des statistiques aux courbes savantes, brandies ici et là, pour conjurer le mauvais sort. «Djamâa Tarcha» et ses 380 habitants, «les morts-vivants», comme ils aiment se qualifier eux-mêmes, sont sur le bord de la route depuis trop longtemps, à équidistance du quartier cossu de Bentchicou et de la bourgade rurale d'El-Meridj, pour croire vraiment aux miracles. Au soleil de l'indépendance, cette «Dechra», connue pour avoir été pendant la guerre d'indépendance un lieu de repli pour les fidayines, après leurs actions de guérilla urbaine à Constantine ville, est restée, il est vrai, en jachère à l'image des rares terres agricoles qui l'entourent. Au jour d'aujourd'hui, si ce n'était cette affaire de panique générale qui s'était emparée, la semaine dernière, des habitants de «Djamâa Tarcha» et des enseignants de l'école primaire «Saïd Benyahia», suite au décès d'une femme de ménage de 35 ans, exerçant dans le cadre du filet social au niveau de cet établissement et où son fils de 10 ans y est toujours scolarisé - un décès dont tout le monde a attribué la cause à la maladie hautement contagieuse de la tuberculose -, nul doute que le hameau ne serait jamais sorti de sa longue attente, dédiée en vain et depuis 1962 au double souci de l'arrivée improbable de l'eau potable et du gaz de ville. Ce lundi dernier, du côté de «Djamâa Tarcha» et de l'école primaire où nous nous sommes déplacés, la psychose parmi les villageois et le corps enseignant, le premier à donner l'alerte, semble s'être totalement retombée, puisque aux dernières nouvelles, nous dit-on, les médecins épidémiologues du «Cemep», une structure de prévention, ont rendu leur verdict et cela après une enquête menée au CHU, attribuant définitivement le décès de la femme de ménage à un cancer du sein, arrivé à un stade terminal. De cause à effet, l'enfant L.Brahim, le fils de la défunte, soupçonné par conséquent de porter lui aussi la terrible maladie, et dont la mise en quarantaine a été demandée, au moment de la panique générale, est désormais pris en charge par un médecin, pour une simple mais forte grippe, une démarche, rappelle-t-on, entièrement à l'initiative de ses oncles maternels. A la vérité, si le diagnostic des médecins vient fort heureusement éloigner le spectre de la tuberculose qui a plané un moment au-dessus du hameau de «Djamâa Tarcha», il reste indubitable que le dispositif de veille sanitaire ne s'est pas déclenché, fût-ce sur le strict plan de la communication, afin de rasséréner la population, évitant en cela la situation de psychose collective que nous avons relayée dans nos colonnes et au moment des faits, sur la base de l'alerte donnée par les enseignants et les villageois. Ce lundi dernier, c'est le bureau d'hygiène communal dépendant du secteur sanitaire d'El-Gammas qui a pris sur lui, après coup, de mener au niveau de l'école primaire «Saïd Benyahia» une opération de désinfection des classes et des locaux de l'intendance dont la pertinence n'est pas certes contestable. Sur ce chapitre, certains membres de l'association de la mosquée Ettouba - un édifice qui dresse sa modeste silhouette à la croisée des chemins du hameau, aux maisons disséminées et en équilibre instable sur un terrain particulièrement accidenté -, ne se gênent pas pour dénoncer, haut et fort, l'état sanitaire global et catastrophique dans lequel est plongée depuis des lustres leur Dechra. Le fait alarmant, constaté de visu sur place, lors de notre courte visite à «Djamâa Tarcha», est que l'absence totale de fosses septiques et d'un réseau d'assainissement des eaux usées - celles-ci s'écoulant à l'air libre, en contact direct avec les puits creusés anarchiquement ici et là par les habitants -, crée les conditions idéales pour nourrir des cross-connexions dévastatrices. «Si ce n'est pas la tuberculose, aujourd'hui, les risques d'une épidémie, quelle que soit sa nature, restent toujours présents», affirme Si Mohamed, l'ex-président de l'association de la mosquée Ettouba. Très disponible et pour mieux nous sensibiliser sur la situation, ce dernier nous invita à lui emboîter le pas, au coeur de la «Qarya» et jusqu'aux seuils des gourbis misérables et insalubres, lovés dans des espèces de talwegs et où s'entassent des dizaines de familles de paysans sans terres, naufragés de la révolution agraire, lesquels, apprend-on, sont aujourd'hui menacés d'expulsion après que les propriétaires eurent récupéré leurs biens. «Djamâa Tarcha» n'est décidément pas au bout de ses peines. Pris en tenaille entre les travaux de l'autoroute Est-Ouest - dont le premier effet direct sur le hameau est d'avoir «éradiqué» un château d'eau vide et quelques maisonnées plantées là sur le tracé du gigantesque ouvrage - et le chantier de la voie express «Constantine - El-Meridj», «Djamâa Tarcha» semble, décidément, bien loin de la croissance et des profits, mais irrémédiablement aspiré par les inégalités et les fatalités nationales.
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Posté Le : 27/02/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : K Benmohamed
Source : www.lequotidien-oran.com