Algérie

Sursitaires



Léthargique au sommet, l'Etat sait se montrer dynamique et retors quand il s'agit de mettre en branle des institutions pour tenter de réduire au silence les derniers espaces de libre expression. La célébration, cette année, de la Journée mondiale de la liberté de la presse est, dans notre pays, chargée d'incertitudes quant à l'avenir du métier d'informer. La légèreté et l'absence totale d'état d'âme dans la gestion par les autorités du dossier El Khabar révèlent le niveau de conviction, au sein du pouvoir, en la liberté de la presse. Dans les pays démocratiques, la menace de suppression d'une émission de télévision de dix minutes, par le propriétaire du média, suscite l'indignation générale et des prises de position dans tous les courants politiques.Dans le contexte d'anesthésie dans laquelle est plongé notre pays, le pouvoir s'offre le luxe de décider de la survie d'un titre de la presse écrite qui participe, depuis plus d'un quart de siècle, à la consolidation du droit à l'information. Le ministre de la Communication martèle régulièrement que le journaliste algérien ne risque plus la prison pour ses écrits, et ce, en vertu de la Constitution amendée. Si la peine «privative de liberté» est formellement ôtée des textes, elle peut être réintroduite dans les faits sous forme de privation de travail et de liberté d'informer. Le journaliste algérien est assuré de ne pas aller en prison, mais il encourt toujours le bâillonnement et la mise au chômage à l'instigation des pouvoirs publics. Il reste l'éternel sursitaire.Les hommages logorrhéiques rendus par le pouvoir à l'endroit des journalistes, à l'occasion de cette journée qui leur est dédiée, est une épreuve de plus subie par les professionnels de l'information.Dans un style provenant de l'âge de pierre du discours politique, la présidence de la République a réitéré sa considération pour la presse, ce «noble moyen au service de la marche de notre peuple sur la voie de la liberté et de la démocratie». Cet instantané du caractère fossilisé du régime constitue un motif de désespérance quant à l'aptitude des tenants du pouvoir à engager le pays sur la voie du progrès et de la démocratie. Les v?ux pieux alignés par le pouvoir pour rendre hommage aux journalistes sont en fait démentis tous les jours, à toutes les occasions et partout en Algérie.Le dithyrambe est le seul mode toléré, la critique est combattue en sourdine ou publiquement. Des cadres de l'Etat qui jouissaient d'un crédit dans leur parcours finissent, en rejoignant l'Exécutif, par emprunter la ligne officielle du déni de la liberté de la presse. L'on a vu récemment la répartie malheureuse d'un ministre, en visite à l'intérieur du pays, à l'égard d'un journaliste qui l'interrogeait sur la régularité dans la passation d'un marché dans les travaux publics. L'envoyé de la télévision privée a été rabroué sans ménagement.L'erreur du pouvoir est de croire neutraliser le droit à l'expression libre en créant des difficultés aux entreprises de presse. La révolution numérique est en train d'annihiler les menées autoritaires des régimes en désarroi. En un week-end, l'ancien ministre de l'Energie, qui se prédestinerait à des fonctions suprêmes, a vu la première phase de son plan de campagne exploser en plein vol sous l'impulsion des «médias citoyens» et la réactivité implacable des réseaux sociaux.




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