Algérie

Sur quel printemps donnera notre avril' REPÈRE



Sur quel printemps donnera notre avril' REPÈRE
Tout en étant le coeur même du printemps qu'il symbolise, avril est aussi, chez nous, le mois des élections présidentielles. Si,maintenant, on note que, depuis que les Tunisiens ont chassé Ben Ali, le printemps dans notre partie du monde ne signifie plus la même chose et qu'à cela il faut ajouter que les élections de 2014 ne ressembleront en rien à toutes celles qui les ont précédées, alors on est en droit de se demander vers quoi allons-nous'
Devrons-nous espérer ouvrir grands les battants de l'espoir sur un avenir radieux avec plus de démocratie et de bien-être où la liberté de dire, de penser et, surtout, de vivre sera retrouvée enfin, ou bien alors faudrait-il craindre que l'on débarque dans un lendemain obscur et froid où le silence inquiet jouera les prolongations jusqu'à nouvel ordre et où l'hypocrisie institutionnalisée continuera à être servie parfois chaude, mais souvent surgelée, sur la chaussée principale de la République'
Ces questions sont d'autant plus pesantes et d'autant plus pressantes que, se tenant là, debout à nos côtés, nos enfants attendent, curieux et quelque peu inquiets, de voir sur quoi donnera la porte de leur avenir... Sur une époque qui leur redonnera l'envie, mille fois perdue,de redresser le pays ou sur celle qui, au contraire, les poussera à s'en tenir, chacun à son propre cercle de craie dont il ne peut sortir et qu'il ne peut même pas enjamber.
L'année prochaine se dérouleront les élections présidentielles. Dans moins d'une année, et pour la énième fois, il y aura une élection pour la magistrature suprême du pays. Et, pour la énième fois, cette élection ressemblera à celles qui l'ont précédée.
Aucun programme, rien que des paroles vides, des promesses vaines que nul ne cherchera par la suite à tenir. Des mensonges démesurés dont personne ensuite n'aura à rendre de compte. Partout ailleurs les gens finissent un jour par partir, par rendre le tablier, par se fatiguer. Ici, nous sommes infatigables, increvables comme les pneus tubeless... et puis nous n'éprouvons généralement pas l'envie de partir. Notre sport favori, lorsqu'on est élu, c'est de passer trois ans à insulter nos prédécesseurs, une année à regretter ce que nous avons fait et une année à préparer les prochaines élections. Le peuple' C'est quoi' Nul n'en parle, nul ne s'en inquiète. De toute façon si jamais il se met à courir dans la rue ou à brûler des pneus ou encore à barrer les routes, on sait maintenant qu'on peut lui jeter quelques faux projets par ci et lui construire quelques misérables murs par là. Et puis, il parait que Chakib Khalil n'aurait rien laissé. A l'impossible nul n'est donc tenu.
Lorsqu'on regarde ce qui se passe ailleurs et ce qui se passe chez nous, on est pris d'un stress mortel. Partout, les gens défendent leur pays. Chez nous, lorsqu'ils ne donnent pas instruction aux entreprises publiques de mettre tout leur argent dans les coffres de Khalifa Bank d'où il disparaît trente secondes après, ils ramènent des étrangers pour spolier des mines d'or. Ils bradent le pétrole. Ils vendent le pays pour trois euros et un sourire. Au nom de quoi ont-ils pu se permettre ce manquement aux choses les plus basiques' Et pourquoi il ne s'est jamais trouvé quelqu'un pour les sanctionner'
Notre économie est détruite. Notre richesse dilapidée. Et, comme pour mieux accompagner tout cela, nos valeurs ont été sacrifiées, notre école minée et notre quotidien figé. C'est à se demander ce que nous ont apporté toutes ces élections et c'est à se demander ce qu'elles pourraient bien encore nous donner' De faux espoirs qui ne peuvent pas durer plus que le temps de chuter. Des rêves qui, dès qu'on les dessine, commencent à être déchiquetés par les désillusions qui meublent la vie des Algériens. Des enfants traumatisés, dès qu'on les met au monde, par le jour où ils seront kidnappés avant d'être violés puis assassinés par des monstres dont nul ne sait ni la provenance ni le motif.Que nous reste-t-il' Même pas des yeux pour pleurer un avenir qui n'arrivera jamais. Et sur quoi donneraient donc les prochaines élections'
La vie d'un Algérien est aujourd'hui une succession de scandales qu'il apprend par des journaux. Même la télévision nationale, prompte pourtant à brosser des tableaux laudateurs et des portraits menteurs de tous types, devient subitement absente du pays lorsqu'il s'agit de montrer la réalité, l'amère réalité qui est nôtre.
Une histoire donne sur l'autre, comme les mille et une nuits qui se tiennent toutes par la queue, et voilà que nous n'avons même pas le temps de relever la tête. On ne la relève que lorsqu'une équipe nationale, formée par des joueurs qui n'évoluent même pas ici, qui ne parlent même pas notre langue, qui ne connaissent même pas notre pays, arrive à gagner.... un match de foot! Oui, nous en sommes encore au match de foot comme fondement de l'orgueil national lorsque les gens reviennent de sur la lune, préparent leur départ sur Mars ou, simplement produisent des merveilles de la technologie. Nous suivons les équipes qui, pour beaucoup, n'ont même pas de terrain correct. Nous nous entretuons à cause d'un match de foot et, d'un match à l'autre, les élections passent. La vie avec. Notre vie n'est donc rien d'autre qu'une mise en abîme permanente. Nous sommes dans une grotte qui donne sur une grotte qui, elle-même donne sur une grotte qui donne sur une autre grotte qui donne sur.. qui donne sur... La conviction de ne jamais nous en sortir de cette obscurité incroyable qui domine notre vie commence à être forte chez beaucoup d'entre nous.
En cinquante ans, trois générations ont foulé le sol du pays. Nos pères, nous-mêmes et nos enfants.Nos pères avaient vécu la misère du colon. Nous avons subi celle des incompétents et des médiocres. Nos enfants commencent déjà à subir celle de leurs enfants. Est-ce normal' quelqu'un peut-il, au moins, nous dire si certains nous ont hérités comme ils ont hérité du pays'
Depuis 62, nos élections se suivent et se ressemblent. Tous les présidents de partis dénoncent, lorsque cela ne leur convient plus, le système de quotas. Tous dénoncent, lorsque il ne donnent plus vainqueurs, les résultats. Il y a, en ce qu'ils disent, beaucoup de faux mais il y a aussi certainement beaucoup de vrai! L'opposition ne fait rien de ce que doit faire l'opposition. Sans véritable passé d'opposants, la majorité des chefs de l'opposition réalisent le rêve de leur vie et se voient tout à fait comblés par le seul fait d'avoir pu s'asseoir à la même table qu'un ministre et, lorsqu'il leur arrive de lui toucher la main, alors ils cessent de se laver les mains pendant deux semestres au moins!!! De quelle opposition parle-t-on encore' Celle qui précède les désirs des puissants du moment n'en est pas une. Ils ont beau parler de la reine Elizabeth, ils ont beau inventer les stratagèmes comme la «révocabilité populaire», ils ne seront jamais de l'opposition car, et malgré tout ce qui se dit, leur coeur a flanché pour le pouvoir. Or, lorsque le pouvoir vous prend au coeur, c'est définitivement irréversible. C'est malheureux, mais c'est ainsi! Une opposition qui (à part un seule chef de parti) s'est lourdement tue sur le massacre de l'économie alors qu'elle ne manque jamais de tirer sur les autres parties de l'opposition. Complice de la débâcle que nous traînons depuis si longtemps, l'opposition l'est indéniablement.
Aujourd'hui, à cause de ce que nous avons eu comme pouvoir et à cause de la faiblesse de ce que l'on nous a présenté comme opposition, le pays est à genoux. Asséchée de son pétrole, vidée de ses compétences, nettoyée de ses rêves, l'Algérie ne tient plus correctement debout. Ceux qui l'ont mise dans cet état, sont reconduits dans leurs postes. Combien sont-ils à ne pas quitter les postes ministériels depuis l'aube des temps' Tous ou presque et même ceux qui sont écartés ne le sont que pour mieux revenir. Comme quoi, chez nous, on ne change pas l'équipe qui détruit bien le pays!
Aujourd'hui, nous regardons s'approcher les prochaines élections et nous nous demandons, sur quoi peuvent-elles bien déboucher' Sur quel printemps donnera donc notre prochain avril' sur celui fleuri qui permet aux rêves de repousser et aux ambitions de se faire repousser des ailes ou bien sur celui où il faut se lever tôt pour aller creuser dans le désespoir qui ne finit jamais'


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