Algérie

Sur les traces d’Uranus et de Carthage: à propos de secrets d’El-Asnam antique



Sur les traces d’Uranus et de Carthage: à propos de secrets d’El-Asnam antique Quel que fut son nom antique, la Cité des «statues» semble avoir toujours fasciné les historiens. Tant elle témoigne de splendeur puis de destructions. On peut ainsi remonter assez loin dans le fil du temps et rencontrer ces témoignages d’incendies dévastateurs et tremblements de terre. Bref une cité qui, du tréfonds de sa sérénité semble lancer un défi permanent aux gardiens spirituels des lieux : phéniciens, puniques, grecs, romains, berbères, vandales. Cependant c’est d’abord par la civilisation carthaginoise que la cité prend forme. Point stratégique de contrôle de la plaine à peu près à égale distance de Miliana et de Mostaganem, la cité veille sur le Dahra et l’Ouarsenis. Elle forme le troisième angle du triangle comprenant Ténes et Mostaganem. Les colons français, en arrivant au milieu de broussailles et de « jujubiers sauvages «, constatèrent un amas de ruines qui s’élevaient à l’embouchure du Tsighaout, à la place où se tenait le marché du dimanche (souq el-Had), «des pans de murs en bon état et de nombreux débris architecturaux «. Tous ces débris aux formes multiples étaient là pour témoigner d’un passé - difficilement quantifiable - dont les populations locales ne conservaient qu’une image, celle de statues et statuettes. Là est la raison pour laquelle cet espace fait de cendres et de pierres de taille au moment de l’arrivée des Français (autour de 1840) était appelé «el-asnam» par les autochtones. Selon certains auteurs, la cité tirerait son origine d’une sorte de stèle (un «cippe») dont les inscriptions expliciteraient l’adoration des populations d’antan au mythe ( grec) d’Uranus : «(?) ARANI TSISGAS ou CISGAS» ou «CIP YARANI TSISGA». Rappelons que dans la mythologie grecque, Uranus est le dieu du Ciel et fils de Gaia, la déesse de la Terre. Par contre le terme «cippe» (transcription latine de «zbH») renvoie vraisemblablement à la notion de «sacrifice» en punique. Par conséquent il y a fort à parier que l’inscription en question soit écrite en néo-punique - cette forme qui accepte les transferts latins dans un substrat punique. On sait également qu’en punique, «CI» -se prononçant («shi»)- est un relatif (que, dont, qui) et que «GAS», qui est construit sur la racine « K-S-A ou G-S-A « renvoie à la notion de «trône». A ce moment l’inscription donnerait, en mot-à-mot, quelque chose comme: «sacrifice Uranus qui trône», soit «sacrifice au Roi Uranus»,ou bien «sacrifice au règne d’Uranus». Une telle thèse ne serait pour surprendre puisque les historiens reconnaissent que le nom de «TSISGA» est hérité de la période punique. Cependant ils datent de l’an 254 la dévastation du lieu, durant le règne de l’empereur romain Valérien (253 à 260); la cité était alors baptisée : Castellum Tingitanum. Il est également attesté, dans la région, le culte de Uranus (ou Ouranos) à tel point qu’il ne serait pas superflu de s’interroger sur l’étymologie de noms tels que «Ouaran» ou bien «Ouarsenis». On reconnaît, en effet la présence de la racine «Y-R-N» ou de sa variante «W-R-N». Avant sa destruction, Tingitanum était une sorte de ‘’château’’, le poste le plus avancé des colonies romaines d’Oppidum Novum et de l’actuelle Ténes. Notons que le nom romain de la ville de Ténes était Cartenae, ce qui confirmerait son substrat punique. En effet la notion de «ville» en punique se disait «QART» et la notion du bien se disait «NAÂM» par conséquent « la ville du bien « devait se dire «qartnaâm»; ce qui, en transcription/adaptation latine donne «Cartenae». Au moment de la conquête française, les nouveaux colons découvrent, à l’emplacement de la ville, des couches charbonneuses, en différents points, à moins de 1,50 m de profondeur. Quant à l’examen superficiel du terrain, il révèle un vaste espace de pierres de taille et de cendres. Dès 1843, est construit un fort français, sur le site même de Castellum Tingitanum et le site prit pour nom Orléanville. Un tremblement de terre l’endommagea sérieusement en 1954. Renommée El-Asnam après 1964, la ville se relève lentement avant de subir, à nouveau, un tremblement de terre d’une rare violence, en 1980. Dorénavant, elle s’appelle Chleff et abrite une population de l’ordre de 200 000 habitants. Il serait temps que ses enfants aillent questionner les temps anciens. Peut-être y trouveraient-ils les clés de leur sort. La cité ne cache-t-elle pas des secrets que seules ses statues, réduites au silence des langues porteuses, seraient en mesure de révéler - encore faudrait-il en déterrer les codes? Abdou Elimam Linguiste


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