Algérie

Sur le mur de Wassyla Tamzali



Sur le mur de Wassyla Tamzali
Au milieu du jeu de massacre qui semble s'installer dans ton pays, celui duquel tu t'en es allé pour mourir au c?ur de l'hiver dans le pays du froid, perdu parmi ces visages tuméfiés par la raison d'Etat qui s'offrent dans leur nudité aujourd'hui que l'Etat n'a plus de visage, effrayé par la frénésie carnassière des loups entre eux, empesté par les cataractes d'égouts qu'un démon aveugle ne cesse d'ouvrir chaque matin, enfoncé dans une humiliation grandissante d'avoir de si piètres factionnaires, c'est vers toi, toi qui n'es même pas capitaine, toi qui dorénavant est réduit au silence que je viens, aussi paradoxal que cela puisse paraître, chercher un peu de réconfort qui éclairerait «les heures sombres» que nous vivons, pour le dire comme Hannah Arendt. Je ne te connais pas, mais je connais la longue histoire qui te mena dans ce pays lointain, car c'est notre histoire à tous.Le métro qui te happa dans cette ville de l'Amérique du Nord venait d'ici, du Sud brûlant. Le train de la mort avait pris sa course sous le ciel bleu de Annaba. Sur cette photo de toi en jeune architecte, on voit à ton sourire, à la brillance de ton regard que c'étaient des temps heureux. Et pour cause ! Un beau métier, une femme, deux enfants ?je crois?, et un immense pays à construire. Le bassin le plus fertile d'Algérie, une des villes les plus anciennes, fondée en 1295 avant JC, une histoire majestueuse, Hippone et saint Augustin. Qu'a-t-il fallu qu'il arrive pour que tu désespères de l'avenir et de tes frères au point de devenir un itinérant, euphémisme québécois pour SDF ' Qu'a-t-il fallu que je ne sache, que nous ne sachions ' Comme beaucoup d'Algériens sans voix, toi et ta femme vous êtes partis «pour les enfants». Et sans bagages. Rien. Cette image de votre départ en exil dépouillés de tout donne envie d'hurler de rage et de dégoût devant la scène obscène des 5 grosses valises de ce fils de wali (Mascara) voyageant en première, exigeant de les monter dans l'avion et de son père le wali balançant «la dignité» des bagages de son fils à la tête du pauvre commandant de l'avion.La curée des goinfres n'en finit pas de se ruer sur ce pauvre pays à terre depuis de longues années. Tous les jours apportent leur lot de nouvelles forfaitures accomplies. A nos oreilles ébahies. Radil Hebrich, ton dénuement, ton désespoir, ta solitude dans le métro de Montréal cette nuit où tu fus happé sont les nôtres. Je ne te connaissais pas, mais je connais ton histoire. Aussi c'est près de toi que je viens m'arrêter un moment loin du vacarme de fin de règne qui emplit nos médias. Sur cette photo de toi, la seule que je connais, je retrouve dans ton sourire toute la confiance que nous avions alors en notre pays et l'outrecuidance de notre jeunesse. Et ça fait du bien. www.facebook.com/wassylatamzali




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