Algérie

SUR LA ROUTE DES VILLAGES TUNISIENS



SUR LA ROUTE DES VILLAGES TUNISIENS
A travers les vieilles routes de la Tunisie, les villages. De nouvelles mosquées nées de la fièvre du ciel qui traverse le pays. Des vergers, de la verdure de saison, ces vieilles femmes emmitouflées qui vendent du pain ou des amandes. Des tags sur les murs avec les noms de partis et de cris qui nous sont étrangers. Les arbres et surtout les orangers. Un peu de tristesse aussi, mais pas celle des visages. Elle est dans le temps qui semble lent, le ciel bas, bleu et gris, une sorte de dés?uvrement après la révolution. On sent le chômage des jeunes, le manque d'argent qui contraste avec les zones touristiques off-shore. On est tenté d'y plaquer l'image du pays que l'on promène dans la tête, partout où l'on va. «Algérianiser» le pays voisin pour croire le comprendre ou le condamner à notre mort nationale après les années 90. Y transposer ses craintes, ses barbaries, ses peurs et ses traumatismes. Quand on va en Tunisie, l'Algérie est dans le regard que l'on pose. On traverse le pays de l'Autre mais, c'est surtout le sien que l'on découvre dans sa différence qui peine. Des routes donc, agréables, longues et comme calmes à travers des dizaines de villages.Mais au tableau, il manque quelque chose. Une sorte de creux. Le cerveau de l'Algérien cherche quelque chose dans ces villages qui nous ressemblent tant mais à un détail près. Lequel ' On ne sait pas, il y a un vide derrière les bâtisses, un domino qui n'est pas là, une sorte de perspective effacée. Quoi ' On se creuse la tête avec le cerveau qui a quelque chose au bout de la langue. Soudain, cela jaillit : le logement social. Cette affreuse architecture du baril et du relogement massif qui gangrène le pays au nom du droit au pays et au toit. Les villages tunisiens ne sont pas défigurés par l'architecture du pétrole, le populisme du ciment. Ils sont restés à l'ère antique de nos années 70. Peu riches, inachevés certes, petits mais comme préservés de cette hideuse attaque du béton, peinture «crème», mauvais trottoirs, égouts crevés deux mois après la réception des travaux. Il manque les linges aux balcons avec le barraudage des années 90 et les paraboles et les rideaux de plastique des familles qui récupèrent le balcon comme cuisine et la cuisine comme chambre et la chambre comme salon et le salon comme une annexe. L'Algérie a relogé en masse mais a vidé le pays, avec la même proportion. On a un toit, mais le pays en devient hideux et vide. On habite, mais on tourne le dos. On est logé mais le pays semble SDF.Il manquait, aux villages de la Tunisie, ces architectures de nos daïras, ces cités «La réconciliation» qui mêlent l'esthétique du va-vite, la corruption dans les appels d'offres, le manque de goût et la beauté de la pierre et de la courbe déclassés au profit du bilan des «réalisations». On ne sent pas ici, en Tunisie rurale, le fric, mais justement, on ne sent pas la gabegie et les dépenses inutiles. Les gens habitent les villages et ne les fuient pas en rentrant chez eux. L'arbre n'est pas menacé par le carrelage. La forêt est voisine et les champs ne souffrent pas de la couleur de la brique rouge et du gris du ciment. C'est ailleurs que l'on découvre, au spectacle des autres, ce qui ne va pas chez soi. Cet empire du mauvais goût que nous imposaient la nature «sociale» du régime et les conditions de naissance de ses hommes et que le pétrole a transformé en «politique de développement» à coups de milliards et de discours.Les villages tunisiens sont beaux, encore. Malgré la pauvreté, les décalages et le manque d'argent investi. Ici, en comparaison, nous en avons de l'argent. Mais cela rend plus laid le pays. Le bon goût ne pouvant s'acheter avec le pétrole, il nous reste ce que nous avons. Un jour, toute l'Algérie sera logée dans des R+5 et c'est alors que ce pays n'existera plus que comme une banlieue d'un lieu vide et d'un centre disparu. Il n'y aura rien à voir sauf sa télévision. Ce qui est déjà une pratique algérienne. S'il y a autant de mosquées et d'antennes paraboliques sur nos toits et dans nos têtes, c'est que, depuis des années, on ne veut même plus retoucher les sols.Se promener, pour nous, c'est enjamber.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)