Algérie

«Sun Dress» de Saïd Salman El Murry d'Abou Dhabi: Encore un film sur la femme dans le monde arabe



Le public du FIFAO a découvert un film d'Abou Dhabi lors de l'après-midi d'avant-hier. «Sun Dress» (les habits du soleil), réalisé par Saïd Salman El Murry, a été salué par le public, si l'on se réfère aux débats qui ont suivi la projection. Et pour cause, il traite des questions de l'amour impossible, de la femme dans les pays du Golfe, des césures générationnelles... Tous ces thèmes et bien d'autres bien enveloppés dans un romantisme un peu désuet.

«Sun Dress» relate l'histoire d'un amour inachevé entre Halima et Saleh. Halima, devenue presque une légende, puisqu'une mère se chargera de raconter son histoire à son fils adolescent, qui, à son tour tentera d'immortaliser ses déboires dans un scénario. On dirait une tentative délibérée de la part du réalisateur de perpétuer le souvenir de Halima dans la mémoire collective. Pourtant, son histoire n'a rien d'extraordinaire. A part qu'elle est muette.

Sûrement pour bien illustrer toutes les histoires d'amour des femmes dans la région du Golfe et, partant, dans le monde arabe où le poids des convenances et des pesanteurs exige des femmes de taire leur sentiment. Donc, cette perpétuation du souvenir de Halima est une belle revanche sur le silence imposé aux femmes. Une des possibles lectures qu'on peut hasarder...

Pourtant, le réalisateur a choisi un stratagème pour brouiller tout marquage spatial et temporel du film. Jusqu'à la dernière séquence de cette réalisation, on ignorera l'espace où se déroule le film. Hormis le dialecte de la région, l'espace peut être n'importe quel point du monde : aussi bien en Amérique latine qu'en Afrique ou dans n'importe quel pays arabe. Une tentative de la part du réalisateur pour conférer un caractère universel du thème qu'il a traité. Et on ne peut que lui donner raison dans ce sens.

Cependant, lors des débats assurés par l'assistant du réalisateur, qui décidément a allongé la liste des absents dans ce festival, l'on apprendra que le tournage a eu lieu en Syrie et dans une île d'Abou Dhabi. D'ailleurs, chaque lieu du tournage correspond à une temporalité précise : Damas où la légende de Halima est transmise par la mère à son enfant en pleine adolescence, et Abou Dhabi où les faits réels s'étaient déroulés. Heureusement que le réalisateur nous a épargné un happy end... D'ailleurs, il a laissé l'histoire ouverte puisque personne ne pourra deviner la fin de Halima. A part qu'elle s'est laissée aller, autrement dit s'est départie en quelque sorte de sa féminité. Elle qui a toujours cultivé sa coquetterie, sans prêter la moindre attention à son handicap. Là aussi, on relève l'usage ou l'abus de l'instrumentalisation des symboles chez Saïd Salman El Murry.

Signalons que tous les protagonistes de ce mélodrame travaillent dans le commerce et l'élevage des pigeons. D'ailleurs, c'est la seule activité de ce village de nulle part où se déroulent les péripéties de l'histoire. Encore une symbolique à décrypter. Cette volaille peut référer aussi bien à la femme qu'à la liberté.

Prise dans une sorte de crise de démence, après sa grosse déception suite au départ de Saleh, Halima commencera à libérer les pigeons des cages. Le réalisateur n'a pas opté pour une narration linéaire, probablement pour ne pas ennuyer les spectateurs. L'histoire bascule par moments pour donner à voir son prolongement dans le présent. Notamment quand le jeune adolescent, épris par l'histoire de Halima, entreprend avec frénésie de la traduire dans un scénario. En dépit de ce qu'on peut reprocher à ce film, produit, il faut le souligner, d'un cinéma encore à ses premiers balbutiements, «Sun Dress» est agréable à voir. Il offre de belles prises de vues sans pourtant tomber dans le travers de la carte postale destinée au touriste en mal d'exotisme. La charge émotionnelle des personnages relègue presque au second plan le cadre du tournage. Pourtant beau à cause ou grâce à sa nudité.

On peut dire que la tentative du réalisateur de s'éloigner du cinéma américain, prédominant dans son pays, mérite d'être relevé. Notons que lors des débats, l'assistant réalisateur a signalé qu'Abou Dhabi dispose d'un réseau de plus de soixante salles de spectacles de haut standing. Mais à cause des problèmes de la distribution, l'essentiel des films projetés sont américains, faisant l'apologie de la violence. Dans cet univers, le film «Sun Dress», même si on l'accable de naïveté, n'est pas de trop.




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