Algérie

Suite à une hausse des droits de scolarité : Révolte en sourdine des étudiants étrangers en France


Une autre grogne sociale est en train de s'intensifier en France, parallèlement à celle du mouvement des «gilets jaunes». Il s'agit de la mobilisation des étudiants étrangers contre le projet d'une augmentation faramineuse des frais d'inscription à l'université pour tous les postulants hors Union européenne, d'ici la rentrée 2019.Samedi dernier, au moment où l'avenue des Champs-Elysées était mise à feu et à sang par des centaines de «casseurs» qui se sont incrustés dans les manifestations des «gilets jaunes», un rassemblement beaucoup plus pacifique et mieux encadré se tenait place du Panthéon (5e arrondissement de Paris), à l'initiative de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) et de nombreux autres syndicats estudiantins, comme l'Union des étudiants algériens de France (UEAF).
Sous le mot d'ordre «Etrangers peut-être, étudiants d'abord !», des dizaines d'étudiants, particulièrement africains ? qui représentent entre 45 et 50% des étudiants internationaux en France ?, ont crié leur colère contre la volonté du gouvernement français de réformer sa politique d'accueil des étudiants étrangers non européens, notamment en matière de financement de leurs cursus universitaires dans des établissements publics.
Des actions du même genre ont eu lieu, le même jour, dans plusieurs grandes villes françaises (Marseille, Lyon, Lille, Nantes, Bordeaux, Grenoble, etc.). La mobilisation ne fait que commencer car les concernés ne veulent pas se laisser faire.
Et pour cause, lors de la prochaine rentrée, les universités françaises devraient revoir à la hausse les droits de scolarité pour les étudiants «non communautaires», qu'ils soient primo-arrivants en France ou accédants à un cycle supérieur (de licence à mastère ou de mastère à doctorat).
Alors, l'inscription en licence passerait à environ 2800 euros (contre 170 euros actuellement). Celles en mastère et en doctorat passeraient à environ 3800 euros (contre 243 et 380 euros actuellement).
Tout est parti le 19 novembre, suite au discours du Premier ministre, Edouard Philippe, lors de la présentation de la stratégie gouvernementale d'attractivité pour les étudiants internationaux. L'orateur avait pourtant commencé son allocution par de «bonnes nouvelles», qui étaient censées réjouir les étudiants étrangers.
Par exemple, l'objectif d'atteindre 500 000 étudiants en mobilité à l'horizon 2027, alors qu'ils ne sont que 320 000 actuellement ; ou encore, l'entrée en vigueur d'une clause de la loi asile-immigration, du 10 septembre 2018, qui concerne les étudiants étrangers diplômés en France.
En effet, à partir de mars 2019, les titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur français équivalant au mastère et qui sont retournés dans leur pays d'origine pourront bénéficier d'un titre de séjour pour revenir en France afin de créer une entreprise ou chercher du travail.
Cependant, la seule annonce qui a retenu toute l'attention des premiers intéressés est celle de l'instauration d'«une forme d'équité financière». Le chef du gouvernement français a affirmé : «La France est l'un des pays au monde où les droits d'inscription des étudiants internationaux sont les plus faibles, c'est presque comme s'ils n'existaient pas.
En bref, un étudiant étranger très fortuné qui vient en France paie le même montant qu'un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et payent des impôts en France depuis des années.
C'est absurde et injuste.» Il a ajouté tout de suite après : «Nous avons donc décidé que les étudiants internationaux qui ne résident pas dans l'espace économique européen paieront des frais d'inscription correspondant approximativement au tiers du coût réel de leur formation.» Cela permettrait, selon lui, de «mieux accueillir les étudiants qui choisissent la France».
Derrière ce discours, laissant apparaître les notions de justice et de justesse, se cache en réalité une mesure doublement discriminatoire.
Mesure doublement discriminatoire
Primo, une telle hausse pénalisera uniquement une partie des étudiants étrangers inscrits dans les universités françaises puisque les étudiants français et européens ne seront pas concernés.
Or, jusque-là, la majorité des chartes universitaires mettent sur un pied d'égalité tous les étudiants en matière de droits et de devoirs.
Et ce, au-delà de leurs nationalités ou autres considérations non pédagogiques. Le principe est simple : à l'intérieur des franchises universitaires, point de discrimination ! De plus, les étudiants visés sont ceux qui souffrent le plus de la précarité sociale.
Celle-ci les empêche souvent de suivre normalement leurs cours, car ils sont obligés de travailler, parfois dans des conditions très dures, pour vivre et financer leurs études. En cas où la mesure devient effective, peu d'entre eux pourront rester étudier en France en sachant que le renouvellement de leurs titres de séjour auprès des préfectures est de plus en plus compliqué, surtout pour des raisons financières.
En effet, il leur est exigé des justificatifs de ressources d'au moins 615 euros par mois ou de 6150 euros pour l'année. Ce qui est loin d'être une mince affaire pour la plupart de ces étudiants autorisés à travailler durant un nombre limité d'heures par an.
Deuxièmement, cette décision empêchera des milliers d'étudiants brillants, résidant dans les pays pauvres et sous-développés, de venir compléter leur formation dans un cadre meilleur et plus adéquat à l'optimisation de leur talent.
Ça ne peut être qu'un gâchis ! Chez eux, très rares sont ceux qui bénéficient de bourse et de financements publics, généralement attribués non pas selon le mérite mais plutôt sur la base de passe-droits. Ils n'auront pas, non plus, la chance d'engager des fonds privés comme leurs compatriotes issus de familles aisées.
Dans son état actuel, la démarche Campus France coûte déjà une petite fortune pour les candidats d'origine modeste et soumet ceux-ci à un véritable parcours du combattant, avec des règles qui changent et se compliquent d'année en année.
La suivre avec succès, dans les conditions que prévoit la nouvelle stratégie universitaire française, deviendra une mission impossible pour la quasi-totalité de ces étudiants.
Anticipant ces effets néfastes de sa réforme, Edouard Philippe a promis de tripler le nombre de bourses et des exonérations de droits d'inscription pour cette catégorie d'étudiants.
«Actuellement, le Quai d'Orsay (ministère des Affaires étrangères, ndlr) attribue des bourses d'études à 7000 étudiants étrangers. Nous allons ajouter 8000 bourses d'exonération.
Ce dispositif national, qui sera piloté par nos services diplomatiques, se doublera d'environ 6000 autres bourses d'établissements, que les universités pourront librement attribuer aux étudiants internationaux», a-t-il précisé.
Cette mesure de précaution serait insuffisante, d'après l'Unef et plusieurs organisations représentatives d'étudiants étrangers en France (algériens, nigériens, sénégalais, maliens, égyptiens, guinéens, vietnamiens, colombiens, etc.).
Elles s'organisent sur les campus et sur les réseaux sociaux pour exiger l'abandon de cette augmentation. «Nous étudions dans les mêmes amphis que les étudiant(e)s français(e)s, nous devons pouvoir avoir les mêmes droits !» lit-on sur une pétition en ligne, lancée sur le site Change.org et qui rassemble jusqu'à maintenant près de 260 000 signatures.
La question n'est pas encore tranchée par le locataire de Matignon. Sa mesure polémique s'inscrit en fait dans un long processus qui vise le renforcement de l'autonomie financière des universités publiques.
Il pourrait aboutir à la généralisation de la hausse pour l'ensemble des étudiants, y compris français, d'ici 2020, au moins à partir du niveau mastère comme le propose la Cour des comptes dans un rapport intitulé «Les droits d'inscription dans l'enseignement supérieur public», mis en ligne sur son site internet le 23 novembre dernier. Laquelle a estimé à 1,9% l'apport des droits d'inscription aux budgets des universités, un taux en somme très dérisoire.
Le même document souligne que le coût moyen d'un seul étudiant est évalué à 10 210 euros par an, tandis que la moyenne des frais d'inscription elle ne dépasse pas 265 euros par étudiant et par an.
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