Lorsque les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons
un plaisir de vous les faire parvenir. Musique.
Passées les premières frayeurs et interrogations, les états-majors
européens avaient compris dès les premiers jours des révolutions tunisienne et
égyptienne, que leurs intérêts économiques et stratégiques ne seraient pas
bouleversés ou remis en cause, durant les événements ou par les successeurs de
Ben Ali et Moubarak. Cela explique leur relative unanimité dans les déclarations
officielles, y compris au sein de l'UE, d'autant plus qu'ils «marchaient» sur
les pas de la Maison Blanche américaine, pour reprendre «l'esprit», et parfois
la lettre des réactions US. Puis arriva l'autre révolution, celle que peu de
stratèges attendaient, celle du soulèvement du peuple libyen. La vitesse de
propagation de sa violence et son niveau effraient à ce jour les Européens. Une
sorte de panique submerge les dirigeants européens. A la violence barbare de
Kadhafi et son clan contre son peuple qu'ils n'avaient jamais soupçonnée,
s'ajoutent celle de la destinée de leurs nombreux ressortissants (plus de
10.000) et les risques économiques et financiers, mal venus en cette période de
récession économique en Europe. La détermination de Kadhafi et ses sbires de
mettre son pays à feu et à sang et sa menace d'imploser les puits de pétrole
sont une vraie guerre que le fou de Tripoli déclare, par delà le martyre de son
peuple, à l'Europe et l'Occident en général. Du coup, chacun au sein de la
famille européenne s'est mis à calculer les coûts d'un éventuel embrasement du
désert libyen sur son propre sol. Les réunions se multiplient depuis, à tous
les niveaux, sans décider d'une quelconque action commune. Du lundi au jeudi,
outre les réunions discrètes des experts, celle des ambassadeurs, puis celle
des ministres des Affaires étrangères n'ont pas encore débouché sur une
stratégie commune de l'UE ; mieux, ces réunions ont donné lieu à des échanges
contradictoires paralysant toute action commune dans l'immédiat. Il fallait s'y
attendre tant le «rusé» colonel libyen a su profiter de la «cupidité» des
entreprises européennes, en aiguisant une concurrence déloyale entre elles.
C'est l'Italie, premier partenaire commercial de la Libye qui pèse,
naturellement et depuis le début de la crise, sur le sens du débat européen:
elle est le premier client et fournisseur d'armes du régime de Kadhafi qui
dispose, par ailleurs, de près de 4 milliards d'euros de participations
libyennes dans des sociétés italiennes. Le clan Kadhafi dispose de 7,6 % du
capital «d'Uni Crédit», la deuxième banque italienne. Autre exemple, la France
a vendu à la Libye, en 2007, de l'armement (missiles anti-chars et système de
radio) pour un montant de 405 millions de dollars. Les Anglais lui ont vendu
d'autres armements pour un montant de 85 millions de livres sterling. Ce n'est
qu'un indicatif sur le seul chapitre de l'armement. Plus globalement, 15% des
50 milliards de dollars qui constituent le fonds souverain de la Libye sont
investis en Europe dans diverses firmes commerciales et industrielles. Mais la
plus grande «compromission» européenne avec le régime de Kadhafi se situe dans
le domaine des hydrocarbures : l'Europe importe pour près de 80 % de la
production libyenne, essentiellement du pétrole, représentant 7% environ de ses
besoins. Avec de telles conditions d'échange commercial, l'Europe ne pouvait
(ne peut encore) réagir vite à la crise libyenne et encore moins décider d'une
action commune qui satisfasse les intérêts de chaque Etat membre. Par ailleurs,
et c'est révélateur de la gravité de la crise libyenne, la Russie était
présente jeudi à Bruxelles, lors de la réunion des ministres des Affaires
étrangères. Et pour cause, les intérêts russes en Libye sont aussi importants
que ceux des Européens. 1,3 milliard de dollars de contrat d'armement signé
avec la Libye en 2010. Il faut ajouter ceux liés à la maintenance du matériel
et la formation des personnels techniques. Car Kadhafi dispose d'un arsenal
militaire impressionnant, mais manque de personnels spécialisés (pilotes de
chasse notamment). Pour l'exemple, rien qu'entre 1981 et 1985, pas moins de 350
avions de combat russes (Mig 23 et Sukhoi) ont été vendus au régime libyen.
Ainsi, la gestion de la «révolution» du peuple libyen et l'évaluation de ses
retombées économiques et stratégiques diffèrent de celles qui ont chassé le
régime tunisien et celui égyptien. Si Kadhafi met à exécution sa menace de
saboter les puits de pétrole, les conséquences économiques en Europe seraient
considérables. En rédigeant cette chronique, nous apprenons que les USA et
l'Otan appellent à une action concertée avec les Européens, alors que le
Conseil des droits de l'Homme de l'Onu suspend la Libye de son poste de membre
(acquis depuis mai 2010). Pourtant, et alors que les heures du dictateur libyen
sont comptées, en Europe, des pays comme la France, l'Angleterre ou l'Allemagne
n'ont rien trouvé de mieux que de «commencer à réfléchir» à un embargo contre
la Libye et un gel des avoirs financiers du clan Kadhafi. Pire, l'UE veut
anticiper sur les éventuels flux…migratoires futurs, qualifiés de «bibliques»
par le ministre italien des A.E. Décidément, jusqu'à ses dernières heures,
Kadhafi aura fait payer aux dirigeants européens leur avidité des affaires.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 27/02/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com