« Kaf Qamar» (La main
de Qamar) de l'Egyptien Khaled Youssef a tenu toutes
ses promesses. Attendu par un public familier avec le cinéma égyptien, le film
a été très bien reçu. Et pour cause, Khaled Youssef, disciple de Chahine, nous
a offert une fresque digne du cinéma hollywoodien. Le réalisateur n'est pas à
son premier coup d'essai puisque, dans une précédente édition de ce festival, il
a déjà présenté «Doukkane Chahhata»
(La boutique de Chahhata). «Kaf
Qamar» a réussi le pari périlleux de restituer le
vécu du petit peuple besogneux des Egyptiens en usant du grand cinéma de type
américain, sans pourtant verser dans l'esthétisation de la misère. Bien au
contraire, le film annonce les changements survenus en Egypte puisqu'il
s'apprête à se lire comme décrivant l'agonie d'une société pour laisser place à
une nouvelle dont les contours ne sont pas encore définis. Qamar,
la mère de cinq enfants, symbolisant une certaine Egypte, très attachée à la
terre et aux traditions, décédera à la fin du film tout en réussissant à réunir
à nouveau ses enfants. Mieux, pour illustrer cette recomposition de la famille,
les enfants s'attelleront juste après l'enterrement de leur mère à reconstruire
la demeure familiale avec d'autres matériaux de construction. La métaphore est
claire de ce point de vue. Soulignons que Khaled Youssef, apparemment très
attaché à l'union, notamment du monde arabe, propose une autre lecture de son
Å“uvre.
«Kaf Qamar» recèle
aussi un côté témoignage. Qamar, représentante de la
gent féminine, est par moment cruelle, notamment vis-à-vis de son fils aîné. Il
est à préciser qu'elle n'a pas été gâtée par la vie. Son attachement aux
valeurs ancestrales tranche diamétralement avec les autres femmes, d'une
nouvelle génération, qui ne sont pas très voyantes sur les moyens pour
atteindre leur fin. Par ailleurs, Zaky, le fils aîné,
faisant de l'unité familiale, et partant du clan, le credo de sa vie, se voit
remis en cause par ses propres frères. Autrement dit, son droit d'aînesse sera
contesté et les relations entre les frères seront recomposées sur d'autres
formes plus objectives. Sur le plan technique, le film peut être divisé en
quatre grandes séquences. Chacune d'elles décrit la relation et par moments les
déboires entre l'aîné et un de ses frères. Evidemment, Qamar
et ce qu'elle représente constituent la quadrature du cercle. Après les
déchirements, on assistera à une nouvelle reconstitution. Le réalisateur nous a
épargné le moralisme de facilité. Zaky ainsi que
certains de ses frères, confrontés aux difficultés de l'existence, se
débrouillent comme ils peuvent en transgressant les lois. Zaky,
verse dans le trafic d'arme et de drogue, mais il est très entreprenant. Ses
activités illicites lui coûteront l'aura et les privilèges dus à son aînesse.
D'un autre côté, le film, se déroulant dans les quartiers populeux du
Caire, est très rythmé. Un rythme soutenu par une composition musicale qui ne
laisse pas de répit au spectateur. Dans ce sens, la salle du Colisée a été
pratiquement tétanisée tout au long de la projection. L'autre prouesse
technique de cette Å“uvre est la réussite du réalisateur de focaliser l'objectif
de sa caméra sur un des personnages de son film au milieu d'une foule dense. Zaky, courant derrière son frère dans une sorte de fête
foraine en est l'illustration parfaite. Bref, «Kaf Qamar», qui peut prétendre à une consécration dans ce
festival, a confirmé la place particulière du cinéma égyptien dans le monde
arabe et au niveau universel.
Moins prétentieux, le film «Majid», du Marocain
Nassim Abassi, se veut une Å“uvre en faveur de
l'enfance. Remarquons que ce sujet n'est pas une innovation dans le cinéma
marocain. «Majid», orphelin, naïf et espiègle à la
fois, se lance dans la quête d'une photo de ses parents morts dans un incendie.
Il est entraîné et entraîne avec lui le petit Larbi, vendeur
de cigarettes au détail, lui aussi à l'abandon quoique ses parents soient
toujours en vie. Dans ses pérégrinations, et lors d'un déplacement de Mohammedia
vers Casablanca, les deux enfants découvriront la cruauté de la vie dans la rue.
L'indifférence des adultes, faisant partie du petit peuple, manque de piquant
dans ce film. Larbi, décidé à se battre pour
sauvegarder son gagne-pain, au risque de verser dans la délinquance, décédera à
la fin du film. Une sorte de mise en garde du réalisateur à l'endroit des
enfants ? Par contre, Majid, réconcilié avec son
passé, après l'acquisition de la photo de ses parents, continue son aventure. Il
se glissera dans le bus menant son frère Driss vers
l'Espagne. La lenteur de certains plans dans ce film frôle l'ennui. Nassim ne s'est pas empêché de caricaturer les islamistes
new look. Au moment ou Majid est tiraillé par la faim
et vaque dans les rues de sa ville, ceux-là pinaillent sur l'existence d'un
verset coranique autorisant le hidjab. Par contre, le réalisateur nous montre
des musulmans, dans une mosquée de Casablanca, plus sensibles aux difficultés
des autres, à commencer par celle de Majid. Ainsi, le
distinguo entre un islam de plus en plus prétentieux de régir et un islam vécu
comme une démarche existentielle est établi. Sur ce plan, le message de Nassim Abassi a été saisi cinq sur cinq.
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Posté Le : 21/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com