La mise sur pied
d'un comité national de soutien au Tribunal Russel pour la Palestine en Algérie
est probablement l'un des objectifs assignés à la visite de trois jours de
Stéphane Hessel à Oran, où il a donné trois conférences, dont une consacrée à
l'institution qu'il préside.
En pédagogue, il a expliqué à celles et ceux
qui ont suivi sa conférence, donnée à la salle Mahmoud Darwich de l'IDRH,
mercredi en fin d'après-midi, la démarche du Tribunal Russel. Il a rappelé que
Jean-Paul Sartre avait présidé le Tribunal Russel pour le Vietnam et que le
déploiement de cette instance se situe sur le plan moral. N'empêche que «ce
tribunal peut faire changer la politique des USA et de l'Union européenne
vis-à-vis d'Israël», lancera t-il lors des débats qui ont suivi son
intervention. L'hôte de l'IDRH, qui s'est déclaré farouchement réfractaire au
défaitisme et au fatalisme en dépit de ses 93 ans, n'a pas caché son espoir de
voir ce tribunal moral se transformer en véritable institution où seront
traduits les criminels de guerre israéliens. Il a donné la feuille de route du
Tribunal Russel qui doit tenir très prochainement une session à Londres qui
sera suivie par une autre en Afrique du Sud et une troisième à New York. Une
première session a eu lieu à Bruxelles, rappellera-t-il.
Pour lui, l'engagement pour cette instance
reviendrait à revendiquer et consacrer le statut de «citoyen du monde». Une
telle revendication est la seule en mesure d'endiguer et de barrer la route au
despotisme et à l'autoritarisme des Etats, notamment des pays nantis. Hessel
expliquera que l'impunité dont bénéficie Israël est conséquente au soutien que
lui manifestent les USA et les pays de l'Union européenne. L'ex-rescapé des
camps de concentration nazis et co-auteur de la Déclaration universelle des
Droits de l'Homme, évoquera à plusieurs reprises son intime conviction que le
Tribunal Russel se transformera un jour ou l'autre en un véritable tribunal et
que par conséquent les militaires et responsables israéliens seront jugés
devant le TPI pour leurs crimes de guerre. Très sollicité par l'assistance,
Hessel, qui ne s'est pas ménagé lors de son séjour oranais, a répondu à toutes
les questions. Il révèlera que Abbas Hanieh, chef du gouvernement de Hamas à
Gaza, rencontré il y a moins de dix jours, lui a fait part des pressions qu'il
subit pour que la réconciliation palestinienne n'aboutisse pas. Bien
évidemment, il ne s'étalera pas sur cette question. Il qualifiera la position
du président français Nicolas Sarkozy, qui se déclare ami d'Israël et fervent
partisan de la solution des deux Etats vivant en paix côte à côte, de «position
de ne pas se compromettre». «Sarko se défile», lancera-t-il sur un ton empreint
de sarcasme. Examinant la situation qui prévaut dans la région du Moyen-Orient,
il dira: «Le but d'Israël est le statu quo», alors que «notre but à nous est de
faire bouger les choses». Abondant dans ce sens, il ajoutera: «Il y a des
modifications qui se font sentir», en pensant au rôle et au poids de la Turquie
dans cette partie du monde. En rappelant quelques faits, tels la condamnation
par la Cour internationale de La Haye du mur érigé dans les territoires
palestiniens, l'apparition de nouveaux historiens en Israël qui remettent en
cause la lecture dominante de l'histoire de la région, Hessel constatera que «le
camp israélien est devenu moins fort ses trois dernières années». Mieux, il
estimera que «le peuple peut changer et se résoudre à la paix s'il perd le
soutien de la communauté internationale» et «si le gouvernement israélien cesse
d'être l'otage des colonies». Dans ce sens, Hessel laissera transparaître sa
déception de la politique de Barak Obama qui avait nourri quelques espoirs
d'équilibrer la politique de son pays dans la région du Moyen-Orient. Hessel,
fidèle à son passé d'ancien diplomate, défendra l'ONU, pourtant taxée de
laxisme et d'impuissance vis-à-vis d'Israël. «Ne rejetons pas l'ONU.
Apportons-lui notre concours», prévient-il, parce que «le jour où les 5 plus
grands Etats du monde, membres du Conseil de sécurité, cesseront d'apporter
leur soutien à Israël, la situation changera de fond en comble».
Il estimera que l'ambition de certains pays
émergents d'avoir un siège permanent au niveau du Conseil de Sécurité prélude
les changements à venir. D'ailleurs, pour Hessel, le Tribunal Russel,
en mobilisant l'opinion mondiale contre la propagande israélienne, veut
participer à ce changement. Un changement qui permettra aux enfants de Gaza de
pouvoir jouir librement de la mer, droit élémentaire dont ils sont privés par
les forces israéliennes actuellement. Stéphane Hessel, qui a été présenté à
l'assistance par Mohamed Bahloul, Mohamed Ben Salah et Brahim Snouci, rejettera
d'un revers de la main tous les qualificatifs qui lui ont été attribués en
disant: «Je suis un simple diplomate qui ose parler librement parce que je ne
suis plus soumis à l'obligation de réserve».
Mais son passage à l'IDRH s'est terminé en
beauté: par la poésie, les cadeaux et les accolades. Retenons quand même cette
phrase de Mohamed Bahloul à l'adresse de l'auteur de «Indignez-vous». «Merci
Hessel. Nous sommes les invités de ton idéal».
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Posté Le : 06/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com