Stèle dédiée aux martyrs

C'est le totem de Koh Lanta de la célèbre émission de jeu et d'aventure de TF1, disent certains ; un phare qui dirige les bateaux en mer, pour d'autres ; le bon sens populaire l'a affublé du nom de bougie. La bougie, puisque c'est cette dénomination que retient la vox populi, c'est ce monument érigé à l'entrée ouest de la ville de Tizi-Ouzou. Bienvenue au mémorial des 20 000 martyrs de la wilaya de Tizi-Ouzou, zone une de la glorieuse wilaya III historique !Saà'd Aà't Mébarek - Tizi-Ouzou (Le Soir) - Sensé être un lieu emblématique de la ville, sa mémoire visuelle et patrimoniale, sa marque de fabrique urbaine susceptible d'étonner le touriste ou d'émouvoir le badaud, cet ouvrage monumental fait l'objet de commentaires caustiques. Des quolibets à peine nommables ! On a beau interroger son identité visuelle, ce monument est artistiquement inclassable, un OANI, objet artistique non identifié !Offert à l'œil du passant sur l'espace public, tout ouvrage monumental ou de travaux publics (pont, viaduc, bâtiment) est perçu de la même manière qu'une opinion livrée à la discussion de café du commerce. C'est-à-dire, de la façon la plus triviale. Erigé sur le toit de la trémie, à l'entrée ouest de la ville, l'édifice monumental appelé communément La Bougie repose sur un socle en béton armé serti de plaques de marbre sur lesquelles sont gravés les noms des 20 000 martyrs de la révolution que compte la wilaya de Tizi-Ouzou.De forme cylindrique entouré par une ligne sous forme d'un serpentin et prolongé au sommet par un dème en verre illuminé de nuit, le mastodonte de fer est pavé de petites figurines, sorte d'enluminures aux formes incrustées qu'on ne peut distinguer de loin. En art, pour tout objet sculpté, peint ou architectural, l'esthétique, la beauté doivent aller de soi et sauter aux yeux. Ils doivent étonner, émouvoir et susciter des émotions. On a donc l'appréciation qu'on peut. Mais que peut donc «La Bougie» quelle est sa plus-value sur les plans esthétique et symbolique pour une ville comme Tizi-Ouzou ' Simple élément d'esthétique urbaine, le seul mérite de ce mastodonte de fer et de béton armé au statut diffus d'œuvre monumentale est de combler un vide dans un espace jadis livré à la saleté et aux chiens errants. Quelle empreinte cérébrale laissera-t-il dans la tête du visiteur étranger : s'en ira-t-il en disant : «Ce monument est emblématique de la ville de Tizi-Ouzou» ' Si La Bougie participe, un tant soit peu, à l'embellissement de l'espace urbain, elle ne peut prétendre à restituer son histoire, sa mémoire patrimoniale. Sa plus value économique est presque nulle car d'une attractivité touristique improbable.Au-delà des critères plastiques qui la sous-tendent, de la perception du beau et du laid par le regard auquel elle s'offre, une statue ou une structure monumentale ne vaut que par la charge symbolique et les sens qu'elle déploie. Ainsi, la ville de Calais est connue par ses célèbres statues «Les Bourgeois de Calais» sculptés par Auguste Rodin. Åœuvre entamée par l'artiste en 1884 et achevée en 1889, ce monument réfère à un événement historique qui remonte à 1347.Les statues sont érigées en hommage et pour glorifier le patriotisme de certains notables de cette ville portuaire française, Calais, qui s'étaient faits volontairement prisonniers pour mettre fin au siège de leur ville imposé par les Anglais pendant la guerre de cent ans.«Le Manneken-Pis», étonnante statue en bronze d'un petit enfant urinant dans une cuvette (fontaine), érigée il y a plus de 400 ans, est le monument le plus visité de Bruxelles. De même que la ville de Tombouctou, au Mali, est célèbre par sa mosquée. Il serait peut-être prétentieux de pousser la comparaison jusqu'à Paris et sa Tour Eiffel ; à New York et sa statue de La Liberté.