Algérie

Statut de la fonction publique Entre l?inexpérience et l?empressement


En déclarant avoir pris «des mesures exceptionnelles» pour appliquer la nouvelle grille des salaires et avoir mené la réforme de l?école «dans la précipitation», le gouvernement vient d?avouer publiquement que pour régler d?importants dossiers, il procède par coups de bluff pour blouser un peuple bien blasé par les effets d?une mauvaise gouvernance. Ni la direction de la fonction publique, ni la chefferie du gouvernement, encore moins la centrale syndicale ne savent, exactement, de quoi il s?agit, quand le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Abderrachid Boukerzaza, fait savoir que des mesures exceptionnelles ont été prises pour appliquer la nouvelle grille des salaires. Annoncée en grandes pompes, au début de l?année dernière, les augmentations des salaires n?ont pas été à ce jour, traduites concrètement dans les fiches de paie des fonctionnaires. Ce qui n?empêchera pas le chef du gouvernement de les rappeler à chaque fois qu?il en a l?occasion, en insistant sur le fait qu?elles sont applicables à partir du 1er janvier 2008. Pour sa part, le secrétaire général de l?UGTA a eu à expliquer, bien plus tard, que ces augmentations ont un effet rétroactif et ce, quel que soit le temps que prendra la finalisation des statuts particuliers. Pour justifier ce manquement à ses engagements, le gouvernement distille, par le biais de la centrale syndicale, des propos comme «le dossier de la fonction publique est un dossier lourd, complètement obsolète puisque datant de 1985, tout autant que les statuts particuliers dont le dernier a été élaboré en 1995». Et «obligatoirement, il y a des circuits qu?on ne peut éviter de prendre dans le processus d?adaptation de tous ces textes aux réalités du monde du travail». On fait savoir qu?il n?y a pas moins de 44 statuts particuliers à finaliser pour pouvoir faire bénéficier les fonctionnaires de ces augmentations des salaires. Si le travail est aussi laborieux et intense, pourquoi, dans ce cas, les avoir annoncées avant de leur mettre en place le socle permettant leur applicabilité? Interrogeons-nous. «Je n?ai pas de réponse à donner!». Une réponse presque sèche pour probablement éviter de montrer que notre interlocuteur syndical est véritablement dans l?embarras. Une autre réponse, celle-là sur les bouts des lèvres «la nouvelle grille des salaires oblige à revisiter l?ensemble des statuts particuliers pour un temps T!», sans en préciser la durée. Voilà qui est loin d?expliquer la précipitation du gouvernement à annoncer des augmentations de salaires. L?on peut constater, cependant, qu?il a voulu apaiser un front social par un coup de bluff, sans en mesurer les conséquences. «Nous n?avons pas d?expérience» Mieux, ce n?est pas la première fois que le gouvernement fait dans la précipitation, même au risque de sacrifier des générations. Les responsables du secteur de l?éducation nationale ont reconnu, hier publiquement, l?avoir fait en leur âme et conscience. Ils avouent, sans remords aucun, qu?ils avaient décidé d?engager la réforme de l?école alors «que nous n?avions pas d?expérience dans le domaine». L?explication implicite donnée à cette précipitation pour la réforme d?un chantier essentiel dans la constitution des élites d?un pays est que «nous avons franchi l?étape politique, nous pouvons maintenant évaluer le travail et réviser les manuels scolaires». La réforme du système éducatif a donc réussi à survivre aux résistances et aux blocages d?un système politique inculte. Pour cela, ses initiateurs ont préféré gagner du temps en la mettant en application sur seulement 4 années alors qu?elle en exige 12. «Nous avons procédé ainsi parce que nous avons jugé qu?au lieu de la faire en 12 ans, c?est-à-dire d?une manière graduelle sur les différents paliers, nous l?avons appliquée en 4 ans et à l?ensemble des paliers. Le choix a été douloureux mais il a été fait», disent les responsables du ministère qui reconnaissent avoir laisser passer dans les manuels scolaires des erreurs techniques, scientifiques et idéologiques. Le constat de cette précipitation n?est pas reluisant. Il prouve, en premier, que l?Etat fait dans la politique spectacle à chaque fois qu?il en a envie et surtout besoin. Pis, les dégâts sont importants en matière de formation de ressources humaines quand on comprend de par ces propos que les élèves de l?école fondamentale traîneraient des lacunes que le système éducatif actuel n?est pas en mesure de corriger. Il est clair qu?une réforme entreprise de la sorte, non seulement donne de mauvais résultats mais fait perdre du temps, des énergies et de l?argent au pays. Les parents d?élèves doivent savoir qu?ils seront en outre, obligés d?acheter de nouveaux manuels scolaires pour tous les paliers d?éducation parce ceux actuels sont bourrés de fautes donc non valables pour la prochaine année scolaire. Leur utilisation durant l?année en cours ne semble poser aucun problème... de conscience. La formation par la motion de soutien D?ailleurs, les responsables du secteur ne s?en cachent pas d?avoir éditer 100% de livres scolaires même s?ils savaient, dès le début, que ces livres contenaient d?importantes erreurs de tous types. «L?éducation n?a pas de prix», soutiennent-ils. De tout ce gâchis, ils en tirent quand même une grande satisfaction, «des experts internationaux se sont étonnés que nous ayons fait tout ce travail en un temps aussi court. D?ailleurs, le ministre de l?Education nationale a été le premier à être décoré par l?Unesco pour avoir mené une telle réforme, une première dans le monde», ont-il affirmé. N?est-ce pas le même ministre qui pour répondre aux revendications des lycéens, les a assurés qu?ils leur donnera un quart d?heure de plus pendant l?examen du baccalauréat? Une «mesure» qui n?a rien d?une réforme mais qui n?a dérangé aucun pédagogue, de l?Unesco soit-il! El-Hadi Khaldi a fait mieux. Ce ministre de la Formation professionnelle a réuni, la semaine dernière à Alger, près de 1.500 stagiaires venus de l?ensemble du territoire national pour leur parler de réforme. Mais pour clore les débats sur les changements dont a besoin le secteur, les responsables ont fait monter un jeune garçon à la tribune pour qu?il lise «au nom de tous les stagiaires du pays» une motion de soutien au président de la République et à un troisième mandat. Il est parfois des situations qui font tellement mal qu?on en rit. Les jeunes eux, sont repartis après s?être sentis blousés, comme tout le peuple, par des responsables dont le métier de base est la courtisanerie même en temps de crise. Certains d?entre ces jeunes ont rouspété à voix basse, certes. «Nous ne sommes pas venus pour signer une motion de soutien au président mais si nous le disons à voix haute, ils appelleront nos responsables des centres de formation pour ne pas nous donner nos diplômes». Amère réalité.


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