C’est un monde en suspens que j’aimerais vous décrire, un microcosme gorgé de lumière et blotti dans un village d’Akbil, du nom d’Ath Ouavane. En ce lieu fait de chemins qui montent et de chemins qui descendent, on observe les façades nues et rugueuses de montagnes placides entrecoupées de vallons clairs, et l’on gravite autour d’une place que regarde un homme gris, les poings liés dans le dos. Et si vous vous êtes égarés, tournez vous vers Kateb Yacine qui saura vous guider : d’un geste de sa plume, il vous indiquera le ciel et vos yeux, alors, croiseront, accrochés à un fil, des dizaines de souliers joliment décorés. Sinon, laissez-vous simplement guider… et prenez part à la grande toile qui s’y trame ! Car, là, se tisse une histoire millénaire, intergénérationnelle, interculturelle, faite de contes, de chants et de dialogues, de lignes tracées au charbon, de marques de doigts sur un mur qui prend la forme même des mains qui l’ont paré. Joignez vos bras à ceux déjà présents de cinéastes, romanciers, journalistes, poètes, acteurs, plasticiens, à ceux des hôtes dont le cœur est immense, aux faiseurs de vie et aux chanteurs, nourrissez-y vos âmes, de jeux de pierre et de rire, de mots mutins et de livres, de galette chaude et de lyre, d’eau fraîche d’une fontaine qui mérite le détour… Il vous suffira d’errer, suivre le parcours du soleil sur les photographies accrochées de scènes de vie, sur les fresques murales grandissantes, sur les tableaux en biais, sur la cour de récré d’où s’échappent les rires adroits de grands échassiers, il vous suffira de vous laisser transporter entre les maisons par le rythme d’un tbel répondant aux krakeb, écouter l’homme à la guitare qui accompagne la flûte traversière, et quelque part près du mausolée habité par des fantômes et des personnages échappés d’un grimoire, rêver sous le croissant de lune à la lente mélopée d’un accordéon ou d’un nyckelharpa. A la nuit tombée, une procession de bougies viendra déchirer les ténèbres, éclairant, brièvement, les tresses noir et or, les foulards bariolés, les peintures des corps, les coiffes, les perles et les plumes. Chaque recoin cache un secret, il suffit d’entrer dans la mosquée dont la voix n’appelle plus à la prière pour connaître le programme. Dans cette salle, on honore Mouloud Mammeri, ailleurs, on lit de la poésie catalane, là, on tatoue les peaux de souvenirs indélébiles, ici, on voyage avec Isabelle Eberhardt, là-bas, on débat sur les grands morts qui marquèrent les vivants et on cultive à l’unisson la lumière pour faire fuir les ombres. Était-ce un songe ou les élucubrations d’un groupe d’artistes dont le projet fou prend de plus en plus d’ampleur ? Si vous voulez le savoir, rendez-vous l’année prochaine à Thiferdoud, durant la saison des cigales qui fredonnent …
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Posté Le : 11/08/2017
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Lynda HANDALA
Source : lavoixdalgerie.com