Nezzar est passé à Blida devant le même tribunal militaire que Louisa Hanoune. Ayant le privilège des VIP, les caméras étaient éteintes ou regardaient ailleurs, zoomant probablement sur une prochaine victime à humilier publiquement. Nous n'avons pas vu en boucle son arrivée, sa montée des marches et les portes qui se referment sur lui comme un livre d'histoire se referme sur une sale guerre. Et c'est normal, c'était un témoin. Comme Louisa, d'ailleurs.Et il a été entendu, comme témoin, toujours. Et comme témoin, il est ressorti. C'est normal aussi. Mais pas Louisa. Elle, n'est pas ressortie. Et ça, c'est un peu moins normal.
Qu'a pu dire Nezzar au juge ' Il a certainement dû répéter la même histoire, celle qui a d'ailleurs accéléré l'arrestation de Said Bouteflika et le retour d'Algérie patriotique, le site du général, moins d'une semaine après avoir fait ses adieux au journalisme et annoncé une fermeture définitive de son site.
Nezzar, sentant le vent tourné, a mis un mois pour rendre publique ses conversations avec Said, là où Zeroual a mis seulement 24 h pour dénoncer Tewfik et provoquer ainsi une tempête. Quant à Melzi, le président de Club des pins, lui, a mis seulement quatre minutes pour donner tous les enregistrements et dénoncer tout le monde et avouer tout ce qu'il savait et même ce qu'il ignorait encore. Les hommes du pouvoir ne sont pas égaux dans le jeu de la balance. Chacun son poids.
Nezzar a donc tout balancé avant même qu'il ne soit entendu par un juge, ne l'oublions pas. Il avait publié une lettre dans laquelle il avait restitué, dans les moindres détails, ses échanges téléphoniques avec le conseiller-roi de Bouteflika 1er, rappelant une discussion privée où l'ignoble Said lui chuchotait au creux de son oreille sa volonté de mettre en place un état de siège ou un état d'urgence (il hésitait encore), comme ultime solution à la crise politique. Et Nezzar, outré, lui a même déconseillé cette aventure meurtrière, lui suggérant, en homme avisé et d'expérience, d'écouter la volonté du peuple, seule source de légitimité. C'est vrai que le conseil est d'une justesse remarquable. Ne soyons pas de mauvaise foi.
Mais peut-être faut-il rappeler aussi que Nezzar, celui qui dénonce le projet sordide de Said, a tout de même à son actif et dans son palmarès : Deux état de siège (le premier lancé au lendemain du 5 octobre 88. Il est sorti de sa caserne avec des chars, des blindés et des armes de guerre pour lutter contre la colère des mains nues. Le bilan fut désastreux. Plus de 600 morts. Sans parler des blessés et des estropiés. Je ne veux même pas rappeler cette souillure que fut la torture, pratiquée à outrance contre des adolescents et des militants politiques?)
Donc, récapitulons, le général Nezzar, offusqué par les projets irresponsables du clan Bouteflika a lui-même à son actif :
? deux états de siège (1988 et 1990 pour destituer Hamrouche)
? un état d'urgence qui a duré plusieurs années
? un coup d'état contre le président Chadli
? une interruption de processus électoral.
? Et une petite guerre civile?
J'ai parfois la triste impression que nous ne produisons pas que du pétrole. Nous produisons aussi de l'amnésie et du révisionnisme en temps réel. Alors parfois il est nécessaire de se faire des petites piqures de rappel. Toutes petites. Sans haine. Sans colère. Juste pour ne pas oublier davantage. Tout juste ça.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 15/05/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Semiane Sid Ahmed
Source : www.lequotidienalgerie.org