Algérie

Souvenirs avec Kaci Tizi Ouzou



Souvenirs avec Kaci Tizi Ouzou
Un Grand s'en vaParler d'un comédien de sa stature ne constitue pas sans doute une sinécure.Surtout lorsqu'il s'agit du moment où un tel monument vient de disparaitre. Evoquer une figure gigantesque du petit écran algérien n'est guère une chose aisée. Mais comment se retenir de parler de lui au passé quand on a eu le privilège de partager plusieurs heures avec lui un certain printemps de l'année 2007.C'était dans un hôtel, à Bordj Bou Arréridj, à l'occasion d'un spectacle animé par l'un des plus talentueux chanteurs algériens d'expression kabyle, Farid Ferragui. Au moment de prendre le dîner, nous aperçûmes, en face, pour la première, et la dernière fois hélas, cet homme gigantesque avec sa moustache légendaire qui lui barrait la moitié du visage, et faisait de l'ombre à son sourire éternel, tellement émus de nous retrouver en face de Kaci Tizi Ouzou, de manière inopinée, l'idée de lui tendre le dictaphone pour l'interviewer n'a pas effleuré notre esprit.Nous étions tellement pris à l'écouter parler et surtout se raconter avec un sens de l'humour spontané et naturel que les jeunes comédiens d'aujourd'hui auraient sans doute du mal à pouvoir détenir! C'est dire que Kaci Tizi Ouzou avait cet art de décrisper l'atmosphère dans le sang. La rencontre qui a pratiquement duré toute la soirée a été rehaussée par la présence de Farid Ferragui. Une «table ronde» où la parole a été monopolisée naturellement par Kaci Tizi Ouzou, car qui pouvait oser l'interrompre, cet orateur volubile qu'on écoute, des heures durant, sans se lasser. Il s'agit d'un souvenir immuable. Comme si cela datait d'hier, comme l'écrirait Mouloud Feraoun. Son livre de souvenirs venait de sortir. Il en a ramené des tas d'exemplaires auxquels il n'hésitait pas à faire sa promotion.Dans la grande salle de réception de l'hôtel, de nombreux admirateurs de Kaci Tizi Ouzou n'ont pas hésité à s'approcher de lui pour se prendre en photo, mais aussi pour acheter l'autobiographie de Kaci Tizi Ouzou, avec une dédicace aimablement tracée sur la première page du livre. Lors de l'inoubliable discussion, nous avons aussi été agréablement surpris par la spontanéité avec laquelle s'exprimait l'artiste, réellement immortel, n'hésitant pas à nous parler de tout et de rien, même de sa vie privée parfois avec moult détails, nous qui n'étions pas ses amis intimes, juste des admirateurs et des Algériens comme lui. Le décès de Kaci Tizi Ouzou est une page difficile à avaler car les Algériens de ma génération, surtout les Kabyles, avions été marqués de manière particulière par ses prestations.Quand la langue amazighe était interdite d'antenne durant pratiquement toute la décennie 1980, Kaci Tizi Ouzou constituait en quelque sorte une bouffée d'oxygène et une infime fenêtre, car même s'il ne s'exprimait pas directement en kabyle, il avait le talent de trouver un stratagème qui lui permettait d'insuffler l'âme de la langue kabyle à tous ses dialogues.Ce fameux accent kabyle, arraché avec courage et audace, était une fort belle manière de militer pour la cause identitaire amazighe, à une époque très difficile que les jeunes d'aujourd'hui ne connaissent pas et qu'ils ne pourront pas imaginer, vu qu'actuellement tamazight est enseignée et qu'une chaîne de télévision étatique diffuse intégralement dans cette langue, jadis exclue et indésirable. Le mérite de Kaci Tizi Ouzou, c'est également celui d'avoir choisi le nom de la ville des Genêts comme nom artistique, lui qui est originaire de l'autre côté de la Kabylie, Beni Ouartilane. Kaci Tizi Ouzou ne se raconte pas dans un article. Il représente à lui seul un pan de la culture algérienne, une véritable école.C'est pourquoi, dire aujourd'hui qu'il est décédé est un mensonge. Il a juste pris sa retraite. Mais il continuera à écumer le petit écran et nous à rire. En attendant, pleurons pour un moment, cette disparition physique mais juste un peu, car Kaci Tizi Ouzou a choisi la voie du rire.




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