Algérie

Souvenir : Coups de ciseaux d'hier et d'aujourd'hui



Il fut de tous les peines et joies du quartier. On lui attribue les qualités de confident, de boite aux lettres, de relais du temps de la révolution. Lui, l’artiste, qui a tant donné pour faire vibrer le quartier sous ses succulents récits. Il est de tous les événements, Figaro l’a bien cerné dans « Le barbier de Séville », ville qui a enfanté les meilleurs Halaks ou Hajam andalous. L’inspiration de nature historique s’est développée au fil du temps pour mettre la belle de Cadix sur le balcon à portée d’une romance sur fil de rasoir. Aujourd’hui, tout a changé. Pourtant tout est resté le même. Dans l’une des ruelles de Souk El Djemaâ dans la basse Casbah, trône une minuscule boutique centenaire qui en a vu passer des générations de coiffeurs ! Ils viennent tous de la même école, celle de maître Badaoui. Après tant d’années de joie prodiguée dans les cours de maisons lors de circoncisions, le vieux Badaoui passa le flambeau à une nouvelle génération éprise de son art. N’est pas coiffeur qui veut ! Car, il lui faudra d’abord avoir une vaste culture pour accompagner sa coupe au rasoir, d’un récit, d’un conte ou encore d’une chanson, à faire frémir les clients. Il est le maître de cérémonie, en lui tendant la tête, il sait exactement à quel style de coupe se vouer. Pour les anciens et connaisseurs, il y a tout d’abord le style Marlon Brando, d’autres plus orthodoxes préfèrent celle de Jacques Dempsey qui devint la coupe brosse à la marine. Dans tout ce magma de fantaisies, intervient la gomina pour plaquer les cheveux à la mode gitane, ou encore une brillantine sur les tempes pour laquer le tout. Ils sont nombreux à se souvenir de la place Mahon, le salon des sports de feu Hadj Mrizek, où l’on venait se faire couper les cheveux à l’ancienne. Dans chaque coin de rue, il y avait un coiffeur. C’est à la doigté et au coup de rasoir qu’on reconnaît la griffe du barbier. Engoncé dans sa blouse blanche, il vous frictionne la tête d’une lotion bien connue de chez nous, du «ploum ploum» ou de la Pompei ou encore un «Rêve d’or» pour terminer. A ce jeu de parfum, le coiffeur passe pour être maître de séduction. Il arrive même à vous arroser du philtre magique des samedis soirs. Il a fait partie de ces grands artisans qui ont servi la citadelle dans ses plus beaux moments de joie. A la veille de toute cérémonie ou fête, il nous revient encore pour régner sur un monde féérique. Ils seront nombreux les bambins à se faire leur toute première coupe sous la clarté des bougies. Aujourd’hui, les salons de coiffure hommes ne répondent plus aux normes. On y vient juste le temps d’une coupe. En chien de faïence, sans broncher, on attend son tour. Le Matchmaker que fut jadis le coiffeur n’est plus qu’un robot comptant le nombre de coups de ciseaux passés derrière la nuque. Ainsi se meurt le tout dernier des barbiers.


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