Algérie

Sous les ruines, encore des calculs



Sous les ruines, encore des calculs
Les combattantes FDS à Raqqa, jeudi dernier, sous le portrait d'Öcalan, le leader du...PKKLes FDS ont annoncé que Raqqa ferait partie d'un «pays décentralisé et fédéral», quelques jours après la débâcle des peshmergas à Kirkouk...De quoi irriter fortement aussi bien le gouvernement syrien que la Turquie en guerre contre le PKK et...ses ramifications régionales.
Mis à part l'enthousiasme des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui viennent de chasser Daesh de Raqqa avec le soutien de la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis, on ne peut pas dire que le vent est à l'optimisme au sein des tribus arabes de la province qui ressentent cette présence comme une «nouvelle occupation». Il aura fallu quatre mois de combats féroces pour que les FDS parviennent à chasser les forces du groupe terroriste, s'octroyant une parade victorieuse en hommage à leurs 300 combattantes, porteuses d'un immense drapeau représentant Abdullah Öcalan, une figure honnie par la Turquie voisine qui considère tout ce qui touche de près ou de loin au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme un groupe terroriste au même titre que l'EI. Il se trouve que les FDS sont composées de combattants kurdes de la branche armée du PYD, frère jumeau syrien du PKK, alors que la province nordique de Raqqa est en grande partie arabe. La victoire des Kurdes syriens, mais aussi turcs et irakiens affirment certaines sources, a fait naître des craintes de plus en plus fortes quant à un éventuel changement démographique tributaire de déplacement des populations. Le drapeau Öcalan a achevé de semer la panique, même si les FDS s'évertuent à clamer leur différence avec le PKK et ont préféré ajourner le transfert de la gestion de la ville au conseil civil mis en place six mois auparavant.
Pour l'instant, l'urgence est ailleurs car Raqqa est totalement détruite. Un vrai champ de ruines, à perte de vue, au point que les Etats-Unis ont fixé comme «priorité» de commencer sans tarder la reconstruction des édifices. Moscou a d'ailleurs réagi à cette décision en ironisant sur le lifting que la coalition se voit contrainte de faire pour «masquer l'ampleur des dégâts qu'elle a occasionnés dans une région où des milliers de civils ont péri» au cours des bombardements contre l'EI. Mais comme il n'y a pas de fumée sans feu, les FDS ont annoncé dans un communiqué que la province de Raqqa ferait partie d'une Syrie «décentralisée» et «fédérale» tandis que son «avenir sera déterminé par ses habitants responsables de leurs propres affaires». Autant dire qu'ils mettent la charrue avant les boeufs en anticipant sur ce que voudront les Syriens, tous les Syriens, dans un cadre unitaire et affranchi de toute dépendance.
La solution fédérale, pour aussi séduisante qu'elle puisse paraître, est pour le moment une vue de l'esprit car la guerre n'est pas encore finie, Daesh étant certes vaincu mais pas encore balayé. En outre, tous les signes montrent que son activisme va sans doute muer pour passer de l'action strictement militaire à celle de tous les mouvements terroristes comme Al Qaïda, usant d'attentats kamikaze et de voitures piégées notamment.
Ni Damas ni Moscou ne se sont pour l'instant prononcés à ce sujet, sinon pour déplorer l'état catastrophique dans lequel se trouve cette ancienne cité radieuse qui comptait 300.000 habitants avant l'attaque de Daesh suivie des raids de la coalition internationale. Le silence est parfois plus éloquent que toutes les proclamations, surtout quand elles interviennent dans un contexte aussi particulier que celui de la débâcle des Kurdes irakiens, au lendemain de leur référendum d'indépendance désapprouvé par la communauté internationale. On sait ce qu'il est advenu de leurs aspirations conquérantes sitôt que l'armée irakienne, pourtant encore en convalescence, a décidé de récupérer Kirkouk et les champs pétrolifères dont a grandement besoin l'économie irakienne.
Apparemment, la leçon n'a pas été perdue pour tout le monde. Les FDS, un temps triomphalistes, ont vite fait d'adopter un profil bas et de prôner un fédéralisme protecteur dans une région où ils se savent pertinemment minoritaires, d'une part, et sous la menace pressante de la Turquie voisine qui ne veut, en aucun cas, entendre parler d'une entité kurde à ses frontières, d'autre part.
D'où l'obligation de tempérer leur ardeur et de ne point insulter l'avenir, sachant que tôt ou tard, le face-à-face avec l'Armée arabe syrienne, occupée actuellement par la reprise de Deir Ezzor, s'imposera avec toutes les conséquences possibles et imaginables. Une chose est sûre, le prétendu Rojava, sorte de Kurdistan syrien constitué des cantons de Afrin, Jazira et Kobané, est déjà sous l'oeil du cyclone sans qu'on sache, pour l'instant, si les vents violents vont venir de Damas ou d'Ankara...


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)