Algérie

Souk-Ahras Les taxis clandestins, illicites et utiles



Combien sont-ils,en fait, les taxis clandestins à écumer les rues et ruelles de la ville deSouk-Ahras ? Des dizaines? Des centaines ? Des milliers ? On ne le saurapeut-être jamais. Et pour cause : évoluant à l'ombre de la loi, leur nombre estpratiquement impossible à cerner avec exactitude. Ce qui est sûr, en revanche,c'est que les taxis clandestins pullulent à vue d'oeil, dans une impunité quasiabsolue. Les premiers pas de cette activité parallèle, informelle, et surtoutillégale, étaient très timides. Elle se limitait à quelques intrépidesaventuriers qui osaient défier l'Etat, en s'adonnant au jeu risqué du chat etde la souris, avec les agents de l'ordre public qui ne rataient, pour leurpart, aucune occasion pour les verbaliser avec, en fin de course, le spectredésespérant de la fourrière. C'est dire qu'il n'était pas du tout aisé detitiller l'orgueil de la République et de ses bras séculiers sans s'exposer àses foudres.Aujourd'hui, ilen va autrement. Les choses ont évolué dans un sens giratoire vertigineux. Plusnombreux que jamais, moins frileux et mieux organisés, les taxis clandestins sesont imposés à tous comme incontournables. Implantés au départ dans leur QG detoujours, la route de Tébessa, ils ont aujourd'hui décrété, eux-mêmes, denouvelles zones d'extension. Pour jouir des services d'un «clandestin», il n'ya qu'à aller à la placette des Martyrs, située au coeur de la ville (preuvesupplémentaire qu'on ne se cache plus) ou mieux encore à l'intérieur descités-dortoirs. Là, les «fraudeurs» affichent une disponibilité à nulle autrepareille. Et c'est là, fort justement, le côté platonique de l'histoire.Décriés comme peuvent l'être des hors-la-loi, vilipendés comme des malpropreset dénoncés à tout bout de champ, les taxis clandestins n'en sont pas moinsassidus, sérieux et honnêtes pour la plupart d'entre eux. C'est ce qui expliquedans une large mesure, le contrat de confiance qui les lie aux citoyens. Descitoyens qui les préfèrent de très loin aux taxis dits légaux qui rechignenteux à transporter le client à l'endroit de son choix.Le clandestin,dont le profil a bigrement changé puisqu'on retrouve des cadres désenchantés dela fonction publique, des enseignants, des travailleurs compressés et biend'autres représentants de la société, ne s'embarrasse pas, lui, de ce genre deconsidération. Aligné sur le prix officiel de la course effectuée à l'intérieurdu périmètre urbain, il est parvenu à fidéliser une clientèle composée le plussouvent de familles qui disposent de son numéro de portable et n'hésitent pas àfaire appel à ses services à toutes les heures de la journée. Et c'est là où sesitue la différence avec les taxis jaunes qui désertent très tôt les stations,cédant le pas à leurs officieux homologues qui n'en demandent pas tant. En fait,ils comblent un vide laissé par les professionnels du secteur, à qui il arrivesouvent de snober l'usager, en refusant de l'emmener là où il veut, sous leprétexte fallacieux que telle zone ou telle autre ne sont pas carrossables.Peut-on, dans ces conditions, blâmer le clandestin et lui reprocher sonengagement et sa disponibilité indéfectibles ? Certainement pas. Alors autanttrouver une parade pour légaliser cette activité et permettre ainsi à ceuxparmi les transporteurs qui souffrent du chômage, de gagner honnêtement leurvie, en contribuant à rendre celle des usagers plus facile. Et si l'on se situesur le terrain de la légalité, gardons-nous d'aller très loin dans le procèsfait aux taxis clandestins, car ils sont de plus en plus rares, les Algériensqui ne recourent pas aux activités clandestines pour améliorer leur train devie. Interrogez, à ce propos, le chirurgien qui fuit l'hôpital pour des piges àla clinique privée, l'ingénieur qui s'adonne, au sortir de son travail, à destravaux domestiques chez autrui, le comptable rétribué par l'Etat qui rejointdès 17 heures, le bureau d'un privé pour prendre la relève et perpétuer leservice, l'enseignant qui donne des cours particuliers sans payer un rond auxinstances fiscales... Tout cela pour dire qu'il ne sert à rien de stigmatiserune catégorie et de passer l'éponge sur beaucoup d'autres coupables pourtant dela même infraction et passibles, partant, de la même peine. En Algérie, il y alongtemps que la frontière entre le licite et l'illicite s'est amenuiséejusqu'à devenir invisible, ce qui explique qu'il y a tant d'écart entre le vraiet le faux, le réel et l'illusoire. Entre, en fait, la pureté de l'original etl'impureté de la copie.


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