Algérie

Souk-Ahras, Le dernier des «Mohicans»



Le tout dernier représentant, encore en vie, de la vénérable Association des oulémas musulmans établi à Souk Haras, est décédé, vendredi, à l’âge de 95 ans. Tayeb, un prénom taillé sur mesure pour cet homme charismatique qui respirait de son vivant la vertu et l’authenticité, Slimani de son nom de famille, était né en 1911 à Batna. Son engagement libre et volontaire, au début des années 1930, au sein de l’Association dirigée de main de maître par feu Abdelhamid Benbadis, l’amena à quitter tôt son patelin pour sillonner le pays en long et en large, en missionnaire de l’éveil des consciences et de fouetteur des âmes assoupies. A Souk Ahras, où il s’installa au milieu de la Deuxième Guerre mondiale, il se distingua par une débauche d’énergie inégalée qui le mit inévitablement et systématiquement dans l’oeil du cyclone colonial lequel lui réserva un traitement spécial, conforme, en tout cas, à l’aura cultivée auprès de la population locale, ainsi qu’à sa carrure morale. Il en souffrit terriblement. Mais en bon Chaoui qu’il était, jamais il ne plia. Cette pugnacité et cette détermination admirable ne cadraient pourtant nullement avec son frêle physique de bout d’homme. Mais qu’à cela ne tienne ! «Ammi Tayeb» savait bien, pour l’avoir régulièrement enseigné à ses élèves, que la véritable grandeur est celle de l’esprit. Et en matière d’esprit, il en avait à revendre, le grand homme qu’il était. Cumulant à bon escient la double activité d’imam de mosquée et d’instituteur de langue arabe, il eut sous la main une pléiade de disciples dont certains brillent, à ce jour, au firmament du Savoir et de la Connaissance, à la tête d’institutions nationales et même internationales. Le secteur de l’éducation qu’il investit à l’orée des années 1940, pour une riche collaboration de 40 ans, en tira le plus grand profit. Au retour, en revanche, il le lui rendit de la pire des manières. A l’appui d’une décision administrative émanant en 1995 des services communaux de Souk Ahras, le pieu, l’honorable Monsieur était prié sans aucune forme de procès d’évacuer manu militari le logement de fonction qu’il occupait avec ses enfants depuis des décennies. Une mesure froide, prise sans états d’âme, sans égards pour la dimension intellectuelle et humaine du destinataire qui lui fit terriblement mal tant et si bien qu’il en pleura amèrement. Lui n’était pas contre le principe d’évacuation, somme toute naturelle et légitime (quoique...), des lieux, mais c’était la méthode convoquée pour ce faire, qui provoqua sa peine et son affliction profondes. Vaincu par l’ingratitude, l’ignorance et le mépris affiché toute honte bue à l’égard des grands hommes, il céda, en silence, à leurs outrages. Et c’est ainsi qu’il poursuivit son droit chemin jusqu’à sa mort. Ignoré certes par ceux qui méconnaissent sa vraie valeur mais auréolé de dignité et de probité, deux valeurs qui n’ont hélas plus la cote dans la bourse sociale. A ses funérailles, il n’y avait pas l’ombre d’un représentant des Assemblées élues ou des pouvoirs publics locaux. Le jeu ne valait peut être pas la chandelle... même dans la douloureuse circonstance de la mort.




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