Algérie

Souk Ahras: La vacance à défaut de vacances



Il était une fois les vacances d'été, à Souk Ahras... Aujourd'hui, il n'en subsiste que de vagues et lointaines réminiscences irrémédiablement rangées, toutefois, dans les plis du temps sur de sombres perspectives d'un présent franchement hallucinant. Saison de farniente, de décompression, d'évasion et de détente, l'été ne se reconnait plus, à Souk Ahras, dans ces attributs qui lui sont pourtant accolés de façon congénitale, à travers toute la planète Terre. Du coup, il devient un exercice hasardeux et combien aléatoire de s'aventurer à passer ses vacances dans l'antique Thagast, au risque de gâcher, lamentablement, l'intermède estival.

 Car n'eut été l'attache foncièrement saine qu'entretiennent les enfants de Souk Ahras vivant extra-muros (soit en Algérie ou à l'étranger), avec le sol, ce cher sol qui les a vus naître et celle arrimée aux parents proches et lointains avec qui ils partagent un amour sincère et indéfectible, peu s'aviseraient à remettre les pieds dans ce vaste «no man's land» aux excroissances tumultueuses et aux contours mal définis à cause d'une anarchie érigée maîtresse des lieux et des hommes.

 La question de savoir comment s'est préparée la ville pour accueillir ses enfants contraints, pour une raison ou une autre, de vivre ailleurs, coule alors de source : messieurs les gestionnaires qu'avez-vous entrepris qui rende le séjour de nos expatriés agréable ? La réponse est toute trouvée. Elle se donne à lire à travers moult images pas tout à fait gaies, faut-il le reconnaître.

 A travers les rues défoncées, cabossées et très mal entretenues, les trottoirs étroits et fissurés, illégalement occupés par des commerçants toujours en mal d'espace, les nombreux quartiers plongés dans le noit faute d'éclairage public fonctionnel, l'armada de mouches et moustiques envahisseurs, les poubelles éventrées à chaque coin de rue, les insupportables odeurs pestilentielles qui polluent l'air, les herbes sauvages et les cactus qui s'implantent en se démultipliant en lieu et place du jasmin, des roses et des lilas, aux multiples bâtisses en ciment inachevées, inesthétiques et au goût dégoûtant qui trônent urbi et orbi, au gazon qui n'existe pas du tout, aux espaces désertiques qui prennent largement le pas sur ceux dits verts, de moins en moins présents, aux arbres déracinés et à jamais perdus aux places publiques les plus en vue de la ville, squattées sans vergogne, comme c'est le cas à la place de l'Indépendance ou celle d'Ibn Khaldoun, aux barbecues essaimant ici et là, à l'abri de tout contrôle, pour revendre de grosses quantités de produits éminemment toxiques, aux chantiers prestement ouverts mais rarement refermés, aux poussières, mélange de toutes les impuretés, tourbillonnant à n'en pas finir, à la disette culturelle qui contraint à l'abstinence hommes et femmes, grands et petits, à l'absence regrettable d'animation artistique qui aurait pu servir d'ersatz à la lente agonie qui s'empare de la sainte canaille, au tristounet visage qu'offre le théâtre Mustapha Kateb, fermé depuis de longs mois sans perspectives sérieuse de réouverture, aux salles de cinéma recyclés en magasins de prêt à porter, pour mieux cadrer certainement avec la tendance mercantile du moment, au kiosque à musique de la ville, transformé impudiquement en urinoir et, accessoirement, en refuge pour les déficients mentaux, alors que par les temps bénis du passé, il servait de proscenium aux talentueux musiciens d'ici et d'ailleurs, au chaos indicible par l'expansionnisme sans fin des affairistes anarchistes, nouveaux riches et anciens ploucs qui n'ont d'yeux (et Dieu) que pour l'argent, sans odeur de préférence, aux simulacres de jardins publics désaffectés parce que eux-mêmes dépourvus du minimum de commodités pouvant attirer le public, à la piscine semi-olympique promise depuis dix ans mais qui continue bon an, mal an, à faire des croques en-jambes, à tous ceux qui ne désespèrent pas de la voir, un jour, s'offrir aux baigneurs, à la foule d'automobilistes forcés de tourner en rond faute d'aires aménagés de stationnement de piétons hagards qui errent sans destination précise ni objectif quelconque, comme des zombies oubliant d'où ils sont venus et ne sachant plus où ils vont, mais qui finiront quand même par se retrouver en fin d'après-midi, au centre de la ville, pas pour se conter fleurette mais pour se raconter les affres de la journée. Une journée à oublier comme toutes les autres, passées et celles à venir. Malheureusement. Pour toutes ces raisons et d'autres encore, il devient de moins en moins recommandé de passer ses vacances à Souk Ahras, et de plus en plus indiqué d'aller voir ailleurs. En attendant des jours meilleurs qui reviendraient, peut-être un jour. Qui sait ?




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