Algérie

...SOUFFLES... Tapage nocturne, vivement



...SOUFFLES...                                    Tapage nocturne, vivement
Personnellement, le tapage nocturne ne me dérange point. Plutôt, j'aime le tapage nocturne. Quel est ce tapage dérangeant mais souhaité et désiré par une minorité algérienne en voie d'extinction. Je ne fais pas de la politique raciale ! Il existe des femmes et des hommes, des jeunes et des moins jeunes, qui adorent le tapage de la musique techno, et tant mieux. Certes, c'est un plaisir ! Vertige sonore ! Une culture musicale appartenant à l'ère du temps. D'autres aiment azzorna, un autre tapage festif ! D'autres préfèrent cheikha Remiti et ses gsasbas. Moi, à l'image de quelques-uns parmi vous appartenant à une race en phase de disparition, je rêve d'un autre tapage nocturne. Un tapage que je scrute depuis mon enfance diabolique. J'adore ouvrir la fenêtre et écouter le bruit. Un bruit d'une race rare ! comme chez les êtres humains, des races existent aussi dans les communautés des bruits ! Je vous raconte : ma tête pleine de papillons, cachée sous un bourabah ou un lhanbal en laine pure, je faisais du bruit. Mais, qu'est-ce qu'un bourabah ou un lhanbal ' C'est une sorte de grande couverture tissée par ma mère, mes s'urs et mes tantes sur le métier à tisser que nous possédions, monté en permanence dans une des pièces de la grande maison paternelle. Ce lhanbal ou bourabah servait de couverture hivernale commune pour mes cinq frères et moi. En pleine nuit chacun tire de son côté ! Une guerre de froid ! Moi je vivais mes nuits dans une chaleur doublée, celle offerte par bourabah ou lhanbal, qu'importe, et la deuxième dégagée par mon livre de lecture. Sous une petite lueur dégagée d'une torche à pile fixée sur les pages d'un roman, je lisais. La tête cachée sous lhanbal. En plein silence nocturne, mes cinq frères dormaient, moi comme hypnotisé, je tournais les pages dégustant le miel des histoires et des langues. Tantôt je lisais en arabe tantôt en français. Tournant les pages, je perpétrais du bruit. De temps à autre mon frère Abderrahmane allongé à ma droite ou Mostapha à ma gauche hurla : range-moi ce livre, tu me déranges avec ce tapage insupportable. Dans ce silence nocturne absolu, le tapage des pages ressemblait au bruit d'une déflagration. Et la petite lumière de la torche paraissait comme celle d'un projecteur à haute tension. À peine la voix mécontente et fâcheuse entendue, lancée par l'un des cinq dormeurs, j'éteins la torche en appuyant sur un bouton noir. L''il ouvert dans le noir sous Ihanbal, en loup affamé, je patiente le retour des ronflements. Une fois ces derniers déclenchés, je reviens au tapage des pages, le bruit nocturne. J'allume ma torche et je tourne les pages et je monte dans la nuit vers l'aube. Jusqu'au jour de nos jours, je ne déguste la lecture qu'avec le bruit nocturne, le tapage des pages ! J'aime lire tout en écoutant la musique des pages. Une symphonie sans pair. Le meilleur tapage recommandé par l'Unesco et par les spécialistes en sonorisation et les musicologues thérapeutes. Et parce que j'aime ce bruit nocturne, j'appelle à la création d'un parti appelé : 'Pour l'Algérie des tapages des pages". Un parti qui réclame l'ouverture des bibliothèques publiques jusqu'à minuit. Ainsi, à l'image des membres de cette race en voie de distinction, je maintiens au balcon, à une heure tardive de la nuit, pour écouter les chuchotements des pages qui envahissent les rues de nos villes mortes. Seul le tapage des pages est capable de faire revivre les villes et réveiller les dormeurs sans les gêner. Insomnie, vivement !
A. Z.
aminzaoui@yahoo.fr


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