Algérie

...SOUFFLES...



...SOUFFLES...
Nous sommes le 10 décembre 1198. Le berrah de la ville de Marrakech, affecté par la mauvaise nouvelle, d'une voix blessée, sur la place publique, annonce la mort de Ibn Rochd. Averroès, selon la latinisation de son nom, le fondateur et père de la pensée laïque est mort ! La raison est en deuil ! Dans le ciel de la ville rouge "el madina el hamra" le soleil est timide, larmoyant et plaintif! La raison est en deuil ! Autour de la dépouille allongée sur une natte d'alfa couverte d'un drap blanc, dans un état méditatif, quelques oulémas, poètes et beaucoup d'inconnus s'emmuraient dans un silence.Un mulet dont le grand bât bien fixé sur le dos et sur les côtés, arrive dans le patio de la demeure d'Ibn Rochd. On fait sortir le corps. Quelques hommes, sous des psalmodies, l'ont disposé dans l'aile droite du bât. Dans l'autre aile, des étudiants et des disciples ont chargé ses livres, ses papiers, ses encres et ses calames. Il va être transporté vers Cordoue. Le voyage dernier ! Suivi d'une foule de gens, le mulet quitte la maison en traversant les ruelles de Marrakech. Ainsi Ibn Rochd a quitté Marrakech. Quelques jours après, la dépouille du philosophe arrive à sa destination : Cordoue.Au seuil de la grande porte de la ville de Cordoue une autre foule l'attendait. Parmi les présents, se trouvait Ibn Arabi Cheikh el Akbar. Dans un état de transe, à ses côtés Ibn Joubayr (1145-1217) auteur de Kitab Arrihla, Ibn Arabi accueille son maître.Le maître de la raison. Cheikh el Aql ! Et ce n'était pas la dépouille du défunt aménagée dans l'aile droite du bât qui attirait l'attention du Cheikh El Akbar, ce sont plutôt les livres chargés dans l'autre aile qui lui faisaient vibrer l'âme. Même, dans sa mort, Ibn Rochd était dans la généreuse compagnie, celle des livres. Que des livres !! Ibn Arabi a enregistré cette séquence dans son ouvrage les Illuminations de la Mecque (El Foutouhate al Mekkiya). Les livres représentaient le destin d'Ibn Rochd. Ils étaient la cause de sa condamnation. La cause de son exil. De son rêve. Les livres incarnaient la cause de tous ses bonheurs.La cause de tous ses malheurs. Les livres qu'il écrivait, ceux qu'il traduisait. Ceux qu'il commentait. Les livres qui célèbrent la raison et ceux qui la défendent. Mais pourquoi est-ce que Ibn Rochd a choisi d'être enterré à Cordoue ' Mais pourquoi est-ce que Mohamed Arkoun, son arrière-arrière petit-fils, dix siècles après, a choisi Casablanca comme lieu pour son sommeil éternel ' En ces jours du fanatisme, du sang et d'extrémisme nous avons besoin d'un Ibn Rochd contemporain. Nous sommes demandés, tous et toutes, à lire ou à relire son livre Discours décisif sur l'accord de la religion et de la philosophie (Fasl al-maqâl fîmâ bain ashsharî'ah wa al-hikmah min al-ittisâl). Le réveil de la raison est une urgence. Nous avons besoin d'un philosophe, qui même à l'heure de sa mort, dans son voyage dernier, ne se sépare point de ses livres, de sa conviction, de la raison et de la lumière! Dans ce monde arabo-musulman endeuillé et décousu on a besoin de deux choses : le rêve et la raison. La société qui n'arrive pas à conjuguer le rêve à la raison est une société égarée. Au bord du suicide. Mais la raison et la lumière ne périront jamais !A. Z.aminzaoui@yahoo.fr




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