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Soudan du Sud
De la ville de Bor, qui comptait plus d'un million d'habitants avant le début du conflit au Soudan du Sud mi-décembre, ne restent que des bâtiments calcinés et l'odeur tenace des cadavres en décomposition.Assises sous une moustiquaire, dans un coin de l'hôpital de Bor (200 km au nord de Juba), Achin Mapio et Mary Yar font partie des rares à ne pas avoir fui la ville. Elles racontent le supplice enduré aux mains des rebelles sud-soudanais, lorsqu'ils ont occupé la localité durant les trois premières semaines de janvier.Déjà hospitalisées quand les rebelles ont pris la ville, elles disent avoir été violées, privées de nourriture et avoir vu d'autres patients traînés hors du bâtiment pour être exécutés. Située sur les rives du Nil Blanc, Bor, capitale de l'Etat du Jonglei, a été l'un des principaux foyers du conflit qui oppose depuis mi-décembre les troupes régulières sud-soudanaises, loyales au président Salva Kiir, aux forces favorables à son ancien vice-président Riek Machar.Après avoir changé plusieurs fois de mains, la ville est repassée le 18 janvier sous le contrôle de l'armée, après des semaines de combats qui ont poussé plus d'une centaine de milliers de personnes à fuir, certaines franchissant au péril de leur vie le Nil Blanc infesté de crocodiles."Je me suis cassé la jambe, c'est pourquoi j'étais ici", explique Achin Mapio, 39 ans et mère de sept enfants, coincée dans l'hôpital lors des plus récents combats. Les rebelles "sont venus plusieurs fois pour nous. Nous avons peur que ces gens reviennent nous violer. Plusieurs sont venus pour nous. Ils nous ont même mordus, ils voulaient nous tuer", raconte-t-elle sans autre détail.Sa voisine, Mary Yar, la quarantaine, visiblement traumatisée, confirme qu'Achin Mapio a été violée, sans rien dire sur son propre sort.Nombre incalculable de cadavresAu conflit politique entre l'armée sud-soudanaise - soutenue par des troupes ougandaises - et les soldats rebelles alliés à une milice tribale connue sous le nom d'Armée blanche, se superpose un antagonisme ethnique entre les peuples Dinka - dont est issu le président Kiir - et Nuer, auquel appartient M. Machar.Les massacres entre tribus se multiplient depuis le début du conflit. Dinka coincée dans une zone sous contrôle de rebelles majoritairement Nuer, Achin Mapio s'estime chanceuse d'être encore en vie."Beaucoup de gens ont été tués ici", les rebelles "ont même tué des malades", poursuit-elle, "j'ai vu des gens être tués, je priais Dieu de me permettre de vivre".Dans l'aile des hommes, dont il se dit le seul survivant, Ayor Garang, 59 ans, croit devoir la vie à sa cécité qui a suscité la pitié des rebelles. "Ils ont vu que je suis aveugle et que je ne peux rien faire", explique-t-il. "Tous ceux qui ne sont pas aveugles sont parvenus à s'enfuir où ils pouvaient, à travers le Nil ou aux Nations unies", dont la base locale accueille 10.000 personnes.Selon lui, les rebelles ont volé la nourriture de patients, abattus sans merci."Ces deux personnes tuées dehors ont été sorties de leur lit (...) l'un était paralysé d'une jambe", dit-il, à propos de deux corps décomposés gisant devant le bâtiment. A côté de l'un d'eux repose une paire de béquilles.A l'extérieur de l'hôpital, un nombre incalculable de cadavres parsèment les rues et pourrissent sous la chaleur et l'humidité intenses, certains depuis fin décembre après une première reconquête de Bor par l'armée.Les administrations, les magasins, le principal marché et des véhicules ont été incendiés. Des panaches de fumées continuent de s'élever. Des échoppes, des bureaux, des agences humanitaires et des banques ont visiblement été pillés. Les rebelles ont minimisé la perte de Bor, d'où ils menaçaient pourtant de marcher sur Juba, n'évoquant qu'un "retrait tactique"."Ce n'est pas un gros problème", a affirmé un porte-parole rebelle, Lul Koang, depuis un hôtel de luxe de la capitale éthiopienne Addis Abeba, où il participe à des pourparlers de paix."Pourquoi perdre notre temps sur simplement un petit canton, qui n'a même pas d'habitants'", a-t-il lancé. "Il n'y a pas d'habitants à Bor. Toute la population a fui".




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