Depuis quelques années, les violences sur enfants se sont multipliées sans pour autant inquiéter valablement et durablement les autorités responsables de secteurs censés les protéger.
Depuis plus d'une semaine, l'horreur a frappé à Constantine, ville conservatrice ayant cru au rempart des valeurs jadis protectrices, aujourd'hui inopérantes au vu de la confusion culturelle dans laquelle s'est projeté le pays et la société soucieuse de présenter des apparences de «virginité» que de traiter les problèmes sociaux conformément à leur gravité et à l'impact sur notre vie de chaque jour. Deux enfants en bas âge, innocents, dont l'unique désir était d'exercer un droit, celui de pouvoir jouer, de taper sur une balle et de pouvoir suivre le lendemain dans la soirée de ce jour malheureux le match Barcelone-Milan. Hélas, ils ont été fauchés, broyés par l'odieux comportement d'adultes à la recherche d'assouvissement de pulsions bestiales en s'attaquant à des proies faciles, sans défense qui, de surcroît, ne pouvaient suspecter le plan macabre de ces charognards guidés par l'instinct de destruction qui les habite. Combien sont-ils dans la nature ' Pouvons-nous les reconnaître ' Comment intervenir dans le cadre d'une politique de prévention ' Où se situe le problème ' Est-ce que ce dernier est d'ordre sécuritaire, éducatif, pédagogique et législatif soulevant ainsi l'interminable discussion de la peine de mort ' Est-il question de maladies pédo-psychiatriques ' S'agit-il d'une criminalité transnationale ' Autant de questions, et la liste n'est pas exhaustive. Depuis la découverte des deux corps frêles et inanimés de Haroun et Ibrahim (rahimahoum Allah), une question récurrente à refait surface, celle de la peine de mort. Mon intention n'est pas de débattre de cette dernière car cette sanction existe déjà dans notre code pénal (article 293 et 293 bis §2 du code pénal algérien). Je dirai uniquement, pour l'intérêt de l'information, qu'il y a eu gel de l'application de cette sanction depuis 1993, et que l'intention de demeurer dans cet ordre provisoire et abolitionniste a été confirmé par la signature, par notre pays, d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies relative à un engagement de ses signataires à ne pas appliquer la peine de mort (2006). Il est cependant utile d'informer que les tribunaux criminels algériens rendent régulièrement des jugements contenant la peine de mort comme châtiment à des crimes graves. L'inexécution de ce type de sentence suppose l'existence d'un débat sur le sujet qui justifie la suspension pour une période de réflexion, de sensibilisation de conscientisation et que des décisions définitives interviendront plus tard. Jusque-là, le débat n'a pas eu lieu. Ce dernier est nécessaire pour l'équilibre de la société et devrait impliquer tous les acteurs de la société, y compris la société civile. Il est important qu'il soit balisé, et par conséquent, il portera, selon une méthodologie comparative, sur les aspects positifs et les inconvénients de l'application de décisions judiciaires portant condamnation à mort et leur impact sur la société et sur notre statut international au vu des obligations librement contractées par l'Etat. Il faudrait donc organiser ce débat et décider soit du retrait pure et simple de la peine de mort de notre législation pénale soit de son application à titre exceptionnel aux crimes les plus odieux et les plus graves comme l'enlèvement d'enfants et leur assassinat ou enfin l'atteinte à la sécurité nationale. La dernière possibilité réside dans le rétablissement des exécutions, il faut noter que des pays ont rétabli la peine de mort ou rétabli les exécutions. Le glissement de notre préoccupation actuelle, à savoir comment mettre fin à l'enlèvement d'enfants et leur assassinat après sévices sexuelles qui s'avérerait être une mesure protectrice vers un autre chapitre rattaché à la répression, nous imposerait le traitement de notre sujet à partir d'un angle soumis à l'idéologie et à la politique et enfermera l'échange d'idées dans une impasse polémique sans résultats constructifs. Ma contribution a pour objectif d'organiser une réflexion sur des mesures d'urgence nécessaires à combattre ce fléau, prenant aujourd'hui une allure de problème social auquel on accorderait une priorité nationale. Le 15 août 1996, la télévision belge divulguait au monde entier le visage d'un monstre réel, un pédophile nommé Dutroux. La planète découvre alors l'existence de tortures sexuelles, de séquestrations et de meurtres d'enfants. Au sud de la Méditerranée, on a toujours été porté à croire que ce type de criminalité n'arrivait qu'aux autres, comme si ce type de problème n'arrive que dans des pays appartenant à d'autres cultures jugées permissives ignorant du coup l'évolution de la criminalité et les effets néfastes d'internet et des réseaux sociaux incontrôlables nous affectant de l'extérieur comme de l'intérieur, changeant nos habitudes et mettant à nu notre vulnérabilité. Depuis la nuit des temps, la pédophilie a existé dans tous les milieux, et plusieurs dossiers afférant à cette catégorie de criminalité existent en Algérie. Les cas les plus récents sont les faits criminels perpétrés à Constantine où l'impensable, l'odieux, s'est produit sous nos yeux, frappant de plein fouet deux de nos enfants mais aussi violant la dignité et l'honneur d'une population se croyant à l'abri de cette criminalité. Des adultes peuvent être traversés par des pensées violentes, d'infanticide, de pédophilie ou d'inceste à l'égard des enfants. Certains d'entre eux contiennent ce type de pensées car ils ont intériorisé les interdits de la société, ils demeurent cependant dangereux et devraient être identifiés et traités. En revanche, les auteurs d'agressions sexuelles ont des difficultés profondes à maîtriser ces pensées, ce qui a pour conséquence de leur faire perdre le contrôle de leurs actes. Ils ne peuvent donc respecter les interdits sociaux qu'au prix d'une sanction pénale et d'un suivi socio-judiciaire. La peine de mort ne pourrait, à elle seule, débarrasser la société d'individus malades à inscrire au chapitre des pédocriminels enfouis dans son for intérieur. La prévention et la répression des infractions sexuelles ainsi que la protection des mineurs par des législations appropriées pourraient prévenir ces passages à l'acte violent. Il faut donc légiférer et créer des institutions nouvelles pouvant prendre en charge ces fléaux dangereux et mortels. Il faut réviser nos textes et faire de tout attentat à la pudeur et viol sur mineur un crime grave et sérieux, et fermer à jamais les portes du «rattrapage immoral» en permettant l'impunité au ravisseur qui, par exemple, épouserait une mineure après avoir porté atteinte à sa pudeur, à son honneur et à celui de la communauté (article 326 du code pénal algérien). L'agression sexuelle de Constantine sur deux enfants a eu un effet déclencheur sur la gravité de la situation. Le problème n'est pas celui de la sanction car la peine de mort, comme déjà mentionné plus haut, figure dans notre code pénal pour cette catégorie de crime grave, la reprise des exécutions est, quant à elle, possible, elle est du domaine politique. Ces affaires d'agression sur enfants devraient faire progresser notre société dans la voie du débat, en éliminant tout d'abord les tabous, et d'adresser les véritables questions au vu des problèmes de société de l'heure. Ces assassinats ont provoqué un état de panique au sein des familles. Les parents font preuve de vigilance ponctuelle pour protéger leurs enfants de l'innommable. D'autres mesures devraient intervenir dans le cadre d'une mission collective de protection de nos enfants contre des dangers réels et sérieux tels que l'enlèvement d'enfants, la pédophilie, le crime transnational contre les enfants s'exprimant de manière organisée et méthodique via la vente d'enfants, d'organes et leur exploitation sexuelle. Les enfants, qui survivront à ces tortures sexuelles, seront traumatisés à vie et seront dangereux pour eux-mêmes et pour la société; c'est pourquoi, c'est aux adultes d'intervenir dans le cadre de la loi pour mettre les mesures préventives et répressives en place et de veiller à leur application avec la rigueur exigée. Nous sommes tous concernés.
K. F.
* Professeur de droit, membre de la CNCPPDH, ancien vice-président du CIDE (ONU), vice-président de la Commission de l'UA de droit international (CUADI), membre du conseil d'administration international de l'African Child Policy Forum (ACPF), avocat. Email : kamelzim.82@gmail.com
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Posté Le : 19/03/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kamel Filali
Source : www.lesoirdalgerie.com