Algérie

Sortie du film Ma part de Gaulois Une histoire algérienne



Sortie du film Ma part de Gaulois Une histoire algérienne
Publié le 29.01.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MAYA ZERROUKI

De notre bureau à Paris, Maya Zerrouki

Adapté du livre autobiographique de Magyd Cherfi, ex-chanteur du groupe Zebda, Ma part de Gaulois raconte l’histoire personnelle d’un enfant d’immigrés algériens des banlieues nord de Toulouse, tiraillé sans cesse entre une mère déterminée à le faire arriver jusqu’au bac, et ses amis de quartier résignés dans l’avenir que leur a tracé la France des années 80, à savoir ouvriers, maçons et autres métiers manuels.

Rencontré à l’avant — l’avant-première organisée par l’ambassade d’Algérie en France, le réalisateur du film, Malik Chibane, se confie : «J’aime beaucoup la façon dont Magyd Cherfi traite la question de l’immigration et notamment dans le contexte des années 80. J’y ai puisé plusieurs séquences comme l’élection de François Mitterrand, le bac, et cette mère puissante que j’ai mise au centre du film pour ce qu’elle véhicule comme grandes valeurs de notre éducation.»

Le cinéaste convoque dans son film l’actrice Adila Bendimerad incarnant une mère courage affrontant tous les obstacles, surfant entre sa condition de femme au foyer mi-dominatrice-mi-soumise et celle de l’immigrée illettrée et pourtant fille et petite-fille d’hommes instruits.

Tour à tour, elle est douce, colérique, attentionnée, hystérique, comique… Madame Chakraoui usera de tous les stratagèmes en sa possession pour faire basculer le sort de son fils du cursus de CAP mécanique au système d’enseignement général. Son objectif : passer le bac et devenir ainsi le premier enfant d’immigrés algériens de la cité à y être arrivé !

«Ce film m’a très vite interpellée car je sortais à peine de la maternité et c’était le premier rôle de maman qu’on me proposait à ce moment-là. Je me suis beaucoup inspirée de ma mère qui était très exigeante sur le plan scolaire. C’est donc un récit que je connais très bien : celui des mamans algériennes prêtes à tout pour voir réussir leurs enfants», nous confie Adila Bendimerad, lauréate de plusieurs prix internationaux pour son film la Dernière Reine. Et d’enchaîner : «Dans le contexte de ce film et de la condition des immigrés, l’école est doublement importante car cela signifie pour ces parents l’émancipation de leur progéniture par opposition au sort qui leur était réservé auparavant.»

Le film a pour décor une cité ouvrière mais où les rouges rappellent les univers féminins de Pedro Amodovar et son éternel hommage à la mère, et où les ocres rappellent Toulouse, la Ville rose, en référence aux constructions en brique de terre cuite. Ces décors oniriques quelquefois nous font vivre le quotidien de Mourad magnifiquement interprété par le jeune Abdallah Charki en quête d’identité, attiré plus par la musique rock que par les sonorités qui résonnent dans sa famille. Il ne croit pas lui-même au destin que lui trace sa mère, si différent de celui de ses camarades de quartier. Son amour pour elle lui donnera la force et le courage pour y croire et pour travailler durement. Ne serait-ce que pour les bijoux qu’elle a dû vendre afin de payer ses cours particuliers.

Pour l’acteur Lyes Salem, qui incarne le rôle d’un père immigré algérien, travailleur de chantier, analphabète sans doute mais moins impliqué dans la scolarité de ses enfants : «Malik Chibane est un des cinéastes qui a le plus traité de la question de l’immigration en France. Au-delà de l’histoire qui nous est commune, j’aime l’importance qu’il a accordée à l’esthétique du film, ce qui lui donne une véritable envergure cinématographique.»

Son personnage, Monsieur Chakraoui, est encore traumatisé par la guerre et par les parachutistes de François Mitterrand dont on vient d’annoncer l’élection à la présidence du pays.
Nous sommes en 1981 et les immigrés venus construire leur avenir et celui de la France ne connaissent pas encore l’égalité des chances ni les joies de l’inclusion. Leurs enfants, eux, vont chercher leur part de Gaulois dans une République française dont la devise est : Liberté, Égalité, Fraternité.

La sortie du film, prévue le 31 janvier, dans les salles françaises coïncide avec l’actualité de la loi immigration qui fait penser à l’équipe du film qu’il n’y a pas de hasard de calendrier mais juste une concordance des étoiles entre elles pour faire entendre à nouveau la voix des immigrés. L’acteur et réalisateur des films Mascarade et L’Oranais, pour ne citer que ceux-là, enchaînera sur le contexte de xénophobie montant en France qui vit l’immigration comme un tabou au lieu d’en faire une force comme aux États-Unis d’Amérique.

L’ambassadeur d’Algérie en France, Son Excellence Monsieur Saïd Moussi, hôte de la réception, s’exprimera en ouverture de la projection sur la renaissance du cinéma algérien et, s’adressant aux invités, rappellera l’importance de pouvoir assumer sa double culture. Dans l’assistance, officiels, journalistes et artistes, à l’instar des musiciens Safy Boutella, Beihdja Rahal ainsi que la star du rap Fianso, ont tous partagé, et en interaction spontanée, cet instant Algérie au pays des Gaulois.
M. Z. 



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