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Sonelgaz coupe le courant à ses retraités Attention : ingratitude à haute tension !



Après avoir voué leur vie entière à leur entreprise (Sonelgaz), des dizaines de retraités de la Société nationale de gaz et électricité (à capitaux publics et privés), 48 au total, disséminés à travers le territoire national, sont réduits, eux et leur famille, depuis une semaine, à s'éclairer à la bougie.
«Ils sont venus la veille du vote nous couper l'électricité. Ils l'ont fait à partir du câble situé à l'extérieur, parce qu'on n'a pas de compteur», raconte Dahbia Abbas, fille d'un des retraités ' aujourd'hui décédé ', locataire d'une résidence de fonction, située dans l'enceinte du poste de distribution de l'électricité (route de Larba, sud d'Alger). «Pire, ajoute-t-elle, l'ordre a été donné aux unités de Sonelgaz de ne pas rétablir le courant.»
La cause du black-out ' «Non-paiement de la facture d'électricité.» Mais ce n'est là que la cause apparente, l'arbre qui cache la forêt. Les retraités en question occupent ' pour certains depuis l'indépendance ' de spacieuses villas coloniales, des logements d'astreinte situés sur les domaines des postes électriques de Sonelgaz (ex-EGA), affectées au personnel de l'entreprise (des cadres, techniciens et simples agents) pour les besoins de leurs missions.
Pourvues de terrains à la superficie alléchante (plus de 1200 m2), ces villas, qui valent aujourd'hui plus de 20 millions de dinars, d'après l'estimation des locataires, font couler salive et suscitent des convoitises. Pour reprendre son «bien», Sonelgaz a introduit, depuis plus de dix-sept ans, des actions en justice contre ces locataires retraités refusant d'évacuer les lieux. Deux d'entre eux ont fait déjà l'objet d'une expulsion, mais la plupart, ont obtenu, auprès de la justice, gain de cause qui leur reconnaît le droit à être relogés (par l'entreprise) et le «droit au maintien», énoncé d'ailleurs par la réglementation portant gestion des logements de fonction établie par Sonelgaz le 8 septembre 1987.
L'article 171 énonce clairement les cas susceptibles de donner lieu à une autorisation de maintien dans les lieux, droit dévolu, entre autres, au personnel partant à la retraite. «Ils nous ont sucés jusqu'à la moelle, et aujourd'hui, ils veulent nous mettre à la porte», constate, amer, Louze Amar, retraité après 32 ans de bons et loyaux services. «Jamais, durant ma carrière d'agent technique, je n'ai pris d'arrêt maladie», lâche-t-il fier. 70 ans, atteint de Parkinson, Amar occupe une des villas du poste de Larba. Il dit porter encore, dans son corps et son mental, les stigmates de la décennie noire, des éclats d'une des bombes posées par le GIA au poste électrique et désamorcée par le personnel.
«C'est nous qui défendions, aux prix de nos vies, ces postes contre les assauts terroristes. Nous avions fait avorter même des tentatives de plastiquage ; nous avons assuré la continuité du service dans les pires moments, et aujourd'hui, on vient nous couper l'alimentation électrique pour nous obliger à quitter les lieux. C'est de l'ingratitude.» Mouhouse, 64 ans, retraité après 34 ans de service, loge dans une des trois villas du «poste transfo» situé sur la RN 5, à la sortie de Bouira. Il loge aussi dans la même enseigne que ses collègues retraités, dont certains sont atteints de maladies chroniques. «Nous sommes plongés dans le noir et nous ne pouvons même plus garder au frais nos médicaments», dit-il aussi avec amertume.
Melle Abbas s'interroge sur ce que «cache» l'acharnement de Sonelgaz à vouloir faire déguerpir à tout prix les locataires des résidences d'astreinte, à multiplier les mises en demeure, au «mépris de la loi». «Même si la qualité d'agent de Sonelgaz, affirme-t-elle, nous octroie le privilège de bénéficier à titre gracieux de l'énergie électrique, nous ne sommes pas contre le fait de payer nos factures. Bien que nous nous acquittions déjà des charges incluses dans le loyer.» Force doit rester à la loi, souligne-t-elle. «Nous ne quitterons que lorsque les décisions de la Cour suprême seront appliquées à la lettre. Traumatisé, mon père a passé les derniers jours de sa vie à guetter par la fenêtre l'arrivée des huissiers. Il est décédé avant que la justice ne le rétablisse dans son droit.»


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