Publié le 09.03.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
S. A. M.
Figure féminine emblématique de la résistance populaire contre l'invasion française de l’Algérie du 19e siècle, devenue un symbole de courage, de liberté, de sacrifice de soi, ayant incarné de manière éclatante le refus de l'hégémonie du système patriarcal, Fadhma N'Soumer, par son combat et ses engagements, a constitué le fil rouge et la ligne directrice à la célébration de la Journée internationale des droits de la femme activement préparée par la Direction de la culture et des arts de Tizi-Ouzou.
«Sur les traces de Lalla Fadhma N’Soumer» est le thème de la journée d'étude consacrée au parcours de celle que des auteurs ont qualifiée de la «Jeanne d'Arc du Djurdjura».
La rencontre qui s’est tenue à la maison de la culture Mouloud-Mammeri constitue le point focal du riche programme d'expositions et de conférences thématiques qui se tient depuis le 4 mars et se poursuivra jusqu'au 9 du même mois au niveau des établissements relevant du secteur dirigé par Mme Nabila Goumeziane.
Les universitaires et chercheurs en histoire qui se sont succédé devant le public ont tenté, sous des approches diverses, de lever le voile sur le parcours peu documenté et passablement étudié de cette personnalité historique de l'Algérie du 19e siècle.
Mohamed Lahcen Zeghidi, professeur en histoire à l'Université d'Alger, évoquera avec un lyrisme débordant l'héroïsme légendaire et le dévouement fougueux pour la liberté des siens de la jeune femme native du village Ouardja, près de Aïn-El-Hammam. L'intervention de cet historien qui est aussi président de la commission nationale «Mémoire et Histoire» sera suivie par celle de Idir Hachi qui mettra en perspective le thème de la résistance algérienne au féminin incarnée par Lalla Fadhma N’Soumer.
L'argument principal de la communication de ce jeune chercheur en histoire, sociétaire du Crasc d'Oran et membre de la commission algérienne «Histoire et Mémoire» se veut un révélateur des dons intellectuels et spirituels qui ont conféré une aura de sainteté à la jeune femme dont le lignage maraboutique affilié à l'ordre soufi Raḥmaniya et sa forte imprégnation d'une éducation religieuse stricte et rigoureuse ne la prédestinaient nullement au rôle de leadership et de cheffe de guerre qu'elle assumera, du reste, avec le brio dont témoigneront même les chroniques coloniales retraçant la conquête de l'Algérie.
Commençant par rappeler que «l'arrestation de Fadhma N’Soumer, le 11 juillet 1857, marque l'achèvement de l'occupation militaire de la partie septentrionale de notre pays», Idir Hachi mettra en exergue la rébellion sur l'ordre patriarcal de N’Soumer qui a décidé de son propre gré de rompre une liaison conjugale avec un cousin maternel pour s'engager, par la suite, à l'âge de 19 ans, dans la résistance contre l'invasion de l’armée d'occupation française. «Après son refus d'un mariage avec un cousin maternel, Fathma N’Soumer rejoint la zaouia du village Soumer où officie son frère Tahar. Un établissement religieux où elle se consacre à la dévotion divine et à la contemplation mystique», relate l'historien pour qui la posture spirituelle et religieuse de la jeune Fadhma est loin d'être un simple confinement pour une paisible relaxation spirituelle, une fuite devant les périls d'un monde en butte à de grands chambardements.
«Le mysticisme de Fadhma N’Soumer ne procède nullement d'une retraite totale. Elle s'intéresse à la chose publique en accordant son aide, ses soins et son assistance aux pauvres. Elle est sollicitée pour le règlement des litiges entre les personnes. Elle encourage la fabrication des armes par les forgerons de la région, participe à la collecte de la poudre et des munitions entrant dans le cadre de la logistique et des préparatifs de la guerre, elle désigne les émissaires qui allaient sillonner les villages pour alerter les populations sur les dangers et les menaces que font peser sur elles les armées d'occupation coloniales, elle a un rôle actif dans le recrutement et la formation des Imsseblen (soldats voués au martyre), et ses avis dans le cadre de la stratégie militaire sont pris en compte», témoignera l'historien Idir Hachi qui conclut sur un hommage au mérite des femmes algériennes, en citant en exemple «la trajectoire historique de Fadhma N'Soumer (qui) symbolise la contribution de la femme algérienne à la résistance algérienne du 19e siècle. Son parcours prouve que la gent féminine pouvait se hisser aux plus hautes responsabilités de commandement».
«Lalla Fadhma N'Soumer, icône nationale et exemple de combat pour la liberté», est le sujet de l'intervention que devait animer Bounaâma Mohamed, Directeur général des Archives nationales. L’auteur Slimane Saâdoune interviendra, quant à lui, pour présenter son récit ayant pour titre La femme algérienne dans l’histoire. Cas de Lalla Fadhma N’Soumer. Dr Bouhamoum Mhamed de l'université de Tiaret parlera du rôle culturel et politique de F. N’Soumer.
«Lalla Fadhma N’Soumer dans les écrits coloniaux» est le thème de la conférence animée par Kacimi Zineddine, maître-assistant à l’université Mohand ou L’hadj de Bouira. L'universitaire a interrogé les sources coloniales, récits d'historiens et chroniqueurs de guerre, qui ont accompagné la conquête française en mettant à nu leur partialité et leur parti-pris. Ce faisant, le conférencier a voulu rendre justice à cette femme en faisant la lumière sur le rôle exceptionnel qu'elle a joué dans la résistance contre les forces d'occupation françaises.
Dans un autre registre, le cinéaste Belkacem Hadjadj qui est l'auteur d'un biopic sur Fadhma N’Soumer a disserté, lundi dernier, sur le rapport existant entre le cinéma et l'histoire. Le cinéaste qui a déploré la quasi-inexistence de ressources historiques pour l'élaboration du scénario de son film a fait part de la difficulté à représenter artistiquement, ici dans le cinéma, la réalité historique.
Les mythes et les récits puisés de la tradition orale viennent souvent à la rescousse de tout créateur qui fait face à la rareté de ressources documentaires. Mais cela, avertit Hadjadj, ne doit pas se faire au détriment de la vérité historique. «Oui pour le respect de la vérité historique mais rendre le souffle qui existe dans l'oralité est nécessaire», soutient-il.
La représentation au cinéma de figures mythiques est, selon lui, un exercice nécessaire pour la préservation des mythes fondateurs dont ont besoin les sociétés dominées.
S. A. M.
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Posté Le : 10/03/2024
Posté par : rachids