Une semaine après le déclenchement des hostilités contre le régime de
Kadhafi, l'UE cède le commandement des opérations à l'Otan. Tout un symbole sur
l'affrontement géostratégique entre Européens et Américains, dans le Sud
Méditerranée.
La gestion de la crise libyenne et la distribution des rôles entre les
Occidentaux ont été passées en revue, vendredi à Bruxelles, lors de la réunion
des 27 chefs d'Etat et de gouvernement. Un premier accord a été conclu pour
laisser le commandement des opérations militaires, dès le début de la semaine,
à l'Otan. Rappelons que si les premières attaques ont été déclenchées par les
aviations française et anglaise, leur coordination a été assurée, depuis le 1er
jour, par les centres techniques de l'Otan de Ramstein et Stuttgart, situés en
Allemagne. Le transfert du commandement de l'opération «Aube de l'Odyssée» à
l'Otan, indique clairement que les bombardements contre les positions de la
Défense libyenne vont s'accentuer et que les experts occidentaux ont compris
que, sans l'intensification des frappes aériennes, la crise violente libyenne
risque de s'enliser durablement. Dans le même temps, les pays de l'UE et les
USA ont décidé d'appuyer, y compris militairement, les insurgés libyens.
Parallèlement, les modalités pour l'acheminement de l'aide humanitaire ont été
passées en revue. Sur ce chapitre, il faut signaler que des experts de
l'organisme européen, chargé de l'aide humanitaire (Echo) sont, depuis le début
de la crise, aux frontières de la Libye. L'UE a débloqué 30 millions d'euros
pour la prise en charge des réfugiés aux frontières tunisienne et égyptienne.
Au plan politique, le Sommet de l'UE a manifesté son intention de garder la
main, particulièrement sur la suite des événements. Ainsi, le Conseil national
de transition libyen (CNT) qui réunit l'opposition au régime de Kadhafi, a été
invité à une rencontre à Londres, mardi prochain, pour discuter de la sortie de
crise. Justement, la perspective de l'après Kadhafi a été au centre des débats
des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE. Les Européens ne sont pas dupes et
savent que, sans encadrement et appui politique, la société libyenne risque
d'aller vers une crise, voire une guerre civile, tant elle manque
d'organisation civile et politique. Le colonel Kadhafi a, après 42 ans de
règne, laminé la société politique et civile libyenne et appauvri le débat
politique national. Aujourd'hui, il n'y pas de partis politiques ou de
mouvement associatif dignes de ce nom pour accompagner la révolution libyenne.
C'est la grosse interrogation des Occidentaux : que faire et comment faire pour
que la Libye s'inscrive dans un processus normal de développement après Kadhafi
? C'est bien dans ce sens qu'il faut interpréter l'insistance de l'UE, plus
précisément les déclarations du ministre français des Affaires étrangère, Alain
Juppé, à vouloir garder «la gestion politique» du dossier libyen. Cependant,
entre les déclarations et les communiqués il y a les faits : ce sont bel et
bien, les vues américaines qui sont, chaque jour qui passe, prises en
considération. Même s'ils ne l'ont pas crié sur les toits, le choix du
transfert du commandement des opérations militaires à l'Otan est une option
américaine. L'opposition de la France, sur ce point, n'a pas pesée. Idem pour
le suivi politique puisque ce sont les Anglais, l'allié sûr des Américains, qui
se chargent du lancement du «management» politique du CNT libyen. Le président
américain, Barak Obama, montre ainsi tout son art dans la gestion de la crise
libyenne : la maîtrise des opérations militaires et de la perspective politique
dans la région maghrébine aux Américains, et les tâches d'exécution sur le
terrain aux Européens. Le tout sans se placer sous les feux de la rampe des
médias mondiaux. Il faut reconnaître que l'UE est pour beaucoup dans le
glissement du dossier libyen aux mains des Américains, tant les désaccords en
son sein sur les objectifs stratégiques dans la région sont nombreux. Par
ailleurs, sur les deux jours du Sommet (jeudi et vendredi), seule la matinée du
vendredi a été réservée au dossier libyen. Le reste du temps a été consacré à
la gestion de la crise financière qui est montée d'un cran avec la démission du
gouvernement socialiste portugais. Empêtrés dans la crise de l'euro et les
risques de déroute des économies portugaise et espagnole, les Européens n'ont
pas les coudées franches pour peser face aux Américains dans la géostratégie
mondiale, y compris dans leur voisinage immédiat, tel celui du Maghreb.
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Posté Le : 26/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com