« La couleur de
l'eau, c'est la couleur de son récipient.» Ibn Arabi.
La tolérance est l'une
des valeurs nécessaires pour la cohabitation entre les différents membres d'une
société. Chaque individu peut avoir une vision subjective du monde, une pensée
opposée à la pensée dominante et un mode de vie déférents des autres. La vertu
de la tolérance, c'est de faire respecter et de cultiver cette différence et ce
n'est pas la juger et la condamner. Or, la tolérance ne peut pas être effective
ou active (ou positive, comme le nomme Mohamed Arkoun) si l'individu n'est pas
doté d'un esprit critique, c'est-à-dire d'une capacité à se remettre en
question et surtout de ne pas prétendre posséder la Vérité. Cette capacité de «
se douter » devrait être l'essence de toute forme de pensée car seule la vertu
« du doute » permet de stimuler notre curiosité et d'aller vers l'autre. Ainsi
l'autre peut nous aider à nous comprendre, à renouveler nos pensées, à trouver
les mécanismes communs entre celle des autres et les nôtres, ce qui acquiesce
de relativiser nos valeurs. L'intolérance, écrit Malek Chebel, a son origine
dans l'ignorance que nous entretenons les uns vis-à-vis des autres au mépris
des leçons de l'histoire. Pour que la tolérance devienne active, Mohamed Arkoun
exige que deux conditions fondamentales soient remplies :
1. L'existence
d'un Etat de droit qui permet l'expression de toutes les positions doctrinales
et la publication de toutes les Å“uvres artistiques, même lorsqu'elles touchent
à des sujets sacralisés par le temps ; cette liberté n'exclut pas l'examen
critique de la responsabilité intellectuelle de l'auteur ;
2. L'existence
d'une société civile suffisamment travaillée par la culture philosophique et
juridique de la tolérance pour jouer le rôle de partenaire de l'Etat de droit.
C'est parce que ces deux conditions sont
réunies, écrit M. Arkoun, dans les démocraties avancées de l'Europe occidentale
que la loi sur le blasphème est tombée en désuétude. Au contraire, précise-t-il,
les sociétés dites musulmanes soulignent deux évidences majeures de leur
existence historique : elles n'ont jamais esquissé de cheminement conceptuel
vers la notion moderne de l'Etat de droit, et de larges pans de ces sociétés
cherchent à imposer des confusions, entre expérience spirituelle du divin et
production sociale et historique du droit, que la pensée médiévale parvenait à
éviter ! Dans ces conditions, l'émergence d'une société civile demeure partout
timide, précaire. Dans plusieurs pays, on constate même l'introduction d'une
culture de l'intolérance dans les programmes scolaires d'enseignement
religieux. Dans ce cadre exactement, nous avions fait l'étude suivante « l'idée
de la tolérance fait-elle partie de l'éducation morale dans le programme
scolaire enseigné en Algérie ? ». Cette étude a été réalisée sur les deux
disciplines : l'éducation islamique et l'éducation civique, précisément en
deuxième palier de l'école fondamentale (4°, 5°, 6°), c'est-à-dire chez des
enfants âgés entre 6 et 10 ans. A notre grand étonnement, les textes enseignés
de l'éducation islamique en deuxième palier, nous n'avions découvert qu'une
seule allusion à la tolérance (6ème, leçon 54).
Cependant, nous avons découvert que le mot «
Kafir » (impie), dans son sens archaïque, c'est-à-dire on assimile un impie à
un non-musulman, à quelqu'un de la « djahilia » (du temps de l'ignorance), dans
les manuels (4ème, leçon 14).
Dans le même ordre d'idée, nous avons trouvé
que la notion de « djihad » (combat) est enseignée aux élèves du 6ème (cf.
leçon 10). Cette notion, djihad, est enseignée en tant que devoir (Faridha)
pour chaque musulman, à des élèves qui n'ont qu'entre 6 et 8 ans.
Au terme de cette analyse, nous avions
constaté que la valeur de la tolérance, telle que les nations unies l'ont
proclamée en 1948, n'est pas introduite dans les manuels d'éducation
islamiques. En outre, les concepts tels qu'ils l'étaient dans les livres
scolaires n'étaient pas adaptés à l'évolution des valeurs universelles et du
vécu actuel. C'est l'une des raisons qui a fait que toute une génération adopte
des comportements intolérants. Mais ces comportements intolérants sont
renforcés par l'introduction à outrance de la religiosité dans toutes les
disciplines et à tout ce qui touche la vie au quotidien d'un individu dans la
société algérienne. Ce qui multiple les violences envers les individus les plus
faibles comme les femmes, les enfants et les personnes âgées.
L'exemple le plus marquant se trouve dans la
presse nationale lors de l'ouverture du festival 2009 du PANAF à Alger où des
groupes de danseuses africaines dansent les seins nus, ce qui est
culturellement vrai alors que nous avons vu quelques quotidiens se scandaliser
de cette attitude ; c'est en l'occurrence une mise en cause de la culture de
l'autre, un manque de respect de la culture de l'autre. Il me semble que ce
genre de réactions ne relève pas uniquement d'intolérance mais intolérable par
cette presse. Car comment voulez-vous inculquer aux nouvelles générations la
valeur de la tolérance s'ils n'arrivent pas à accepter les autres tels qu'ils
sont ? Ces femmes doivent-elles porter un voile ? Dans ce cas, pourquoi cette
même presse crie-t-elle au scandale et à l'intolérance face à la réaction des
Européens quand ils sont choqués de voir les femmes porter la « bourka» ! Et
pourtant cette même presse fait la Une avec un ex-sanguinaire, qui a tué des
centaines de milliers d'algériens, sans demander des excuses à ses victimes, ni
éprouvé de regret ni culpabilité face à ces actes barbares et inhumains et ce
bourreau à le droit d'être un Cheikh ! Ce genre d'attitude exaspérante choque
des milliers de personnes algériennes, qui ont été de près ou de loin victimes
de cette période noire de notre histoire. L'intolérable, écrit M. Arkoun, est
tout ce qui minimise, retarde, compromet, nie le déploiement optimal de la
personne humaine dans le respect raisonné de sa vocation humaniste, de son
environnement social, culturel, idéologique, cosmique. Ajoutons tout de suite,
poursuit M. Arkoun, un trait essentiel : l'intolérable est très souvent ce que
l'esprit rejette avec force, mais qui continue à s'imposer dans des faits comme
pour manifester l'incapacité radicale de l'homme à dépasser ses contradictions.
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Posté Le : 30/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Haddar
Source : www.lequotidien-oran.com