Algérie - Revue de Presse

Sommes-nous à la veille d'une sortie de crise au Moyen-Orient ?



Il semble que les différents protagonistes des différents conflits larvés ou ouverts qui secouent la région du Moyen-Orient aient subitement senti la nécessité de se réunir pour discuter de ce qu'il est possible de faire pour arrêter le processus qui conduit à davantage de conflits et d'opposition dans la région qui n'en peut plus d'être en guerre depuis 60 ans... C'est du moins la conclusion à laquelle semblent être curieusement arrivés les trois observateurs arabes conviés par M. Ghassane Bendjeddou dans son émission «Dialogue ouvert», diffusée tous les samedis soir, par la chaîne El-jazeera. Une rencontre qui se déroulait en marge de la Conférence internationale sur l'Irak qui se tenait à Bagdad à l'initiative des autorité irakiennes avec la bénédiction des Etats-Unis, celle des autres pays membres du Conseil de sécurité et celle, aussi, des voisins de l'Irak qui ont, tous, tenu à y assister au niveau de leurs ministres des Affaires étrangères à l'exception des Etats-Unis qui ont délégué leur ambassadeur à Bagdad, M. Zelman Khalil Zed. Les trois invités, là aussi et curieusement, semblent couvrir une large palette qui refléterait les trois attitudes les plus répandues dans le monde arabe à l'endroit de la politique américaine. Le premier invité M. Anis Naccache présenté comme un spécialiste des questions iraniennes et syriennes est connu pour ses prises de position anti-américaines et anti-israéliennes à telle enseigne qu'il ne peut prononcer le mot Israël lui préférant, à chaque fois, l'expression de camp sioniste. Le deuxième invité M. Abdel Moneim Saïd, le directeur du Centre des Etudes stratégiques d'El-Ahram est aux antipodes du premier invité puisque lui développe un discours logique, laissant peu de place à l'idéologie. Il analyse les faits sans leur coller d'a priori. Le troisième invité M. Farès Bouieze, ancien ministre libanais, présenté comme spécialiste des négociations internationales. Celui-ci était peut-être dans l'optique de cette rencontre voulue par M. Bendjeddou, chargé de réaliser une sorte de synthèse «pratique» entre les positions idéologiques de M. Naccache et celles de logique théorique avancées par M. Abdel Moneim. Sur les raisons de cette conférence et de ce qui en était attendu par les uns et les autres, les trois participants ont développé des points de vue qui couvrent un large spectre d'hypothèses. Pour M. Abdel Moneim, il arrive souvent que des pays que tout oppose et qui se trouveraient dans une situation de quasi conflit, comme le sont les Etats-Unis avec l'Iran et la Syrie, éprouvent le besoin de rechercher des solutions communes sur des théâtres d'opérations où tous les trois subiraient une usure continue et c'est précisément ce qui se passe en Irak où les trois pays subissent les contrecoups de ce conflit: les Américains par le nombre de leurs soldats morts et les répercussions négatives que ces morts entraînent sur l'opinion publique américaine. Cette guerre, par ailleurs, s'avère trop coûteuse puisqu'elle a consommé, jusque-là, plus de 350 milliards de dollars et que les dépenses qu'elle continue à engendrer sont estimées à 8 milliards de dollars par mois. Les Iraniens qui souffrent déjà d'un embargo important dû au différend qui les oppose aux Nations unies sur la question de leur programme nucléaire et dont les effets affectent leur industrie pétrolière dont ils ne peuvent renouveler les équipements vieillis ce qui à terme nuira à leur capacité de production. De plus leur population connaît déjà des restrictions dans le domaine de l'alimentation et dans celui des médicaments en raison de ce même embargo, sans compter qu'une partie de leurs avoirs à l'étranger se trouvent bloquée alors que certains de leurs responsables ne peuvent se déplacer à l'étranger sans prendre le risque de se faire arrêter. L'Iran est surtout inquiet que la prolongation en Irak ne conduise à l'éclatement de ce pays mosaïque. L'Iran présente la même complexité ethnique et religieuse ce qui pourrait conduire, par effet de propagation, à l'éclatement de cet autre pays mosaïque. Pour la Syrie l'afflux des réfugiés irakiens constitue déjà une difficulté en soi avec le risque de voir les combats arriver à sa frontière et même aller au-delà ce qui est déjà arrivé dans un passé récent. De plus l'existence de réfugiés armés sur le sol syrien n'est pas pour améliorer la situation sécuritaire du pays. A la question de M. Bendjeddou de savoir si cette réunion pourrait être qualifiée de rencontre entre des pays forts ou au contraire celle de pays faibles ou affaiblis, M. Naccache apportera la première réponse en disant que les Etats-Unis, ayant constaté leur défaite en Irak ont convié la Syrie et l'Iran pour les aider à évacuer l'Irak dans des conditions honorables. Que cette rencontre ne se déroulait que pour décider du calendrier d'évacuation des troupes américaines de l'Irak. Selon lui, Américains et Iraniens «dialoguaient» jusque-là par le feu des Américains en menant un certain nombre d'opérations de déstabilisation de l'Iran, en organisant l'enlèvement des diplomates iraniens au Kurdistan irakien et en organisant des opérations «terroristes» au Baloutchistan sud-est de l'Iran et au nord-ouest de ce pays. Ce à quoi les Iraniens auraient répondu en abattant six hélicoptères américains en Irak et en enlevant à Mossoul 5 officiers qu'ils auraient exécutés. Le dialogue par le feu n'ayant rien donné pour les Américains, ces derniers ont été contraints à rechercher autour d'une table un accord avec l'Iran qui leur permettrait une sortie honorable de l'Irak. Prenant à témoin M. Bendjeddou, comme si celui-ci avait la capacité d'infirmer ou de confirmer, M. Naccache lui rappelle qu'il ne parle jamais sans avoir la preuve de ce qu'il avance. Ainsi parmi les preuves de la défaite américaine il y aurait, selon lui, le fameux rapport Baker-Hamilton qui y ferait allusion, ainsi qu'un autre rapport «confidentiel» rédigé par un militaire américain et il y a surtout cette défaite des Républicains au Congrès américain qui confirmerait que nous serions face à une défaite reconnue par les Etats-Unis eux-mêmes. Dans sa lecture de la situation moyen-orientale, M. Naccache nous apprend qu'Iraniens et Saoudiens s'étaient mis d'accord au cours d'une visite à Ryad de M. Larijani, en charge des questions de sécurité iranienne, pour un partage des responsabilités sur les dossiers irakien, palestinien et libanais, et que peu de temps avant le déclenchement de la guerre contre le Liban par Israël, au mois de juillet 2.006, l'Arabie Saoudite se serait ravisée en faisant valoir que les dossiers palestinien et libanais concernaient des pays arabes et donc, qu'à ce titre, il ne pouvait être fait de place à l'Iran s'agissant de leur prise en charge. Après la cessation des hostilités dans ce pays et toujours selon M. Naccache, il y aurait eu un nouveau revirement de la part de l'Arabie Saoudite qui en serait revenue à l'ancienne entente et le récent accord de La Mecque conclu entre le Hamas et le président de l'Autorité palestinienne en serait, en quelque sorte, l'illustration première et ce qui se passe en Irak avec cette Conférence internationale confirmerait cette entente irano-saoudienne; entente appelée à voir d'autres initiatives communes aux deux pays dont la préparation de l'évacuation des troupes américaines de l'Irak. La rencontre prévue à Ryad entre les parties libanaises, en conflit entre elles aussi, dans ce partage des rôles entre l'Iran et l'Arabie Saoudite. Pour M. Bouieze les choses pourraient être appréciées différemment et si on ne pouvait parler de défaite américaine on pourrait, pour le moins, parler de difficultés qu'éprouveraient les Américains à conduire leur guerre en Irak, de plus à cette conférence il ne peut être question pour les Américains que de leur sortie d'Irak dans des conditions honorables car il ne peut être question pour eux de parler de s'y «installer honorablement». De plus Iraniens et Syriens ne sont pas au mieux, ces deux pays participent à cette conférence non seulement pour discuter de l'Irak mais surtout pour rattacher leurs propres problèmes constitués par les différents contentieux qui les opposent à la «Communauté internationale». Les deux pays voudraient voir ces contentieux discutés dans cette enceinte. Le «deal» porterait sur le paquet et non pas sur le seul problème irakien. Pour la Syrie, il s'agit de relancer la négociation sur les hauteurs du Golan toujours occupées par Israël. Les Etats-Unis auraient, selon M. Bouieze, dissuadé les Israéliens d'ouvrir des négociations sur ce dossier avec les Syriens. Il y a aussi que les Syriens subissent déjà un embargo à la suite d'une résolution des Nations unies consécutive à l'attentat qui a coûté la vie à M. Rafik Hariri, l'ancien Premier ministre libanais. En conséquence de quoi, nombreux de leurs responsables ne peuvent se déplacer librement à l'étranger. De plus les Etats-Unis exerceraient, selon lui, des pressions tactiques sur l'Iran et la Syrie, en favorisant le regroupement de l'opposition syrienne à l'étranger et en renforçant sa présence militaire dans le Golfe. Les Iraniens, dans ce marchandage, voudraient que les Etats-Unis reconnaissent leur rôle de puissance régionale en plus de trouver avec ces derniers un arrangement sur le nucléaire qui pourrait aller vers l'obtention de l'autorisation d'enrichissement de l'uranium sur le sol iranien tempérée par un contrôle plus sévère de l'AIEA. M. Bouieze soulignera que ni l'Iran ni la Syrie ne sont des entreprises caritatives; ce sont des Etats qui ont des intérêts. Cette conférence serait, selon lui, l'amorce d'un troc international ou le donnant-donnant sera la règle, l'élément important qu'il ne faudrait pas oublier, selon lui, c'est que si les Etats-Unis sont un pays démocratique dont les politiques dépendent des alternances au pouvoir et donc qui ne peut s'engager dans un processus de négociations long, l'Iran et la Syrie ou les pouvoirs sont autocrates peuvent s'installer dans la durée et donc se montrer plus patients. Il y aurait là des urgences pour les uns et les autres, tempérées par la capacité des opinions publiques à les comprendre et à les supporter. Combien de temps les Américains supporteraient-ils encore la mort des leurs en Irak et combien les peuples syrien et Iranien supporteraient-ils les restrictions économiques qui leur sont imposées par les différentes sanctions onusiennes avec les risques de contagion sécuritaire vis-à-vis desquels ni le premier ni le deuxième pays ne sont à l'abri? Pour M. Abdel-Moneim les cartes fortes dont pourraient se prévaloir Syriens et Iraniens sont plutôt des cartes qui seraient négatives pour eux. La carte du Hezbollah que les deux parties pouvaient utiliser a été déjà consommée par la guerre de juillet 2.006, le Hezbollah a perdu la maîtrise du Sud-Liban et donc celui de la frontière avec Israël. L'axe Iran-Syrie qui pouvait actionner la résistance libanaise et le Hamas en Palestine est maintenant contrebalancé par l'axe Arabie Saoudite-Egypte-Jordanie qui semble avoir trouvé ses marques définitives. M. Abdel-Moneim considère que s'il pouvait se rallier à l'hypothèse de la défaite américaine en Irak soutenue par M. Naccache, il est difficile de désigner la partie victorieuse c'est-à-dire celle qui aurait infligé cette «défaite» aux Américains. Il y a aussi un fait qui, selon M. Abde-Moneim, ne devrait pas être oublié c'est que les Etats-Unis se sont constitués des alliés en Irak et qui sont les Kurdes et les Chiites, ce qui n'est pas rien. Aussi parler de défaite américaine c'est parler de la défaite de cette alliance, ce dont on est loin. L'essentiel pour M. Abdel-Moneim est que: ce qui se passe au Moyen-Orient rappelle étrangement ce qui s'est passé s'agissant du règlement du conflit au Vietnam. L'écheveau moyen-oriental pour être démêlé, nécessiterait le doigté d'un génie comme le fut Kissinger à la Conférence de Paris qui a mis un terme au conflit du Vietnam avec ses prolongements au Laos au Cambodge et en Thaïlande. Si la Conférence de Bagdad rappelle celle de Paris, il lui manque un homme comme Kissinger pour qu'elle puisse aboutir au règlement du conflit irakien et les autres conflits de la région qui lui sont maintenant associés. Les trois intervenants conviennent cependant que la Conférence internationale de Bagdad constitue en soi un évènement qui sera suivi, selon M. Naccache, par des négociations secrètes entre les Etats-Unis d'une part, l'Iran et la Syrie d'autre part, en vue, (il n'en démord pas), de fixer le calendrier d'évacuation des troupes américaines. Ces négociations auraient, selon lui, déjà commencé. Les deux autres intervenants étant, eux, d'accord pour considérer que cette conférence constitue une première étape destinée à jauger les cartes détenues par les uns et les autres pour les prochaines négociations qui s'engageront, une fois que le Congrès américain, dominé par les démocrates, et le Président Bush se seront mis d'accord sur la politique américaine en Irak et non pas sur l'ensemble du Moyen-Orient qui comprendrait en plus de l'Irak, la Syrie, l'Iran, le Liban et la Palestine, pays à propos desquels, Congrès démocrate et Présidence républicaine diffèrent peu.


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