Algérie

«Solliciter les zaouïas démontre l'échec des partis politiques»


«Solliciter les zaouïas démontre l'échec des partis politiques»
- A quand remonte la relation entre les zaouïas et les autorités '
La relation entre la zaouïa et l'autorité a traversé plusieurs étapes dans l'histoire de l'Algérie, La zaouïa a été souvent présente dans le jeu politique dans notre pays. Il y avait des zaouïas proches de l'autorité, d'autres étaient rebelles. Cette relation a changé au fil des années et selon les circonstances. Politiquement, la zaouïa a joué le rôle de médiateur entre l'autorité et la population. La zaouïa a été, depuis le règne des Zianides, puis sous l'empire ottoman et le colonialisme français, un outil pour organiser la relation de l'autorité avec les populations. Cette médiation était un moyen très important de l'administration. De ce fait, on pouvait trouver des discours collaborationnistes qui définissaient la colonisation comme l'expression de la volonté divine (mektoub). Des membres de zaouïas ont même déformé volontairement l'interprétation du verset qui dit «wa atioû Allah wa rassoul wa ouli el amri minkoum». Le mot «minkoum» était occulté, puisqu'il veut dire «dirigeant musulman». La technique de la médiation fait partie de la délégation du pouvoir. La zaouïa était devenue un organe inconditionnel du régime, aux côtés du système tribal, puisque l'autorité choisissait à qui elle délègue le pouvoir qui la représente, les caïds à titre illustratif. Dans un système démocratique, la population désigne celui qui la représente. La technique de la médiation et de la délégation est le strict contraire. A partir des années 1980, les zaouïas ont été mises au devant de la scène, avec l'organisation en 1984 d'une rencontre nationale. Le pouvoir voulait en réalité recouvrer un certain ancrage dans la société, en actionnant la technique de la médiation. A partir de ce moment, les gouvernants, les dirigeants, les politiciens n'ont plus hésité à solliciter l'aide des zaouïas pour concrétiser leurs calculs. Au cours des campagnes électorales, les politiciens se dirigent vers les zaouïas parce qu'ils savent très bien que ces lieux représentent un soutien certain. Nous assistons aujourd'hui à un retour en force des zaouïas. Ces dernières prennent une place prépondérante dans le paysage public. Pour mieux comprendre, je donne l'exemple d'une zaouïa située à l'ouest du pays, qui donne des leçons de religion pendant le mois de Ramadhan (Hemissi fait allusion à la zaouïa Belkadia d'Oran). C'est une décision politique. Choisir particulièrement une tariqa (dans ce cas, la Belkadia Hibria Chadoulya) veut dire encourager un discours religieux au détriment d'un autre, tout en excluant les hommes de religion officiels. Car les partis et la société civile sur lesquels ils ont investi ont prouvé leur incapacité. Solliciter les zaouïas démontre l'échec des partis politiques. Je considère cette méthode comme rétrograde et dangereuse. En revanche, une remarque s'impose. Ce ne sont pas toutes les parties au pouvoir qui sont d'accord avec ce procédé. Les tariqas doivent refuser une nouvelle forme de médiation et se concentrer sur l'enseignement de la religion. Elles ne doivent pas s'immiscer dans le jeu politique ou être intermédiaires, une nouvelle fois, entre l'autorité et la population. L'ouverture du champ politique permettrait aux partis politiques de s'émanciper des tutelles. Grâce à d'intenses activités de la société civile et des syndicats, nous pourrions produire une nouvelle élite.

- Les oulémas se sont-ils opposés aux tariqas pour mettre fin à cette technique de médiation '
Non, le mouvement réformiste, El Islah, conduit par Abdelhamid Ben Badis et Bachir El Ibrahimi à partir des années 1930, voulait corriger la relation entre l'homme de religion et les populations dans le but de donner à ce rapport de nouvelles bases. Avec l'avènement de l'indépendance, le courant réformiste a été adopté comme unique source religieuse. Au cours des premières décennies de colonisation, il existait par contre des clivages entre zaouïas. Certaines refusaient de rejoindre la révolte de l'Emir Abdelkader sous prétexte qu'il était Kadiri. Ahmed Bey, qui avait organisé la révolte dans le Constantinois et le Sud-Est algérien, refusait de joindre ses efforts à l'Emir sous prétexte qu'il était Arabe et lui Kouroughli, donc d'ascendance turque. L'Emir a pu enrôler sous sa bannière des tribus entières et des moudjahidine l'ont rejoint, dont des adeptes de la tariqa Rahmania, très ancrée en Kabylie. Les zaouïas pouvaient faciliter les soulèvements populaires ou les avorter.


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