Algérie

Soleil, blues et inquiétudes



Le mois de juillet est en avance à Paris. Terrasses prises d'assaut, tenues légères, étoffes claires et même quelques visages hâlés, témoignages insolents des séjours pascaux en altitude. Un peu étourdi par cette première grosse montée du mercure, on pense aux jours qui précèdent la fête de la musique et les grandes vacances. On imagine que la pause estivale est arrivée et que le voile des jours gris est loin.  Pourtant, les sourires sont rares et certaines mines affichent même une inquiétude que la chaleur inhabituelle et l'ozone oppressant, n'expliquent pas entièrement. Peut-être que le battage autour du réchauffement climatique et de ses conséquences apocalyptiques commence à travailler les esprits (on en parle au comptoir du Brazza, c'est dire!). Peut-être aussi que l'imminence du premier tour de l'élection présidentielle réveille craintes et angoisses.  Quoi de plus normal? De nombreux candidats, à commencer par l'agité anxiogène de Neuilly, relayés par des déclinologues en mal de médiatisation, n'arrêtent pas de dire que ce pays va mal, qu'il court à sa perte et qu'il ne vaut presque plus rien. Il s'agirait de l'élection du «tout ou rien» et même les charlatans de «The Economist» s'y mettent en hurlant périodiquement à la fin de la France (ils soutiennent Sarkozy, ce qui est instructif quand on sait que leur hebdomadaire a défendu la guerre en Irak et a longtemps qualifié de farce la thèse de l'impact des gaz à effet de serre). Partout, à la télévision, dans les journaux et dans les émissions matinales de radio, on entend les Cassandres et les affolants. Voilà un discours infondé et manipulateur. Il suffit de voyager un peu en Europe pour se rendre compte que la France reste en pointe dans de nombreux domaines et qu'au fond, elle est plus enviée que plainte. Où est passé l'esprit cocardier des Français que même un record mondial de vitesse de leur TGV ne parvient pas à enthousiasmer? Mystère. L'économie se porte mieux, la croissance est revenue et pourtant les lamentations ne cessent pas. C'est à croire que les Français souffrent de ce travers bien méditerranéen qui consiste à pleurer sur son (faux) sort sans vraiment y croire mais au moins, me direz-vous, les Méditerranéens du Sud, à l'image des Algériens, ont des motifs sérieux de se plaindre. Non, vraiment, il y a des moments où la déprime collective hexagonale m'insupporte. «Tout va mal, mon bon monsieur», voilà la ritournelle quand d'autres -de l'autre côté du Rhin par exemple- gonflent le torse et inspirent à pleines bouffées optimistes. Ces derniers jours, j'ai ainsi l'impression d'être entouré par des enfants gâtés étouffés par leurs états d'âmes. Il y a ceux qui ne veulent pas aller voter. Parce que «ça les gonfle». Parce qu'aucun candidat ou candidate ne les satisfait. Ou bien alors, il y a ceux qui vont voter pour un petit candidat parce qu'ils ne croient pas à l'impératif -à l'urgence- du vote utile. Combien de candidats à l'extrême-gauche. Cinq? Six? Ce n'est guère sérieux et tout cela n'est qu'une clownerie qui dénature ce scrutin. Déprime et n'importe quoi politique, voici le fardeau réel de la France. Vous souvenez-vous des petits partis qui avaient pollué la scène algérienne à la fin des années 1980 avant d'être balayés par les événements que vous savez? Et bien, ici, c'est la même chose. On a trois ou quatre partis trotskysto-je ne sais quoi sans oublier le dernier parti communiste d'Occident. Et que dire du «candidat de maires» dont le verbiage me rappelle les grognements de «P'pa mal-léché»? Problème, on parle ici d'une élection présidentielle, pas de dessins animés. Combien de voix vont-elles se disperser pour le plus grand bénéfice de la droite et de son extrême?  Mais il y a une autre raison qui plombe le climat d'avant premier tour. A voix basse, on évoque le drame espagnol de 2003 et les attentats qui avaient précédé les législatives. Je ne peux occulter ni moquer cette crainte d'autant que l'on devine aisément quelles conséquences électorales découleraient du moindre acte terroriste qui serait commis sur le sol français.  Les attentats d'Alger et de Casablanca ont eu pour effet de rappeler que l'Hexagone n'est jamais hermétique à ce qui se passe au Maghreb. Bien entendu, la droite et ceux qui la servent -qu'ils soient au gouvernement ou dans les médias- en ont rajouté à propos des «mesures prises pour assurer la sécurité des meetings». Je vous laisse deviner la suite de ces propos faussement rassurants qui n'ont pour seul but que de précipiter l'électeur indécis dans les bras du candidat qui prétend incarner l'ordre et la sécurité alors qu'il s'avère, chiffres à l'appui, que sa politique sécuritaire a été un échec. Vous allez me trouver paranoïaque mais j'ai, d'ailleurs, l'impression que la télévision n'a jamais autant parlé d'insécurité et d'agressions qu'au cours des ces derniers jours. Ce n'est pas l'avant-premier tour de 2002 mais presque. Enfin, il y a aussi l'inquiétude des gens de gauche. Nombre d'entre eux vont voter pour la candidate du parti socialiste sans grand enthousiasme mais conscients de ce qui menace la France en cas d'élection du chefaillon de l'UMP. Ces dernières semaines, avec leur lot de révélations, nous ont fourni moult indications. Sarko et l'indépendance de la justice? Hum... Sarko et la liberté d'expression? Parlez-en à ceux dont les livres ont de la peine à être édités. Parlez-en aux journalistes de France 3 qui ont commis le crime de lèse-majesté de critiquer son bilan. Et je ne vous parle même pas de la polémique à propos de l'eugénisme déclaré du candidat de la droite dite républicaine. Il y a des signes qui ne trompent pas et c'est peut-être ce qui explique le mieux cette angoisse diffuse que l'on sent planer sur les villes et campagnes de France et de Navarre.


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