Résumé : Alors qu’elle vivait depuis toujours en Algérie, le quotidien de Naja va basculer lorsqu’elle devra quitter son pays, ses repères et sa famille, pour rejoindre la France à la fin des années 50 sous l’impulsion de son époux Saïd. Loin de l’idée qu’elle se faisait de ce nouveau départ, Naja va très vite devoir faire face à la difficulté de l’intégration en France pour elle comme pour ses filles qui seront bientôt rejointes par un nouvel enfant. Une grossesse non désirée qui remettra en cause l’équilibre fragile de cette famille.
Critique : Dès le titre, oxymorique, emprunté à un vers de Rimbaud, l’idée d’opposition est posée et ne cessera de parcourir l’ensemble de l’œuvre, ainsi que la vie de ses personnages. En effet, on suit l’existence de Naja et de ses enfants, à partir des années 60 jusqu’à la fin des années 90, sous la forme d’une fresque dans laquelle chaque personnage est important et raconte un pan de l’Histoire.
Ainsi, Naja et Saïd représentent une première génération venue travailler en France dans l’espoir d’avoir une existence meilleure, mais qu’on fera vivre dans les HLM, ces nouvelles cités en lisière de Paris souvent oubliées, avant que ces immigrés soient invités à rentrer chez eux, sans aucune forme de reconnaissance.
Les trois filles des protagonistes, elles, auront des destins différents. Alors que Maryam, l’aînée, sera mariée de force et devra retourner en Algérie suivant la volonté de son père, Sonia, la seconde, parviendra quant à elle à s’émanciper petit à petit des traditions, ouvrant la voix à Nour qui quittera définitivement sa famille, ne supportant plus de se sentir étrangère en Algérie comme en France. Cette fuite est d’ailleurs assez révélatrice de cette dualité qui caractérise les personnes ayant une double culture, qui ne se sentent pas proche de leur pays d’origine, mais qui, dans le même temps, y sont toujours renvoyés par les autres.
Mais si Nour verbalise ce sentiment de mal-être et prend la fuite pour le conjurer, il n’en reste pas moins présent chez le reste de la famille, notamment chez Saïd et Naja qui tentent par tous les moyens de s’intégrer en France, mais qui sont eux aussi sans cesse renvoyés à leur statut d’immigrés. Ce rapport ambivalent de la France est d’ailleurs personnifié à travers le personnage d’Eve, l’épouse de Kader, le frère de Saïd. En effet, si celle-ci semble heureuse de rencontrer sa nouvelle belle sœur et de nouer une relation avec elle, très vite le rapport devient déséquilibré, Eve tentant d’avoir l’ascendant sur Naja, au point de lui faire une proposition insensée, lorsque cette dernière découvrira sa grossesse.
En définitif, Soleil Amer, le nouveau roman de Lilia Hassaine, dresse le portrait d’une partie de la population trop peu représentée, qui a pourtant toute sa place dans le paysage littéraire. Ce roman passionnant confirme le talent de l’autrice dont le premier ouvrage L’œil du Paon avait déjà été remarqué, lors de sa sortie en 2019. Avec son style très naturaliste et une façon de décrire les situations selon une distance proche de celle de la chronique, l’écrivaine se rapproche de Zola dans l’écriture et la volonté de dépeindre une réalité sans fard, le plus objectivement possible, et autant dire que le pari est gagné !
160 pages
140 x 205 mm
16,90€
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Posté Le : 27/08/2021
Posté par : litteraturealgerie
Ecrit par : Elise Turkovics
Source : avoir-alire.com