– Qu’est-ce qui a caractérisé la gestion du secteur agricole au cours de ces 20 dernières années ?
On notera surtout le manque, ou l’absence, d’études et de prospective, de maturité dans la conception, de pragmatisme… En principe, notre agriculture devrait utiliser le savoir scientifique actuel pour créer des modèles de développement qui sont propres aux conditions environnementales, qui répondent à nos besoins alimentaires…. Alors que nous sommes restés au stade basique de l’importation brute, en l’occurrence de modèles techniques, que nous essayons de plaquer, accompagnés d’une abondante propagande sur des réalités pour lesquelles ils n’ont pas été conçus.
D’ailleurs, une phrase revient souvent dans la bouche des responsables : «Si on atteint 10% des objectifs fixés, alors nous aurons réussi !» De quoi donner froid dans le dos, on se dit que même un non-voyant ne pourrait pas se tromper de 90 cm, sur une mesure d’un mètre. Cet aveu d’incompétence, donne une idée de la gabegie, qui ouvre le grand passage à la corruption dans laquelle baignent la plupart des secteurs économiques du pays.
Les Américains à Brézina (wilaya d’El Bayad) est une bonne illustration des modèles de développement que l’on a tenté de réaliser. Un eldorado auquel seuls veulent croire les responsables algériens, quitte à confier notre production agricole à des étrangers avec nos propres capitaux, c’est en effet incroyable ! Comment qualifier une situation où nous avons dépassé le crime économique !?
– Qu’en est-il des affaires liées aux détournements du foncier agricole ?
Si on prend le cas de la Mitidja et la situation désastreuse dans laquelle elle se trouve aujourd’hui, on se demande si nous sommes tout simplement devant des cas de détournement du foncier agricole. Les affaires qui sont liées à ces détournements (sauf dans les cas des règlements de comptes), jouissent généralement de l’impunité qui revient automatiquement aux plus puissants.
Quand on sait que le pays a perdu, depuis 1962, au moins 300 000 ha d’excellentes terres agricoles, il ne s’agit plus de détournements, mais on assiste à un pillage massif du patrimoine national.
– Des engagements ont été pris durant les différents programmes pour réduire les importations et augmenter la production nationale, mais c’est resté au stade de promesses…
La facture des importations augmente inexorablement d’année en année, c’est ce que révèlent les chiffres du CNIS. Vue sous un autre angle, on comprend que la dépendance alimentaire ne fait qu’augmenter elle aussi. A l’heure actuelle, la sécurité alimentaire est réduite au prix du baril. Dans un avenir proche, c’est-à-dire bien avant 2030, il n’y aura plus de pétrole à exporter. La manière avec laquelle ont été pris ces engagements (essentiellement pour les céréales et le lait) explique tout à fait pourquoi le pays glisse structurellement vers la dépendance alimentaire.
Si aujourd’hui les étals de nos marchés sont suffisamment pourvus en produits frais (fruits, légumes), cela tient au gigantesque effort des petits agriculteurs qui peinent à produire dans un pays structuré pour importer. Comme nous le voyons dans l’importation des pommes, du concentré de tomate… qui pénalise nos propres agriculteurs pour le grand bien des importateurs. Ceci dit, c’est un secteur totalement dépendant des importations d’intrants, en amont et parfois en aval.
– Au final, les résultats enregistrés sont-ils à la hauteur des dépenses, que ce soit pour l’agriculture ou le développement rural ?
Il faut juste noter qu’entre 2000 et 2015, l’Algérie a dépensé 13 fois plus pour l’importation de véhicules que pour développer l’agriculture. Les différents ministres qui se succèdent annoncent officiellement, sans vergogne, le plus normalement du monde, que la valeur déclarée de la production agricole nationale est de 28 à 35 milliards de dollars ! C’est-à-dire la moitié en valeur de la production française qui est la plus forte de l’UE, sur une surface 6 fois plus petite.
On aura tué le ridicule. Selon toujours ces déclarations officielles, la production de l’hectare en Algérie aurait donc une valeur supérieure de 8,5 fois celle du Nigeria, de 7 fois celle du Maroc (9-1200 dollars/ha), et de 3 fois celle des pays de l’UE, rapportée à la surface cultivée chaque année, on se retrouve avec un hectare qui produit environ 7000 dollars/an. Alors que des chiffres avancés par des observateurs indépendants parlent de 204 dollars/ha/an.
Au vu des résultats obtenus, des moyens financiers engagés…, et si on compare le tout aux pays voisins, on se rend compte que l’on a tenté de nous faire croire que nous accomplissions des performances agronomiques, alors que c’est tout le contraire. Les comptes économiques en volume de 2000 à 2014 expriment tout à fait l’évolution du taux de croissance, ce qui est bien évidemment inquiétant, puisque la production globale est en régression.
A souligner que la production agricole globale en Afrique a été multipliée par 3 depuis 1960. Il ne faut surtout pas oublier de rappeler que l’Algérie est le plus gros importateur de produits alimentaires en Afrique, le tiers de la facture alimentaire du continent qui compte 1,2 milliard d’habitants. Rapporté au nombre d’habitants, c’est de loin le plus grand importateur du monde de céréales, et de lait !
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Posté Le : 02/04/2019
Posté par : patrimoinealgerie
Source : EL WATAN