Algérie

Sociologie politique du faire-part



Sociologie politique du faire-part
Une personnalité politique nationale, probable candidat à l'élection présidentielle, à ce qui se dit, vient de perdre un parent proche. Souhaitons-lui la force de dépasser sa douleur. Même si "la classe politique" et la notabilité ne se sont pas bousculées au portillon des rédactions pour lui exprimer sa compassion comme elles le font habituellement à l'endroit des responsables en exercice.Les gestionnaires de journaux connaissent le problème : à chaque fois qu'un responsable politique, un notable de la nomenklatura ou un éminent affairiste a le bonheur de célébrer un heureux évènement, une cohorte d'"amis" converge au portillon des rédactions et du service de publicité pour être le premier ou la première qui lui témoignera de son ravissement devant la nouvelle de l'heureux évènement ; et si c'est un malheur qui vient l'éprouver, le processus est le même pour lui exprimer sa commisération.Bien sûr, il y a mille manières de partager la douleur ou la joie d'un ami. Ou, d'un "ami".Mais dans la culture du microcosme ? désormais macrocosme ? politico-financier national, l'on semble tenir à voir son témoignage de solidarité bien imprimé dans un journal. Voire dans des journaux. Et, de préférence, parmi les mieux distribués et les mieux établis. Probablement pour donner toutes les chances à son geste d'être remarqué par le concerné ou parce que l'avis aura plus sûrement la fortune d'être conservé s'il est publié sur support voué à l'archivage. Un billet livré ou faxé, un mot téléphoné, ou même un déplacement auprès de l'"ami" ne connaîtront pas ce destin. L'écrit reste, en effet.Notre système politique est la traduction politique de la domination d'un vaste entrecroisement de coteries, elles-mêmes basées sur les liaisons tribales et d'intérêts qu'entretiennent leurs membres. Il arrive que dans la lutte pour la préséance, certains membres magma politico-économiques composites et hiérarchisés soient poussés au-dehors du système, ou simplement déclassés dans l'échelle d'importance établie par la secte dominante.Cette espèce de bannissement est alors automatiquement suivi d'un mouvement de mise en quarantaine dans... le milieu. Les mariages de ses enfants ne sont alors plus autant courus et les épreuves personnelles ou familiales auxquelles l'on peut être confronté ne donnent plus cours à l'afflux de compassion qu'elles suscitaient jadis.C'est ce qui semble être arrivé à la personnalité évoquée en début d'article. Pourtant, on la dit promise à un triomphant retour, on la sait d'un passé révolutionnaire honorable et l'on n'a pas eu d'échos sur quelques infamants agissements du temps de son "règne".Ce renoncement moral qui jette les proscrits du régime à la marge de leur propre système a une raison : la peur. La peur que son geste, humain, soit interprété comme un rapprochement politique en direction du mal-aimé. Dans la culture politique du système, l'obédience fait beaucoup de mal en ce qu'elle dévitalise le potentiel politique national ; mais la peur du puissant en fait encore davantage en ce qu'elle affecte l'aptitude morale des ambitieux.Et il n'y a pas mieux que les avis de félicitations et le carnet nécrologique pour reconstituer cette sociologie d'opportunisme et pour y voir s'étaler, à pleines pages, ses deux versants, la flagornerie et la couardise.M. H.musthammouche@yahoo.frNomAdresse email




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