Publié le 29.02.2024 dans le Quotidien d’Oran
par Brahim Chahed
«L'Entreprise doit faire des profits sinon elle mourra. Mais si l'on tente de faire fonctionner une Entreprise uniquement sur le profit, alors elle mourra aussi car elle n'aura plus de raison d'être».
Henry Ford, père du Fordisme et pionnier de la RSE déjà en 1920.
A qui croyaient que la prise de conscience des entrepreneurs sur la Responsabilité sociale de l'Entreprise la détournait de sa vocation première, Henry Ford répondait déjà en 1920, à travers l'adoption des valeurs de responsabilité élargie et l'introduction des notions de paternalisme et philanthropisme, par un acte volontaire et volontiers de prise en charge des besoins de ses personnels au-delà de ses obligations d'employeur. En dépit de cette conscience, sociale et sociétale, prématurée, cette situation ne faisant, cependant, pas unanimité en ces temps-là. Les entrepreneurs, le faisait de leur propre chef par charité croyait-on.
Les entrepreneurs, en fait, prenaient en charge certains des besoins sociaux de leurs employés pour protéger et maintenir leur outil de production, fidéliser leurs hommes et surtout éviter ou prévenir tout soulèvement social qui entraverait la bonne marche de leurs affaires. Et puis, le faire volontairement, n'est aucunement une tare mais un avantage qui renforce au lieu d'affaiblir l'engagement ; cela ne ressort-il pas de la définition même de la RSE en pointant la volonté de faire au lieu de l'obligation et la contrainte de s'y conformer.
L'idée que les entreprises se doivent d'être responsables, répondants, s'enracine grâce, notamment, à Howard Bowen qui publie, en 1953, un ouvrage intitulé « La responsabilité sociale du businessman ». Dans cet ouvrage, Bowen donne la première définition reconnue de la Responsabilité sociale de l'Entreprise et lie, habillement, cette responsabilité à l'intérêt même de l'Entreprise.
Le recours au temps long est un impératif, mais aussi un moyen judicieux, pour saisir les enjeux de la notion de RSE. Ainsi, il est important de passer d'un engagement individuel, celui de l'entrepreneur, mû par son éthique et nourri par ses croyances, convictions et éducation à l'engagement collectif, celui de l'Entreprise, légitimé par le fait que l'Entreprise n'est pas seulement en marché, mais en société. Elle doit donc, en plus des objectifs économiques poursuivis ou attendus par toutes les parties prenantes et des obligations légales incombant aux entreprises, les intérêts de celle-ci et de la Société tout entière doivent converger. Les Entreprises, de ce fait, doivent faire en sorte de supprimer ou à minima réduire, significativement, les externalités négatives de leurs activités et améliorer leur rapports et image dans la Société en passant du concept de responsabilité, associé souvent à la sanction, à celui de réponse, lié à une volonté unilatérale d'acter.
Si les experts oscillent encore entre social et sociétal, comme ils le font d'ailleurs, pour le développement, entre durable et soutenable, les deux notions, Responsabilité sociale ou sociétale de l'Entreprise et développement durable ou soutenable, nées dans des horizons distincts, ont fini, pour beaucoup, en dépit de leurs trajectoires, au début, parallèles, par se rejoindre et converger. Le RSE est une réponse aux défis du développement durable ou soutenable quel qu'en soit le vocable à privilégier.
La RSE n'est ni une norme, ni une donnée ; elle est le résultat rationnel d'un construit imaginé par l'Entreprise elle-même, une convention à laquelle elle adhère volontairement, ainsi, le degré d'adéquation dépend certes de l'engagement des parties prenantes, particulièrement des actionnaires et dirigeants, mais les dépasse, à certain moment, puisqu'il leur renie l'exclusivité de représentation de l'intérêt générale et la prétention d'incarnation, par leur agrégation, du bien commun.
L'Entreprise, aujourd'hui, ne se contente plus de la réparation des dommages causés par ses activités mais s'invite, s'installe même, dans l'anticipation intégrant carrément les objectifs sociaux aux objectifs économiques. C'est là une réflexion profonde sur l'objet social étendu qui propulse l'Entreprise vers un destin d'organisation à mission, d'organisation contributive. Plus que jamais, la Responsabilité sociale des Entreprises est véritablement institutionnalisée dans le monde des affaires, les démarches et stratégies RSE renvoient aux différentes politiques mises en place dans les entreprises pour contribuer et intègrent même les mécanismes de bonne gouvernance.
Ainsi, des exigences ou encore des actions volontaires à publier, chaque année, un rapport RSE qui rend compte à la fois des actions de l'entreprise et de leurs résultats en matière de responsabilité sociale, on est passé aux déclarations de performances extra-financières qui vont encore plus loin et renforcent les critères soumis à appréciation tant en terme de champs d'application qu'en terme de contenu. La déclaration des performances extra-financières tend à assurer davantage de transparence dans ce domaine et contient des informations sociales ayant trait aux relations entreprise/salariés, des informations sociétales en rapport avec les droits de l'homme et des relations entre parties prenantes élargies, et, enfin, des informations environnementales ayant trait au développement durable, à la biodiversité et à la transition énergétique.
Je retiens, enfin, humblement, dix axes pour toute entreprise qui souhaiterait entamer le virage de la responsabilité sociale et ancrer cette culture dans ses environnements :
- La maitrise de la consommation des ressources ;
- L'adoption du recyclage et le soutien à l'économie circulaire ;
- L'adoption des comportements d'achats responsables ;
- La préférence des circuits courts ;
- L'œuvre pour le bien être des employés par la pratique du sport et une alimentation saine ;
- La lutte contre la corruption et l'adoption d'une charte d'éthique ;
- L'œuvre pour plus de flexibilité aux employés et le maintien d'un équilibre vie privée/vie publique ;
- La communication sur la RSE et la publication des informations sur les performances extra-financières ;
- La mise en place des actions RSE qui ont le retour sur investissement « ROI » le plus immédiat ;
- La nomination d'un responsable ou d'une équipe RSE.
Certains pensent, d'autres savent qu'Elon Musk, patron, entre autre, de Tesla, se fait digne représentant de la RSE, par ses projets stratosphériques, osés et innovants de démocratisation de la voiture électrique ; il prend ainsi une revanche, ironie du sort, de son idole, le célébrissime Henry Ford qui, il y a cent ans, avait tué la voiture électrique par sa légendaire Ford T, à moteur essence énergivore.
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Posté Le : 12/04/2024
Posté par : rachids