Smaïl ou la passion des chevaux

En contrebas de la route, quatre chevaux broutent paisiblement l'herbe bien verte d'un pré clôturé. Paysage devenu bien rare dans cette campagne bouleversée par le progrès, qui a partout remplacé les quadrupèdes par des quatre roues. Cela attire forcément l'attention du nouveau venu au village de Tibbane. Smaïl Alouit, incidemment présent sur les lieux, est un passionné des équidés. Parlez-lui de ses chevaux, et un sourire bien large éclairera aussitôt son visage. Les chevaux lui appartiennent et trois d'entre eux sont nés « chez lui ». Interrogé si cet élevage était destiné à la boucherie, il s'en est presque trouvé offusqué. « Non, on envoie à l'abattoir les vieilles bêtes et celles estropiées », explique-t-il en appui à sa dénégation. Ce n'était visiblement pas le cas des siens, pimpants de santé. Ceux-là sont destinés à la monte, certes, mais pas aux courses hippiques. Il n'y pense même pas. « Il y a encore beaucoup de gens qui veulent acquérir des chevaux pour la monte ou tout simplement pour le prestige », assure-t-il. Ce n'est pas donné, comme plaisir, nous fait-il découvrir. « Un cheval comme celui-ci peut facilement se vendre à vingt millions de centimes. Rien que pour le poulain, on m'a déjà offert huit millions et j'ai refusé de le céder », affirme-t-il avec un sourire malicieux. Depuis qu'il a découvert que son hobby pouvait aussi être un business rémunérateur, Smaïl a rajouté cette facette commerciale à sa passion, et c'est avec délectation qu'il raconte les petits deals qu'il a réussi à conclure à son profit. Pour l'heure, ils ne sont que quelques-uns dans toute la région à s'adonner à ce type d'élevage, conduit en semi-sauvage car les bêtes sont aussi laissées libres dans la montagne où elles trouvent pâturage. Mais c'est déjà un bon signe, et c'est grâce à des passionnés comme Smaïl que les animaux domestiques commencent à reconquérir la place qu'ils n'auraient jamais dû perdre dans nos campagnes.