-La météorite de 31 kg trouvée et ramassée en mars 2020 près d’Adrar dans le désert algérien est entrée la semaine dernière dans le Guinness des records parce qu’elle est la plus ancienne découverte jusqu’ici. Qu’est-ce qu’elle représente pour les scientifiques qui qualifient la découverte d’exceptionnelle ?
Les météorites représentent la matière la plus ancienne du système solaire. Leur étude permet de déterminer non seulement l’âge du système solaire mais aussi de nous renseigner sur son origine et son évolution depuis sa naissance, il y a 4,5678 milliards d’années. Dans ce contexte, la météorite Erg Chech 002 est particulièrement probante. Trouvée dans le désert algérien en mai 2020 (masse totale 31,78 kg), elle est la plus ancienne lave connue du système solaire. La découverte annoncée récemment par une équipe de chercheurs français et japonais dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) a montré qu’Erg Chech 002 a cristallisé seulement 2 millions d’années après la naissance du système solaire. Elle fait partie des rares objets de croûtes protoplanétaires qui ont survécu à la destruction qui a prévalu au tout début de la formation du système solaire.
-Pouvez-vous nous dire pourquoi et comment ces précieux cailloux qui nous viennent du fin fond de l’univers atterrissent en fin de course dans les laboratoires de pays divers ?
La majorité des météorites qui arrivent sur terre proviennent de la ceinture d’astéroïdes située entre les planètes Mars et Jupiter, à quelques centaines de millions de kilomètres de nous. Quand leurs trajectoires croisent l’orbite terrestre, elles rentrent dans l’atmosphère et finissent par tomber. Celles qui sont ramassées au sol sont répertoriées, classifiés puis mises à disposition pour la recherche.
-Quelles est l’ampleur du trafic international de météorites ?
Quand les météorites tombent au sol, l’endroit où elles sont les mieux préservées et aisément reconnaissables est le désert. Ainsi, des expéditions scientifiques sont organisées pour la collecte des météorites d’une façon légale. Or, depuis plus d’une vingtaine d’années, un pillage systématique par des chasseurs de météorites a été observé dans les pays mal réglementés. En Afrique du Nord (en particulier dans le Sahara algérien), ce trafic a connu un accroissement sans précédent. Dans la seule région d’Açfer, à Tamanrasset, plus de 400 météorites ont été illégalement sorties du territoire. Le marché est devenu incontrôlable et le prix de ces cailloux exorbitant. A titre d’exemple, le prix d’un gramme d’Erg Chech 002 coûte plus de 50 dollars (plus de 1,5 million de dollars pour cette seule météorite).
-Comment, selon vous, mettre fin à ce pillage et ces météorites illégalement sorties du territoire peuvent-elles être rapatriées ?
Pour mettre fin à ce pillage, il faut un contrôle plus fiable des frontières et une meilleure politique de gestion du patrimoine national. En l’état actuel, il est difficile de faire revenir les météorites pillées sur le territoire national. Cependant, il est imminent de créer une structure institutionnelle s’occupant de la collection des météorites algériennes tel qu’un muséum national qui prendra en charge la collecte des météorites dans le désert et leur caractérisation (en utilisant des moyens analytiques appropriés). Le Professeur Djelloul Belhai, planétologue à l’université des sciences et techniques d’Alger, avec qui j’ai longuement discuté sur ce sujet, a les moyens et les compétences pour remplir parfaitement le rôle d’initiateur.
Le muséum pourra ainsi collaborer avec les autorités concernées pour lutter contre les réseaux de trafiquants. Il bénéficiera d’une reconnaissance internationale en tant qu’institution légale et ultime de préservation des météorites algériennes. L’Algérie pourra ainsi revendiquer officiellement l’appartenance au patrimoine national des météorites algériennes hors territoire et demander leur rapatriement.
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Posté Le : 25/04/2021
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : SLIM SADKI
Source : El Watan